Les Bourses mondiales ont connu une nouvelle journée noire jeudi, en raison des doutes vivaces sur la vigueur de l'économie mondiale et des craintes sur la capacité des banques à se financer, comme au plus fort de la crise de 2008.

«C'est une journée tout à fait calamiteuse. Le facteur peur s'envole», a commenté Peter Cardillo, de Rockwell Global Capital.

L'accalmie après la tempête de la semaine passée aura été de courte durée. Des perspectives de l'économie mondiale revues à la baisse, des doutes sur la capacité des banques à se refinancer et des indicateurs américains décevants: au fil de la journée, la liste des mauvaises nouvelles s'est allongée.

Affolées, les places européennes ont affiché des replis très importants. Paris a lâché 5,48 %, Londres 4,49 %, Francfort 5,82 %, Madrid 4,70 % et Milan 6,15 %.

Le vent de panique a aussi soufflé à New York, où le Dow Jones a abandonné 3,68 % et le Nasdaq 5,22 %. La Bourse de Sao Paolo a suivi, en baisse de 3,52 %, tout comme Mexico (-2,36 %).

Les inquiétudes pesant sur les perspectives économiques mondiales, déjà fortes après la publication d'une croissance atone en zone euro (+0,2 %) et molle aux États-Unis (+1,3 %) au deuxième trimestre, ont été ravivées.

La banque Morgan Stanley a revu à la baisse sa prévision de croissance mondiale pour 2011 et 2012, la Banque centrale européenne (BCE) a indiqué avoir accordé un prêt important à une banque et le Wall Street Journal a fait état de craintes de la Réserve fédérale américaine sur le niveau de liquidité des banques européennes.

Selon les analystes de Morgan Stanley, la croissance mondiale sera moins importante que prévu en 2011 (+3,9 % contre +4,2 %) et 2012 (+3,8 % contre +4,5 %).

Ils se sont particulièrement montrés pessimistes pour la zone euro, où ils tablent sur une croissance de 0,5 % l'an prochain (au lieu de 1,2 % prévus jusqu'ici) et 1,7 % cette année (au lieu de 2 %).

«Même si ce n'est pas notre hypothèse de base au stade actuel, nous percevons un risque concret de récession pure et simple» en zone euro, ont fait valoir les analystes de la banque d'affaires.

Les craintes sur le secteur bancaire ont été renforcées par un article du Wall Street Journal: selon le quotidien, la Réserve fédérale américaine s'inquiète de la capacité des filiales de banques européennes aux États-Unis à maintenir un niveau adéquat de liquidité, au cas où leurs maisons mères seraient contraintes à rapatrier brutalement des capitaux.

Et la BCE a indiqué avoir accordé, pour la première fois depuis février, un prêt de 500 millions de dollars pour sept jours, destiné à une seule banque, dont l'identité n'est pas révélée, témoignant de la fébrilité du secteur en Europe.

Fort logiquement, les valeurs financières, déjà malmenées après l'annonce mardi par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel d'un projet de taxe sur les transactions financières en Europe, ont dévissé.

À Paris, Société Générale, qui a été la cible de folles rumeurs la semaine dernière, a lâché 12,34 %, Crédit Agricole 7,29 % et BNP Paribas 6,76 %. À Londres, Barclays a chuté de 11,47 % et à Francfort, Commerzbank a perdu 10,42 %.

«L'épicentre est pour l'heure dans l'Union européenne: le marché a besoin de confiance dans l'euro. Une faillite de tout ce que représente l'euro serait un échec retentissant au niveau économique et financier», a résumé Daniel Alvarez, analyste chez le courtier en ligne XTB.

À ces craintes se sont ajoutés des indicateurs macro-économiques décevants aux États-Unis.

Outre une hausse plus forte que prévu des inscriptions au chômage lors de la deuxième semaine d'août, les prix à la consommation ont connu un bond inattendu en juillet, alors que les ventes de logements ont chuté.

Plus inquiétant encore, l'indicateur sur l'activité industrielle de la région de Philadelphie s'est révélé catastrophique. À -30,7, il a affiché son niveau le plus faible depuis le mois de mars 2009, quand les États-Unis étaient encore en récession.

«On se demande s'ils ne se sont pas trompés en plaçant la virgule», a relevé Marc Pado, de Cantor Fitzgerald.

Les interventions du monde politique n'ont pas réussi à éteindre l'incendie.

Le mini-sommet franco-allemand de mardi n'a pas convaincu les marchés, pas plus que l'annonce mercredi de la présentation en septembre d'un plan d'action pour relancer l'économie américaine et faire baisser le chômage par Barack Obama.

À son tour, le président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy, a tenté d'apaiser les esprits en assurant jeudi qu'il n'y avait «pas de nouvelle récession» en vue.

Les prix du pétrole témoignaient eux aussi de l'angoisse actuelle des marchés financiers concernant la croissance mondiale puisqu'ils ont fini sur une chute d'environ 6 % à New York.

Preuve de l'aversion pour le risque, le taux des obligations américaines, allemandes et britanniques à 10 ans évoluaient à leur plus bas niveau historique sur le marché de la dette. Ceux de la France poursuivaient également leur détente.

L'or, valeur refuge par excellence, a enregistré un nouveau record en passant au-dessus des 1.825 dollars l'once.

L'euro baissait face au dollar, les cambistes fuyant les investissements à risque, comme face au franc suisse, qui poursuivait son envolée malgré les mesures prises mercredi par la Banque nationale suisse.

En Asie, la Bourse de Tokyo a cédé 1,25 %, atteignant son plus bas niveau depuis cinq mois en raison de la cherté du yen, autre valeur refuge. Shanghai (-1,61 %) et Hong Kong (-1,34 %) ont suivi la même tendance.