La hausse presque ininterrompue de cinq derniers mois permet-elle de conclure que le risque d'une nouvelle dégringolade sur les marchés boursiers s'est estompé ? Certains experts semblent le croire. Ils disent même que le temps est venu de revenir aux facteurs fondamentaux pour déterminer le choix de ses placements.

D'autres préfèrent toutefois rappeler que la complaisance face aux perspectives des marchés boursiers a souvent été très mauvaise conseillère.

Ce qui guidait l'évolution des marchés financiers depuis deux ans, c'était la perception du risque. Quel était le facteur dominant dans l'esprit des investisseurs ? L'espoir d'une amélioration de la situation, ou la peur que la crise ne se résorbe jamais.

Au moment où les marchés boursiers ont touché le creux en mars 2009, il était devenu impossible de justifier d'acheter des actions en s'appuyant sur des éléments d'analyse fondamentale, rappelle Stéfane Marion, économiste en chef à la Financière Banque Nationale. « On ne pouvait plus prévoir les bénéfices que réaliseraient les entreprises dans un tel environnement, et on se demandait même si les banques allaient survivre », dit-il.

Chaque matin, les investisseurs déterminaient si les plus récentes nouvelles permettaient un certain espoir. Si oui, on achetait des actifs risqués, soit des actions, des matières premières, de l'euro. Plusieurs vendaient également à découvert le dollar américain. Alors, la Bourse montait et le dollar baissait.

Dans le cas contraire, par exemple lorsque la question des dettes souveraines refaisait surface, plus personne n'acceptait de prendre quelque risque que ce soit. Les investisseurs se ruaient tous sur les obligations du gouvernement américain et sur le dollar qui servaient de valeur-refuge. Alors la Bourse chutait, mais le dollar US s'appréciait.

La corrélation disparait

Cette façon d'opter au non pour les actifs risqués se traduisait par une forte corrélation inversée entre le S&P 500 et le dollar américain. Quand l'un montait l'autre baissait.

Mais, durant les premières semaines de janvier, cette corrélation est disparue, selon une recherche récente de Joseph Mezrich, analyste quantitatif chez Nomura Securities, reprise par le Wall Street Journal en début de semaine.

Cela signifie-t-il que l'on retournera enfin à un marché où l'évolution des cours sera de nouveau dictée par des facteurs fondamentaux ? C'est ce que croit Dan Sido, Stratège chez Harris Investment à Chicago. Il est le gestionnaire de deux fonds d'actions américaines pour le compte de BMO Groupe financier. « Depuis le milieu de l'année dernière, nous observons que plusieurs entreprises sont en bonne situation quant à leur encaisse et font de bons profits », dit-il.

« La perception du risque n'est plus un facteur aussi dominant qu'il ne l'a été depuis le début de la crise, poursuit-il. Il est temps de faire moins de cas des facteurs macro-économiques mondiaux et de se concentrer sur la situation fondamentale des entreprises », dit-il.

Trouver les titres à bon marché avec un bon potentiel de croissance sera le facteur déterminant pour générer de bons rendements. C'est ce qui récompensera les investisseurs à partir de maintenant, selon lui.

Mais attention à la complaisance

Bien que les marchés boursiers aient connu de fortes hausses au cours des deux dernières années, les stratèges et les gestionnaires sont presque unanimes à dire que nous connaîtrons une troisième année de hausse.

Faut-il s'en inquiéter ? Certainement, répond Jean-Pierre Couture, économiste chez Hexavest, firme de gestion de portefeuilles de Montréal. « Bien que la reprise économique actuelle soit bien réelle, elle n'est pas autosuffisante. Elle demeure fondée sur des stimuli et des mesures exceptionnelles et temporaires », dit-il. De nombreux gestionnaires et les stratèges sont optimistes, car ils croient à la capacité des gouvernements à régler les problèmes, s'inquiète Jean-Pierre Couture.

Et l'Europe n'est pas au bout de ses peines avec la crise des dettes souveraines, selon l'économiste. Or, comme l'interdépendance économique entre les pays n'a jamais été aussi forte étant donné l'accélération de la mondialisation, peu de marchés seront épargnés si la crise refait surface.

La Fed veille au grain

Depuis septembre, la Bourse américaine est à la hausse de plus de 20 %. Le début de cette hausse a coïncidé avec l'annonce par la Réserve fédérale américaine (Fed) qu'elle étudiait la pertinence de lancer un nouveau programme d'assouplissement monétaire qui consisterait à acheter des obligations du gouvernement afin de maintenir le plus bas possible les taux d'intérêt à long terme. Elle passa à l'action en novembre. Rassurés, les investisseurs n'ont pas cessé depuis d'acheter des actions et d'autres actifs risqués.

Le dernier programme d'assouplissement monétaire de la Fed sert de police d'assurance pour les investisseurs, car il sera en place jusqu'en juin, note Stéfane Marion. « La Fed veille au grain », dit-il.

Optimisme à court terme, mais...

Mais viendra le mois de juin. La croissance économique, les emplois et les profits des entreprises seront-ils au rendez-vous ? Qu'arrivera-t-il des marchés ? « Beaucoup de gestionnaires et stratèges pensent que les problèmes referont surface, mais qu'ils pourront revendre à temps leurs placements sur les marchés plus risqués », dit Jean-Pierre Couture.

Nombreux sont ceux qui sont optimistes à court terme, mais pessimistes à moyen terme, selon lui. Ils ne craignent rien pour l'instant, car ils croient qu'ils pourront sortir avant les autres. « Mais, dans ces cas, la porte n'est généralement pas assez grande pour laisser passer tout le monde », dit-il.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l'économie s'est améliorée et que, pour l'instant, les actions montent au même rythme que les profits, note Stéfane Marion. Pour lui, l'optimisme actuel n'est pas démesuré.

Il reconnaît toutefois que lorsque tout le monde va dans le même sens, on a parfois des surprises. Il y a à peine six mois, tous parlaient du risque élevé de retomber en récession, rappelle-t-il.