Malgré le retrait de la Bourse de Londres, l'ambition du consortium financier canadien Maple d'acquérir la société TMX, propriétaire des bourses de Toronto et de Montréal, fera face à des obstacles importants au cours des prochaines semaines.

Selon des analystes, l'offre de Maple faite directement aux actionnaires de TMX, pourrait même se retrouver face à une nouvelle offre concurrente provenant d'une autre société boursière.

Cette possibilité a aussi été évoquée par les dirigeants de TMX, jeudi, lors d'une assemblée d'actionnaires abrégée par le retrait de son sujet principal: un vote sur le projet de fusion avec la Bourse de Londres.

Ce projet avait été annulé la veille, après que les dirigeants de TMX eurent constaté parmi les nombreux votes d'actionnaires exercés d'avance par procurations que le niveau minimal de 66 % de votes positifs ne pourrait être atteint lors du compte final.

Tourner la page

À l'assemblée de jeudi, après avoir admis leur déception à court terme, les dirigeants de TMX ont voulu tourner la page en promettant aux actionnaires d'examiner les « autres opportunités » en remplacement du projet londonien.

«Nous pouvons désormais négocier avec quiconque de notre choix», a indiqué le président du conseil, Wayne Fox.

«Nous allons analyser les autres opportunités, dont l'offre de Maple. Toutefois, nous ne considérerons que les propositions qui supportent les perspectives de croissance de TMX», a souligné le chef de la direction, Thomas Kloet.

«Nous voulons continuer d'accroître nos capacités au Canada afin d'y maintenir un marché financier solide et efficace. Nous surveillerons aussi des projets à l'international, avec constance mais aussi avec prudence.»

Discrétion

Chez Maple, dont l'offre de 3,8 milliards de dollars canadiens doit durer jusqu'au 8 août, on se fait discret depuis le premier gain majeur de mercredi.

Son principal instigateur, Luc Bertrand, qui est aussi vice-président du conseil de la Banque Nationale, avait alors indiqué qu'il «espère engager un dialogue positif avec le conseil d'administration de TMX. Notre vision constitue la meilleure voie d'avenir pour TMX et les marchés financiers canadiens».

Mais en attendant de telles discussions, le groupe Maple devra convaincre une bonne majorité d'actionnaires de TMX -au moins 70%- de déposer leurs titres à son offre d'achat.

Cette offre est évaluée à près de 50 $CA par action, dont 40$ en comptant et le reste en échange d'actions de la future société Maple/TMX.

«Concentration»

Maple devra aussi persuader diverses autorités réglementaires de niveau fédéral et provincial de la pertinence de son plan d'affaires pour le marché boursier canadien.

«C'est loin d'être gagné pour Maple. Les autorités pourraient s'inquiéter d'une telle concentration de la gestion du marché boursier au Canada», selon Thomas Caldwell, président de Caldwell Securities à Toronto et un investisseur d'expérience en actions de sociétés boursières.

Selon M. Caldwell, cette «concentration» après une mainmise de Maple sur TMX se produirait à deux niveaux.

D'abord, par la composition même de Maple. Il s'agit de 13 des plus grosses institutions financières et caisses de retraite au Canada, toutes déjà influentes sur la bourse canadienne.

De plus, les banques de Montréal (BMO) et Royale (RBC) pourraient s'ajouter à ce groupe, maintenant qu'elles ont terminé leur rôle de conseillers de TMX et LSE pour leur projet de fusion.

Du Québec, le groupe Maple comprend la Banque Nationale, le Mouvement Desjardins, la Caisse de dépôt et placement ainsi que le Fonds de solidarité FTQ.

De l'avis de Thomas Caldwell, la composition de Maple augure d'un «risque considérable de conflits d'intérêts» en tant que copropriétaires principaux de TMX.

Perte de concurrence?

Par ailleurs, à l'instar d'autres financiers et courtiers indépendants, M. Caldwell appréhende une perte de concurrence sur les marchés financiers canadiens si Maple réalise son ambition d'une «société boursière intégrée» avec TMX.

Après l'achat de TMX, Maple veut y regrouper la bourse alternative Alpha -le principal concurrent actuel de la Bourse de Toronto-, ainsi que les activités de gestion comptable et réglementaires des transactions de valeurs mobilières (compensation).

Si elle s'avère, une telle entreprise «intégrée» Maple/TMX accaparerait au moins 85% du volume boursier, en plus d'activités régulatrices de premier plan.

Ça serait beaucoup trop de pouvoirs dans une même société, clament déjà des financiers canadiens influents à l'extérieur du groupe Maple.

Certains d'entre eux pourraient intervenir en ce sens auprès des autorités fédérales et provinciales qui ont juridiction sur un changement de propriété des bourses canadiennes, dont l'AMF au Québec et la CVMO en Ontario.

-Avec Bloomberg News