Encore une fois, les régimes de retraite ont casqué au troisième trimestre. La déroute des marchés boursiers a fait fondre la valeur de leurs actifs tandis que l'opération Twist lancée par la Réserve fédérale américaine pour infléchir les taux d'intérêt à long terme a ballonné la valeur de leur passif.

Au final, la solvabilité déjà fragile de la plupart des régimes de retraite s'est encore affaiblie. Le taux de solvabilité mesure le rapport entre la valeur de l'actif d'un régime et celle de ses engagements envers ses participants à une date précise, généralement le 31 décembre de chaque année.

La ministre responsable de la Régie des rentes, Julie Boulet, lui a commandé un portrait de la situation des régimes dont elle est responsable de la supervision. Cela fait suite aux demandes du Conseil du patronat d'assouplissements aux obligations de renflouement des régimes insolvables par les employeurs. Le rétablissement de la solvabilité exerce d'immenses pressions sur la masse salariale des entreprises dont les régimes comptent une grande proportion de participants retraités.

Voilà pourquoi le CPQ souhaite que Québec prolonge de deux ans les mesures d'assouplissement contenues dans la Loi 1 adoptée en urgence en janvier 2009. Elle prévoit entre autres que la période de rétablissement de la pleine solvabilité d'un régime passe de 5 à 10 ans et que la valeur de l'actif puisse être lissée sur 3 ans pour le calcul de la solvabilité plutôt qu'être établie selon la valeur de liquidation (mark to market) en date de l'évaluation.

Le rapport commandé à la Régie devra indiquer l'ampleur des déficits, la médiane du taux de solvabilité, les prévisions des taux d'intérêt à long terme et surtout l'impact du déficit de solvabilité à combler sur la masse salariale des entreprises qui parrainent un régime de retraite à prestations déterminées.

Depuis le début de l'année, la contreperformance des indices boursiers a plus qu'effacé les rendements exceptionnels des obligations. Résultat, les caisses de retraite investies à 60% en actions et à 40% en titres à revenus fixes affichent un rendement médian de -3,3%. Celles qui ont opté pour une répartition comportant 55% de titres à revenus fixes s'en tirent un peu mieux avec un rendement de -1%, après neuf mois cette année.

Quelle que soit la répartition retenue, l'augmentation du passif est la même: colossale. Depuis le début de l'année, «elle est de l'ordre de 13%, signale Jean Bergeron, actuaire associé chez Morneau Shepell. Normalement, un passif de solvabilité augmente de 4% par année.»

La faute aux taux d'intérêt

Le grand responsable de ce ballonnement, ce sont les taux d'intérêt à long terme qui servent de barème aux actuaires pour calculer la solvabilité d'un régime, advenant sa terminaison. Au 30 septembre, les obligations canadiennes venant à échéance dans 30 ans sonnaient un rendement de 2,77% seulement. «Même durant la débâcle de 2008, les taux des 30 ans sont restés supérieurs à 3%», rappelle M. Bergeron.

Comme nombre d'économistes, il ne s'attend pas à ce qu'ils remontent fortement. Une reprise de l'appétit des investisseurs pour le risque qui les pousserait à déplacer une partie de leurs avoirs sur le marché obligataire vers le marché boursier devrait normalement faire grimper les taux.

Or, beaucoup de régimes de retraite n'attendent qu'une remontée pour acheter des obligations de longue échéance de manière à immuniser leur régime, surtout s'il compte une forte proportion de retraités. Curieux paradoxe, les caisses de retraite sont en partie les artisans de leurs malheurs.

On ne peut toutefois leur reprocher la contre-performance des marchés boursiers. Ainsi, le S&P/TSX a reculé de 12% de juillet à septembre, effaçant ses gains de l'année.

Le S&P 500 a fait pire au troisième trimestre en lestant 13,9%.

Les régimes qui ont choisi de ne pas se couvrir contre le risque de change ont eu de la veine. Du 1er juillet au 30 septembre, le dollar canadien est passé de 103,80 cents US à 95,21 cents US seulement. La perte sur actions américaines a été contenue à environ 7%.

Il en va de même pour les actions placées dans les pays émergents ou dans la zone Europe Asie et Extrême-Orient.

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PERFORMANCE INDICIELLE DU TROISIÈME TRIMESTRE (%)

Bons du Trésor: 0,230

Indice obligataire DEX UNIVERS: 5,117

Actions canadiennes S&P/TSX: -12,02

Actions américaines S&P 500: -7

Europe Asie Extrême-Orient MSCI: -12,49

Marchés émergents MCSI: -16,276