Après la décote, le choc boursier. Les principales Bourses de la planète ont encaissé ces derniers jours de lourdes pertes, dans la foulée de la baisse de la cote de crédit des États-Unis. Une glissade brutale qui traduit le manque de confiance et l'extrême nervosité des investisseurs devant les politiques, tant américains qu'européens. ABC d'une crise.

La dette explose

Le gouvernement américain dégageait des surplus budgétaires lorsque George W. Bush est devenu président, en 2000. Depuis, les États-Unis ont baissé les impôts, lancé des guerres en Afghanistan et en Irak, investi des milliards dans des plans de relance pendant la récession, souligne Jimmy Jean, économiste principal au Mouvement Desjardins. Aujourd'hui, les États-Unis traînent une dette de 14 300 milliards de dollars, un total égal à leur PIB. Depuis des mois, le G20, le FMI et les agences de notation pressent Washington d'assainir les finances publiques.

Une querelle politique

La dette américaine ne peut dépasser le plafond autorisé par les élus. Lorsque le président Obama s'est adressé au Congrès pour faire relever ce plafond, il s'est heurté aux républicains affiliés au Tea Party, qui ont refusé catégoriquement d'envisager une hausse de l'impôt pour réduire le déficit. Si les deux partis ne s'étaient pas entendus avant le 2 août, le gouvernement aurait dû stopper ses activités. Du coup, il n'aurait pas remboursé ses dettes. «Ce n'est pas une crise financière, mais bien une crise politique que l'on vit, estime Maurice Marchon, professeur d'économie à HEC Montréal. Et c'est la bêtise des républicains qui nous met dans cette situation.»

Un plan insuffisant

Républicains et démocrates se sont entendus à la toute dernière minute pour relever le plafond de la dette, la semaine dernière. Le plafond de la dette a été relevé d'au moins 2100 milliards, alors que le budget sera réduit d'au moins 2100 milliards en 10 ans. Mais on ne prévoit aucune hausse d'impôt, ce qui soulève de sérieux doutes quant à la volonté des politiciens de s'attaquer au problème de la dette. «Ce plan, qui n'est pas adéquat, ne permet pas d'utiliser l'instrument de politique fiscale à court terme», déplore Maurice Marchon.

Les États-Unis décotés

Tous les gouvernements, même les plus riches, doivent emprunter pour financer leurs activités. Des agences de notation comme Moody's et Fitch scrutent les livres de chaque État et évaluent le risque de leur prêter de l'argent. C'est l'équivalent d'une étude de crédit pour ceux qui souhaitent contracter un emprunt à la banque. L'agence Standard&Poor's, qui donnait la cote AAA au gouvernement américain depuis les années 40, a revu sa note à la baisse pour la première fois, vendredi dernier. La raison: «des risques politiques» de voir le pays prendre des mesures insuffisantes contre son déficit.

Dégringolade boursière

Trois jours après la décote du gouvernement américain, les places boursières du monde entier encaissent de lourdes pertes. La Bourse de New York perd 5,55%. Celles de Toronto (-4,02%), Francfort (-5,02%), Paris (-4,68%) et Londres (-3,39%) sont également dans le rouge. «C'est plutôt l'effet psychologique qui fait que les marchés bougent beaucoup», estime Jimmy Jean, du Mouvement Desjardins. Les investisseurs étaient déjà nerveux depuis la publication, dans les dernières semaines, de nombreux indicateurs qui laissaient entrevoir un ralentissement économique. Ils craignent que les profits des entreprises dans lesquelles ils ont investi ne soient pas à la hauteur de leurs attentes, d'où la recherche de placements plus sûrs.

ET MAINTENANT?

Une récession à nos portes?

Les investisseurs sont nerveux depuis quelques semaines. Ils craignent les contrecoups de la crise en Europe. Et plusieurs indicateurs tendent à démontrer que l'économie américaine est en moins bonne santé qu'ils ne le croyaient. La crise de la dette aux États-Unis n'a pas causé cette situation, mais la débandade boursière qu'elle provoque risque d'inciter les consommateurs à moins dépenser, de crainte que l'économie se dégrade. «Le fait que la Bourse baisse, ça mine la confiance des consommateurs, souligne Maurice Marchon. Et ça augmente la probabilité qu'on ait effectivement une récession. C'est un cercle vicieux.»

Les ressources naturelles en baisse?

Le recul des marchés et la crainte d'une nouvelle récession font chuter le cours des ressources naturelles comme le pétrole et les minerais. Des entreprises risquent en effet de remettre à plus tard des investissements comme la construction de nouvelles usines, par exemple, ce qui fait chuter la demande pour ces matériaux. Comme le Canada est un grand producteur de pétrole et de minerais, les entreprises d'ici gagneront moins pour leurs produits. Mais d'un autre côté, le prix de l'essence pourrait diminuer.

Chute du dollar?

Ainsi vont les ressources naturelles, ainsi va notre dollar. Le Canada exporte beaucoup de pétrole et de métaux. Plus les prix sont élevés, plus les investisseurs achètent des dollars canadiens pour payer. Mais dans un scénario inverse, le huard perd rapidement des plumes. Notre dollar valait 1,06$ US il y a quelques semaines. Hier, il a perdu plus d'un cent et se trouve presque à parité avec le billet vert. «Ce n'est pas une mauvaise nouvelle du tout, surtout pour les exportations, souligne Jimmy Jean. Cela dit, s'il y a une récession aux États-Unis, même si le dollar baisse, nous allons perdre un appui important parce que les trois quarts de nos exportations vont là-bas.»

La Chine, baromètre de la crise?

Le recul du prix des matières premières pourrait avoir un effet positif en Chine, qui commence à ressentir les contrecoups de son formidable essor économique. Les salaires sont en hausse, le coût de la vie bondit et une bulle immobilière propulse le prix des maisons. La crise actuelle pourrait être un baume pour le géant asiatique. Le pays est en effet un grand importateur de pétrole et de métaux. Une baisse du coût des ressources naturelles pourrait permettre au pays de juguler son inflation galopante. «Ce qui est important pour savoir si la crise va être amortie ou si ça va devenir un plus grand désastre, c'est ce qui se passe en Chine», estime Maurice Marchon, de HEC Montréal.