Le projet de regroupement des Bourses de Toronto et de Londres doit être bloqué parce qu'il est trop risqué pour le contrôle canadien d'un rouage essentiel de l'économie: le marché des gros capitaux d'affaires.

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Selon Louis Vachon, président de la Banque Nationale, il y a aussi un risque trop important que le rôle maître promis à la Bourse de Montréal avec les produits dérivés dans une société de Bourse regroupée s'avère de trop courte durée, et sans recours subséquent de la part des autorités d'ici.

«J'ai déjà signé une lettre publique avec d'autres dirigeants bancaires contre cette fusion boursière. Aujourd'hui, je persiste et je signe encore», a indiqué M. Vachon à La Presse Affaires, au cours d'un entretien après l'assemblée des actionnaires de la Nationale.

«C'est inhabituel que des dirigeants bancaires prennent position contre une transaction d'entreprises. Il faut que la logique soit forte. Et là, je peux vous dire que les quelques commentaires contre la fusion boursière qui ont été entendus jusqu'à maintenant ne sont que la pointe de l'iceberg dans le milieu financier.»

Louis Vachon a tenu ces propos à la suite d'une question qui lui avait été posée au cours de l'assemblée par une dirigeante du MEDAC, le groupe d'actionnaires militants le plus connu au Québec.

Le président de la Nationale a alors répondu que son opposition au regroupement de TMX, de Toronto, et LSEG, de Londres, tenait à trois raisons principales.

D'abord, à titre de président d'une banque qui détient 1,3 million d'actions de TMX, M. Vachon déplore que l'offre de LSEG ne contienne «aucune prime offerte aux actionnaires».

D'autant plus, a-t-il ajouté, que TMX rejoindrait un groupe boursier londonien déjà «sous pression» en Europe, et dont le bilan financier est «moins fort» que celui de TMX.

En second lieu, Louis Vachon a mentionné le risque pour la finance canadienne de perdre le contrôle d'un élément qui a un «rôle stratégique», c'est-à-dire la filiale de compensation (CDCC) de la Bourse de Montréal.

Pour le moment, CDCC sert d'intermédiaire de règlement entre les négociants en produits dérivés à la Bourse de Montréal. Mais son rôle pourrait s'élever d'ici peu avec l'inclusion des grosses transactions hors cote de produits dérivés qui ont lieu entre les investisseurs institutionnels. Cette inclusion découle des nouvelles normes bancaires internationales qui ont été instaurées après la crise financière de 2008.

Enfin, en troisième lieu, le président de la Nationale a dit craindre qu'une fusion boursière entre Toronto et Londres neutralise les capacités canadiennes de «formation de capital» qui sont essentielles aux plus grosses industries de l'économie, comme les matières premières.

«Le Canada a été choyé par la nature avec ses ressources, mais leur exploitation requiert énormément de capitaux sur lesquels nous devons garder le contrôle. Nous aurions beaucoup plus à perdre qu'à gagner après une fusion entre Toronto et Londres», a souligné M. Vachon devant les actionnaires.

Plus tard, en entrevue, il a tenu à mettre ses propos en contexte.

«Si nous nous opposons tant à cette fusion entre TMX et Londres, ce n'est pas par nationalisme économique. À preuve, nous avons appuyé la transaction entre les Bourses de Montréal et de Toronto parce qu'elle se tenait du point de vue stratégique. Elle contenait aussi assez de protections pour les intervenants québécois pour aller de l'avant, a expliqué M. Vachon.

«Mais cette fois-ci, avec la transaction proposée entre TMX et Londres, on ne s'y retrouve tous simplement pas. Il y a plus de risque pour le milieu financier de Montréal.»

Et le rôle promis dans les dérivés?

«Je suis très sceptique. Parce que, dès qu'on embarque dans une logique de fusions-acquisitions et de consolidation, comme veut le faire Londres avec TMX, les chances sont, malheureusement, que l'entité fusionnée se retrouve davantage une proie plutôt qu'un prédateur, a répondu le président de la Nationale.

«Pour la Bourse de Montréal et son marché des dérivés, nos intérêts seraient sans doute protégés lors d'une première transaction entre Londres et TMX. Mais qu'en serait-il lors de transactions subséquentes? Qui protégerait nos intérêts à Montréal?»

La Banque Nationale envisage «sérieusement» de fractionner ses actions afin de les rendre plus abordables pour les petits investisseurs, a indiqué son président, Louis Vachon, au cours de l'assemblée d'actionnaires qui avait lieu hier Montréal. Il répondait ainsi à un actionnaire qui se préoccupait de la hausse de valeur boursière de la banque «à près de 80$ l'action, ce qui commence à être beaucoup». Par ailleurs, la Banque Nationale continue son rachat des actions privilégiées qui avaient été émises après la crise financière de 2008, afin de rehausser son capital de base. Mais cet encours rendu à 516 millions et dont le coût en dividendes atteint les 64 millions par année a été déclaré inadmissible aux nouvelles règles de capitalisation des banques, selon l'accord international de Bâle III qui est en implantation. Enfin, aux actionnaires de la Nationale qui espèrent une autre hausse de dividendes, Louis Vachon a indiqué que la banque s'en tenait à son objectif de «40 à 50% des profits». En parallèle, la banque veut se garder du capital pour des occasions d'acquisition qui pourraient survenir au Canada, en priorité dans les services bancaires traditionnels et la gestion de patrimoine. -