Comme par les années passées, La Presse reprend en 2012 sa consultation trimestrielle avec quatre experts en répartition d'actifs. Nous leur demandons de formuler des recommandations pour faire fructifier ou protéger un REER autogéré de 50 000$. Avant d'expliquer leurs perspectives pour les prochains mois, ils reviennent brièvement sur 2011, année où la plus grande sagacité, jumelée à de la chance, aura tout juste permis de préserver le capital, une fois déduits les frais de gestion.

Côté placement, 2011 est à ranger parmi les années à oublier, bien qu'elle fut fertile en événements, tant sa volatilité aura été élevée.

«On a assisté à l'effondrement, sinon à tout le moins à une érosion majeure de la confiance des investisseurs», estime Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux.

«Les fantômes de 2008 sont réapparus, renchérit François Bourdon, vice-président et chef adjoint des placements chez Fiera Sceptre. Les marchés émergents et le Canada ont écopé.»

Après avoir été propulsés pendant plusieurs années par les biens de base, les maîtres-indices boursiers de ces pays ont tous pâti de la correction des prix des commodités, puis de celle de l'or qui n'est peut-être pas complétée.

Le printemps arabe avait momentanément dopé les cours du pétrole, du Brent en particulier, au point d'éclipser la tragédie qui se déployait au Japon par suite du tsunami et du grave accident nucléaire qu'il a provoqué.

La prise de conscience que la crise de la dette souveraine européenne allait être difficile à contenir, faute d'être résolue, a vite jeté une douche froide sur les places boursières. «Autant en 2008, on est passé à un cheveu de l'implosion du système financier américain, autant on est passé à un cheveu de l'implosion de l'Europe», résume Michel Doucet, vice-président, gestion de portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins.

On a même craint le pire durant l'été devant le psychodrame qui s'est déroulé au Congrès américain au sujet du relèvement du plafond de la dette et de l'abaissement de sa qualité par l'agence de notation Standard & Poor's. Depuis, elle a franchi la barre des 15 000 milliards de dollars, ce qui équivaut grosso modo à la taille de la première économie du monde, mais investisseurs et spéculateurs préfèrent garder l'Europe dans leur mire.

«La volatilité oblige les gestionnaires à jouer de tactique plutôt que de s'appuyer sur des tendances fondamentales et ce n'est pas évident», explique Stéfane Marion, stratège à la Banque Nationale. Au quatrième trimestre, il a misé moins que ses collègues sur les actions américaines, la catégorie d'actifs qui aura finalement donné les meilleurs résultats. Défendre le capital en plaçant beaucoup de billes dans les obligations était néanmoins un choix fort défendable dans un contexte de si haute volatilité.

Il maintient le cap en ce début d'année tout en pensant que les indices nord-américains pourront offrir un léger rendement en cours d'année. Il voit ainsi le S&P/TSX à 12 900 et le S&P 500 à 1350 en fin d'année.

Il persiste à miser peu sur le marché américain, à cause du risque de change. «Si on retarde la solution à l'endettement du pays à cause des élections, on mesurera l'effet de la décote», craint-il, tout en rappelant qu'il pourra rajuster sa répartition au printemps, à l'été et à l'automne.

Outre les États-Unis et l'Europe, il faudra surveiller la surchauffe de l'économie chinoise. «C'est le point central de notre plan de match en 2012, insiste M. Delisle. Ça s'ajoute au supplice de la dernière année.» D'où sa faible mise dans les pays émergents.

M. Doucet abonde. Il ajoute que le risque iranien pourrait à nouveau faire flamber le prix de l'or noir. Il considère que ce sont les titres de dividendes et des fiducies de revenus dans l'immobilier qui vont encore rapporter le plus. Voilà pourquoi il mise beaucoup sur le marché canadien. «Le rendement du dividende du TSX est plus élevé que celui des obligations canadiennes de 10 ans, insiste-t-il. Il faut retourner 50 ans en arrière pour retrouver ça.»

M. Bourdon n'est pas tout à fait du même avis, même si les actions canadiennes restent ses préférées en début d'année. «On considère que les prix de l'énergie vont demeurer forts, même si ceux du gaz naturel pourraient baisser, plaide-t-il. Les sources standard de pétrole se tarissent et il pourrait y avoir des conflits.»

N'empêche. Il préfère placer la moitié de son actif dans les titres à revenus fixes pour démarrer l'année.