Après quelques années de répit, la fièvre des fusions et acquisitions a repris dans les différentes places boursières du monde. Il y a un peu de déjà vu dans cette récente vague de transactions. Comme un vieux film qui repasse à la télé.

La recette, on le sait, a déjà été expérimentée sans beaucoup de succès. Depuis 15 ans, les dirigeants des Bourses partout dans le monde ont fait beaucoup d'effort pour continuer de tirer leur épingle du jeu. Ce qui s'est passé au Canada en est une bonne illustration. Les places boursières de Toronto et de Montréal sont passées du statut de mutuelles provinciales (pour ne pas dire paroissiales), à celui d'entreprises à capital-actions avec des profits à livrer trimestriellement.

C'est ce qui les a conduites tout naturellement à la fusion. Ensemble, les places boursières de Toronto et de Montréal devaient devenir plus fortes et plus compétitives face à la concurrence des Bourses plus grosses comme New York et Londres, et à celle des nouvelles plateformes d'échange électronique.

C'était du moins les arguments servis par les tenants de la fusion pour convaincre les sceptiques.

Il a fallu du temps. Dans une première étape, les Bourses canadiennes se sont partagé le marché: les actions à Toronto, les produits dérivés à Montréal. Jusqu'à la fusion des deux entreprises en 2007.

Entre-temps, les transactions du genre s'étaient multipliées. Le New York Stock Exchange a fusionné ses activités avec Euronext, Nasdaq a avalé la bourse scandinave OMX et les deux Bourses de Chicago, le Chicago Mercantile Exchange et le Chicago Board of Trade, sont devenues une seule entreprise.

Le temps a passé et même devenues plus grosses, les principales Bourses en arrachent toujours autant. Leurs profits sont maigres, leurs actionnaires mécontents et leur part de marché continue à rétrécir au profit des BATS et autres Liquidnet, des nouveaux concurrents soutenus par les banques qui, ironiquement, étaient les propriétaires des anciennes Bourses du temps des «old boys clubs».

Arrive une nouvelle vague de fusions, justifiées par les mêmes arguments, c'est-à-dire réduire les coûts et devenir plus concurrentiel. Cette fois, le titre de plus importante place boursière au monde est aussi en jeu.

Lors de l'annonce de leur fusion, la Bourse de Londres (la London Stock Exchange) et la Bourse de Toronto (le groupe TMX) ont revendiqué le titre, mais ça n'a duré que quelques heures. Le même jour, NYSE Euronext et la Bourse allemande Deutsche Borse ont fait connaître leur intention d'unir leur destinée pour devenir la vraie plus grosse place boursière du monde.

Toronto et Londres, qui deviendraient les places boursières les plus importantes du secteur des ressources naturelles, espèrent que ce statut leur amènera plus de clientèle. C'est un pari qui est loin d'être gagné. À lui seul, le prestige d'être le plus gros au monde n'a jamais été un gage de succès.

Mais ça n'empêche pas les prétendants de se battre pour le titre. Il est question d'une alliance entre Nasdaq OMX et le Chicago Mercantile Exchange pour faire une surenchère sur NYSE Euronext...

Les Bourses misent aussi sur les économies que leur regroupement génèrerait, ce qui est déjà plus concret. Mais même fusionnées, les places boursières devront continuer de fonctionner selon les réglementations différentes en vigueur dans chacun des pays, ce qui implique des coûts supplémentaires.

En plus, tant dans le cas de Londres et Toronto que dans celui de New York et Francfort, il est déjà acquis que les entreprises fusionnées maintiendraient des sièges sociaux des deux côtés de l'Atlantique et plusieurs places d'affaires régionales, ce qui risque de limiter sérieusement les synergies.

Toronto et Londres ont présenté leur regroupement comme une fusion entre égaux, même si, dans les faits, Londres contrôlerait 55% de la nouvelle entreprise. New York et Francfort ont fait la même chose, même s'il est clair là aussi que c'est Francfort qui achète New York.

Toutes ces contorsions ont pour but de ménager les susceptibilités nationales, ce qui démontre que le secteur financier a beau être devenu global, il reste encore un peu paroissial.

Mais ce que cette course aux fusions démontre surtout, c'est que même si les expériences passées ne sont pas concluantes, les Bourses n'ont pas d'autres trouvé d'autre solution pour assurer leur survie.