Le secteur bancaire s'est effondré jeudi sur les places boursières européennes sur fond de méfiance accrue entre établissements, d'inquiétudes sur un possible resserrement du crédit et d'indicateurs économiques en berne.

Pour la première fois depuis février, la Banque centrale européenne (BCE) a fait savoir mercredi qu'elle avait accordé un important prêt en dollars à une banque européenne dont l'identité n'a pas été révélée.

Sans précédent par son ampleur depuis octobre 2010, ce prêt -- 500 millions de dollars sur sept jours -- vient s'ajouter à d'autres signes de fébrilité du secteur bancaire européen qui, en plus, trouve de l'écho aux États-Unis.

Quitte à être faiblement rémunérés, certains établissements préfèrent confier leurs liquidités en dépôt à la BCE plutôt que de les prêter à leurs consoeurs, compliquant leur financement, alors que la crise de la dette pèse sur le secteur.

En ligne de mire figure le scénario noir qui avait pris corps en septembre 2008 avec la faillite de Lehman Brothers aux États-Unis.

Tétanisées et inquiètes de la santé de leurs consoeurs, les banques avaient alors cessé de se prêter de l'argent entre elles, asséchant l'approvisionnement en liquidités et grippant l'activité économique. Ce cercle vicieux avait débouché sur la pire récession mondiale depuis 1945.

«C'est une situation un peu violente, je ne sais pas trop où cela peut aller, j'ai beaucoup de mal à calibrer tout ça. Nous sommes dans un scénario «autoréalisateur». Une grande partie des problèmes viennent peut-être du manque de confiance», a confié un analyste du secteur sous couvert de l'anonymat.

Dans ce contexte encore aggravé par les craintes persistantes sur la croissance, les valeurs bancaires ont dévissé jeudi après avoir déjà connu une première journée noire le 12 août.

À Paris, la Société Générale a encaissé le coup le plus violent. Précédemment visée par des rumeurs sur sa supposée fragilité -- démenties depuis --, la banque a chuté de 12,34% dans un marché en baisse de 5,48%.

Dans une moindre mesure, la vague de méfiance a également fait vaciller Crédit Agricole (-7,29%), BNP Paribas (-6,76%) et Natixis (-6,04%).

Le titre de la banque franco-belge Dexia a chuté de 13,96%.

Le même vent de panique a soufflé sur les valeurs bancaires britanniques. À Londres, Barclays Bank glissait de plus de 11% tandis que HSBC reculait de près de 6%.

Ce plongeon a été «entraîné par les inquiétudes sur un ralentissement de l'économie mondiale, de mauvais indicateurs économiques (aux États-Unis, NDLR) et une incertitude sur les capacités à éviter un retour dans la récession», a expliqué Atif Latif, de la société de courtage londonienne Guardian Stockbrokers à Londres.

À Francfort, dans une journée marquée par la pire baisse depuis 3 ans (-5,82%), les bancaires ont également payé un lourd tribut. Commerzbank s'effondrait de plus de 10% et Deutsche Bank abandonnait plus de 7%.

À la Bourse de Milan, Intesa Sanpaolo reculait de plus de 9%, suivi de Unicredit qui lâchait 7,41%. À Madrid, Banco Popular dévissait de 4,39%, imitée par Banco Sabadell (-1,15%).

Le climat de méfiance sur le secteur bancaire européen s'est propagé outre-Atlantique.

Selon le Wall Street Journal paru jeudi, la Réserve fédérale américaine (Fed) s'inquièterait de la capacité des filiales des banques européennes aux États-Unis à maintenir un niveau adéquat de liquidités dans l'hypothèse où leurs maisons mères devraient rapatrier brutalement des capitaux.

«Cela remet au premier plan les déclarations très inquiétantes tenues récemment par le président de la BCE Jean-Claude Trichet» qui avait annoncé le 4 août que l'institut de Francfort allait venir en aide aux banques, en mettant à leur disposition des liquidités supplémentaires, a commenté Alexandre Baradez, analyste marchés chez Saxo Banque.