Le placement que la majorité des stratèges conseillait fortement d'éviter en début d'année s'est avéré le plus performant, et de loin.

En effet, si vous avez acheté les obligations à long terme du gouvernement du Canada en janvier dernier, ce que les experts déconseillaient à l'époque, vous avez réalisé à ce jour un rendement de 26%. Comparativement, l'indice composé S&P/TSX de la Bourse de Toronto a perdu 12,8% durant cette même période.

Comment cela a-t-il pu se produire? Lorsque les marchés ont amorcé l'année 2011, les Canada long terme, soit les obligations avec un coupon d'intérêt de 4% échéant le 1er juin 2041, se négociaient à 108,84$ pour un rendement de 3,52%.

Ce placement semblait peu attrayant. En effet, il promettait seulement 3,5% d'intérêt pour un investissement de 40 ans. Mais aussi, il fallait craindre pour la valeur de ces obligations parce que les taux risquaient fort de remonter, étant donné que les perspectives économiques s'amélioraient. Rappelons que le prix d'une obligation fluctue inversement à son taux de rendement. Ainsi, lorsque le taux d'une obligation monte, son prix baisse, ce qui entraîne une perte en capital.

Mais c'était sans compter sur le retour de la crise européenne, explique Guy Liébart, président de Gestion Sodagep. Lorsqu'il est devenu évident que la Grèce serait incapable de rembourser sa dette, les perspectives économiques ont basculé à cause du risque de contagion à d'autres pays, et de son effet pervers sur la solvabilité du système bancaire mondial. Pour se protéger, les investisseurs se sont rués vers les obligations américaines et canadiennes.

Au lieu de monter, les taux sur les obligations ont baissé de façon significative. Le taux des Canada long terme est passé de 3,52% en janvier à 2,41% hier. Ces obligations valent maintenant 133,30$, pour un gain en capital depuis le début de l'année de plus de 22%. Ajoutez à cela les coupons d'intérêt, et le rendement total est supérieur à 26%.

Évidemment, une saine diversification prohibait de tout mettre dans les obligations à long terme. Mais même en diversifiant ses échéances, les obligations se sont avérées très rentables. L'indice DEX Univers, composé de toutes les obligations canadiennes, gouvernementales ou de sociétés, de toutes les échéances, a réalisé depuis le début de l'année un rendement de 9,74%.

De quoi sera fait 2012

À 2,41%, le taux des obligations à long terme peut-il encore aller plus bas? «C'est possible si l'on connaît un scénario économique à la japonaise», répond Guy Liébart. Rappelons qu'une croissance anémique de l'économie maintient les taux à long terme très bas au Japon depuis plusieurs années. En l'absence d'amélioration sur le plan économique, les Canada long terme pourraient fluctuer dans une fourchette de 2% à 2,80% en 2012, selon M. Liébart. Ce ne sera pas le gain spectaculaire de 2011, mais une embellie quand même intéressante si le taux devait s'approcher du bas de la fourchette à un moment donné en 2012.

Le service des Études économiques de Desjardins croit que les perspectives de l'économie canadienne pour 2012 demeurent modestes. Comme la Banque du Canada gardera son taux directeur inchangé jusqu'à la mi-2013, les obligations demeureront prisées, ce qui maintiendra des taux d'intérêt très faibles.

Contexte difficile pour les actions canadiennes

Quant à la Bourse canadienne, elle s'est retrouvée en fâcheuse position lorsque l'on a compris que la crise européenne risquait de faire tomber l'économie mondiale en récession. C'est que trois secteurs dominent le marché boursier canadien, soit l'énergie, les matériaux et le secteur financier.

Tout ralentissement économique fait chuter les prix des commodités, ce qui a un impact sur la moitié du marché canadien, rappelle Jean Duguay, directeur des placements chez le Groupe Eterna.

La Bourse canadienne continuera d'être fortement influencée en première moitié d'année par l'évolution de la situation en zone euro, explique Mathieu D'Anjou, économiste chez Desjardins. «Mais tôt ou tard, elle remontera afin de mieux refléter les profits des entreprises», dit-il. «En moyenne, les principaux indices boursiers américains et canadiens devraient progresser d'environ 8% au cours des deux prochaines années», ajoute-t-il.