Afin de diminuer l'incertitude entourant ses opérations et la volatilité qui y est associée, la Réserve fédérale américaine (Fed) publiera à compter du 25 janvier ses propres prévisions quant à l'évolution des taux d'intérêt.

Elle indiquera alors les niveaux auxquels se situeront, selon elle, les taux d'intérêt à différents moments dans le temps en fonction des cibles qu'elle prévoit quant à l'inflation, la croissance économique et le taux de chômage. Ces prévisions seront révisées quatre fois par année.

Cette nouvelle pratique de la Fed aura-t-elle l'effet voulu, ou ne risque-t-elle pas plutôt d'augmenter la volatilité des marchés, déjà pourtant assez grande? Le projet suscite des interrogations.

La Fed n'a pas chômé depuis trois ans. Elle a mis en place une politique de taux d'intérêt zéro qu'elle affirme vouloir maintenir jusqu'à la mi-2013. Elle a aussi lancé l'opération Twist qui consiste à acheter les obligations de long terme et vendre en échange des obligations de court terme afin de maintenir les taux à long terme les plus bas possible.

De plus, la Fed a mis en place deux programmes d'assouplissement quantitatif (QE1 et QE2) qui consistent à acheter des obligations de moyen et long terme afin d'augmenter les liquidités dans le système financier. Tout cela visait à éviter que le système financier se retrouve en crise de liquidités et à favoriser une reprise économique.

L'idée de publier des prévisions de taux d'intérêt vient de plusieurs membres de la Fed qui croient que la banque centrale doit dire au public où elle s'en va, explique Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. «Ces membres croient ainsi améliorer l'efficacité des mesures mises en place par la banque centrale et faciliter la compréhension et la clairvoyance du public quant aux opérations de la Fed», dit-il.

Volatilité

Toutefois, en ce qui concerne la volatilité des marchés financiers, cette nouvelle façon de faire pourrait bien s'avérer un couteau à deux tranchants, croit M. Lavoie. À priori, connaître à l'avance les taux de la Fed devrait réduire la volatilité, principalement du marché obligataire, et par ricochet celle du marché des actions.

Mais qu'arrivera-t-il lorsque les cibles sous-jacentes à la trajectoire des taux annoncée par la Fed n'évolueront pas comme prévu? Par exemple, la Fed, constatant que le taux de chômage baisse plus vite que prévu, pourrait annoncer qu'elle prévoit que le taux des fonds fédéraux, qui est actuellement de 0,25, atteindra 2% dans deux ans. On imagine facilement que le taux des obligations échéant dans deux ans, qui se négocie actuellement à 0,35%, bondira. Les taux de toutes les obligations à plus longue échéance auront aussi tendance à monter rapidement.

Si, pour certains, la nouvelle façon de faire de la Fed entraînera plus de stabilité quant aux prévisions des taux, pour d'autres, elle risque de créer une plus grande volatilité des marchés lorsque l'on se rapprochera des cibles économiques que la Fed aura fixées, craint l'économiste de la Laurentienne.

Une plus grande clarté

Cette décision d'une banque centrale de publier ses prévisions de taux d'intérêt n'est pas tout à fait nouvelle. La Suède, la Norvège et la Nouvelle-Zélande le font déjà, indique Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque Nationale. «Dans l'environnement actuel, les prévisions de taux de la Fed apporteront plus de clarté quant à sa politique monétaire», dit-il.

Par ailleurs, les dissensions entre les membres du Federal Open Market Committee pourraient être plus évidentes, étant donné que ces prévisions seront du domaine public. Elles pourraient alors constituer un élément de volatilité supplémentaire.

Le processus dans lequel la Fed s'engage comporte certains risques, ajoute Mathieu D'Anjou, économiste principal chez Desjardins. D'abord, celui d'envoyer des signaux divergents à chacune de ses réunions si les variables économiques s'avéraient très instables. «Cela nuirait à sa crédibilité», dit-il.

Mais aussi, ayant fait connaître la trajectoire que suivront les taux d'intérêt, la Fed risque de se retrouver les mains liées dans la poursuite de ses objectifs, ajoute l'économiste de Desjardins.