Les pays européens cibles de spéculateurs, France et Italie en tête, tentaient de riposter vendredi à la vaste attaque boursière qui a déjà rapporté des milliards d'euros aux investisseurs, misant sur un nouvel effondrement financier mondial.

Comme des prédateurs en chasse, les fonds spéculatifs s'en sont d'abord pris aux bêtes les plus affaiblies du troupeau européen, avant d'allonger leur menu: après la Grèce, l'Irlande, le Portugal et l'Espagne, leurs crocs sont venus s'essayer cette semaine aux flancs des valeurs françaises et italiennes.

«On a voulu tester la résistance française», a constaté jeudi soir dans un entretien à l'AFP le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) Jean-Pierre Jouyet, le gendarme boursier français.

Premières visées par la tourmente: les grandes banques hexagonales, la Société Générale notamment, objet de rumeurs à l'origine inconnue qui ont fait plonger les cours et entraîné des yo-yos incessants favorables aux positions spéculatives à très court terme.

Pour essayer de s'en protéger, quatre pays -France, Italie, Espagne et Belgique- ont décidé jeudi soir de restreindre ou interdire pendant 15 jours les ventes à découvert, une pratique spéculative complexe très utile pour profiter des baisses boursières.

En saluant la mesure, le ministre français des Finances, François Baroin, a appelé jeudi à adopter «rapidement» un règlement européen destiné à combattre la spéculation. L'Allemagne s'est également dite favorable à l'interdiction des ventes à découvert dans toute l'Europe.

Au niveau budgétaire, Rome a convoqué une réunion d'urgence vendredi soir pour prendre de nouvelles mesures d'austérité, imitant Paris qui avait fait de même mercredi, sur fonds d'interrogations sur la pérennité de la note maximale AAA de la France et sur la dette colossale (120% du PIB) de l'Italie.

En misant sur les valeurs-refuges qui profitent des crises boursières -en premier lieu l'or, le franc suisse et les bons du Trésor américain- certains investisseurs ont empoché des sommes juteuses, les autres voyant s'évaporer une bonne partie de leur portefeuille.

Selon le Wall Street Journal, le fonds américain Bridgewater Associates a ainsi gagné 3,5 milliards de dollars au cours de la semaine passée. Les fonds Caxton Associates et Brevan Howard Asset Management se trouvent également dans le camp de ceux qui ont profité de la tourmente, selon le quotidien américain.

Plusieurs sources de marché françaises ont également indiqué à l'AFP que «des fonds anglo-saxons» se trouvaient à la manoeuvre.

«On voit bien qu'à partir de midi, on a un comportement de marché qui change un peu, justement parce qu'à partir de midi, il commence à être 06H00 du matin aux États-Unis, les premiers opérateurs américains arrivent sur le marché européen et en général on voit des mouvements subits et soudains», souligne Yves Marçais, un vendeur d'actions chez Global Equities.

La riposte européenne aux rumeurs et aux spéculations laisse pour l'instant les analystes globalement sceptiques, face à la pire crise boursière depuis la chute de Lehman Brothers en septembre 2008.

Outre les ventes à découvert, d'autres techniques existent pour profiter des chutes des actions, soulignent-ils. Et les opérateurs pourraient être tout simplement tentés de se retirer du marché, comme cela avait été le cas lors de tentatives similaires par le passé.

La décision des quatre pays européens va «sans aucun doute redonner quelques plumes, mais le précédent établi par les États-Unis en septembre 2008 suggère que la mesure est trop faible pour empêcher une forte baisse (des actions) si la tendance reste négative», estime Jane Foley, une analyste de la Rabobank.