La Cour d'appel de l'Alberta a rejeté, mardi, le plan d'Ottawa visant à mettre en place un organisme de réglementation national des valeurs mobilières, estimant qu'il s'agit d'une intrusion du gouvernement fédéral dans un champ de compétence qui relève du provincial depuis belle lurette.

«Le projet de loi sur les valeurs mobilières constituerait une intrusion du gouvernement fédéral dans un secteur qui est depuis longtemps du ressort du gouvernement provincial», a indiqué le tribunal dans son jugement.

Les provinces ont toujours eu la responsabilité de réglementer les professions, les industries spécifiques et certains types de contrats, a fait valoir la Cour d'appel.

«La séparation des pouvoirs est une entente qui a été conclue en se basant sur les principes du fédéralisme canadien qui ne devrait pas être perturbé de quelque façon que ce soit, par l'un ou l'autre des paliers de gouvernement ou encore par les tribunaux», peut-on lire dans le jugement.

Si Ottawa souhaite un changement de paradigme dans la façon de gérer les valeurs mobilières, il lui faudra négocier avec les provinces et non saisir les tribunaux en leur demandant de réattribuer les pouvoirs prévus par la Constitution canadienne par l'entremise d'une «expansion radicale des pouvoirs en matière de commerce», a ajouté la Cour d'appel.

Le dossier avait été transmis à la Cour d'appel albertaine par le gouvernement provincial.

Le ministre des Finances de l'Alberta, Lloyd Snelgrove, s'est réjoui de la décision de la cour. «C'est la bonne décision. Elle appuie nos arguments», a-t-il déclaré aux journalistes à Edmonton.

«Compte tenu de son choix de mots, il est clair que nous sommes sur la même longueur d'ondes qu'eux: c'est une responsabilité provinciale en vertu de la Constitution.»

Les gouvernements de l'Alberta, du Québec, du Manitoba et du Nouveau-Brunswick ont tous soulevé de sérieuses objections face au projet de législation d'Ottawa, qui vise essentiellement à centraliser la supervision des marchés financiers du Canada.

Le premier ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, a réagi favorablement à cette décision, qui démontre selon lui que «le Québec et l'Alberta avaient raison de s'opposer dès le départ au projet fédéral».

«Le gouvernement fédéral aurait minimalement tout intérêt à mettre sur la glace son projet de transition vers un encadrement fédéral des valeurs mobilières jusqu'à ce que la Cour suprême se soit prononcée», a déclaré M. Bachand par voie de communiqué.

Du côté de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique, on s'est opposé au projet spécifique déposé par Ottawa. Les gouvernements de ces deux provinces appuient cependant, de façon générale, le concept de modèle coopératif.

Le gouvernement fédéral a demandé à la Cour suprême du Canada de trancher sur la question. «La Cour suprême du Canada donnera un avis final sur la constitutionnalité du projet de loi. Il serait inapproprié de commenter le dossier alors qu'il est toujours débattu en cour», a écrit dans un courriel Chisholm Pothier, porte-parole du ministre fédéral des Finances Jim Flaherty.

M. Pothier a cependant indiqué qu'il y avait des «progrès significatifs» dans les discussions avec les provinces et les territoires.

Le Canada est le seul pays membre du G20 qui n'a pas d'organisme de réglementation national pour les valeurs mobilières. Ceux qui soutiennent le projet de loi font valoir que le plan d'Ottawa faciliterait les poursuites contre les criminels à cravate étant donné que l'organisme de réglementation national serait centralisé.

Les détracteurs estiment pour leur part que le système actuel fonctionne bien et qu'il aurait avantage à rester en place.