Quel est le lien entre l'ours des cavernes et les actions spéculatives? Parce qu'il a longtemps affronté le premier, l'humain pourrait être le jouet de son instinct et de ses émotions devant les secondes. Les décisions financières en apparence rationnelle sont en fait influencées par des réactions physiologiques au plus profond de notre cerveau.

Pendant des dizaines de milliers d'années, l'homme et sa dulcinée ont été appelés à prendre des décisions rapides dont la sanction tombait immédiatement: face à cet énorme ours des cavernes, aujourd'hui disparu, valait-il mieux faire face ou tourner les talons?

Le cerveau humain s'est formé au fil de ces rencontres et de leurs conclusions. Ces vestiges d'une époque où les prédateurs fréquentaient les grands espaces plutôt que Wall Street nous ont programmés à privilégier les gains à court terme.

À la suite d'une séance de remue-méninges sur la prise de décision, le service des communications de TD Waterhouse a réuni l'expérience de sa vice-présidente Sylvie Demers et l'expertise du Dr Alain Ptito, chercheur en neurosciences cognitives à l'Université McGill.

«En comprenant ce qui se passe dans le cerveau pendant le processus de prise de décision, on arrive plus facilement à prendre du recul et à écouter sa raison plutôt que ses émotions», affirme le Dr Ptito, dans le communiqué publié pour l'occasion.

Quatre parties du cerveau jouent un rôle important lors des décisions qu'un investisseur suppose rationnelles.

Court voyage dans les circonvolutions cérébrales...

L'amygdale

Votre crainte des marchés boursiers est peut-être conditionnée par votre amygdale, qui agit sur la peur. «C'est elle qui détermine si l'on fera face à un danger potentiel ou si l'on décide de fuir, décrit Alain Ptito. Ce peut être une force irrésistible, qui s'est forgée sur plusieurs milliers d'années.»

Cette peur peut quelquefois agir négativement. Sylvie Demers donne l'exemple d'un investisseur qui aurait vu son portefeuille boursier se comprimer de 30% en 2008, et qui déciderait ne plus y placer le moindre sou. «Ce serait une peur irrationnelle. Il faut comprendre que le prochain portefeuille pourra respecter sa tolérance au risque.»

Le noyau accumbens

Le noyau accumbens, situé juste derrière les yeux, joue un rôle central dans le circuit de la récompense. Responsable du bonheur, cette zone s'active lors de décisions de placement qui procurent d'importants gains.

Cette satisfaction pourrait entraîner certains investisseurs à chercher les coups fumants - un peu à la manière du joueur compulsif.

«L'activation du noyau accumbens se produit lorsqu'il existe l'anticipation d'un gain et le plaisir qui s'y rattache, observe le Dr Ptito. Lorsqu'on joue, l'anticipation du gain entraîne un sentiment de bonheur. Ce sentiment de plaisir va être recherché au point où la personne va être contrôlée par ses émotions plutôt que par la logique et elle va continuer à jouer et ainsi devenir dépendante.»

Sylvie Demers suggère de peser les risques et de trouver son bonheur dans la sereine satisfaction d'une discipline qui vise l'atteinte d'objectifs à long terme.

L'hippocampe

L'hippocampe est associé à la mémoire des faits et événements. C'est par son intermédiaire que se construiront les souvenirs, bons ou mauvais. Ceux-ci, à leur tour, influencent les décisions - à tort ou à raison. «Il faut éviter la paralysie et comprendre ce qui a fonctionné et n'a pas fonctionné», propose plutôt Sylvie Demers.

Le cortex préfrontal

Lorsqu'on prend une décision qui comporte une part de risque, le cerveau est le champ d'un conflit entre le cortex préfrontal médioventral, en lien avec l'appât du gain, et le cortex préfrontal médiodorsal, qui gère la peur du risque. Dans ces situations, les émotions peuvent facilement l'emporter sur la raison, observe le Dr Ptito.

«Si, quand on reçoit un conseil, on pense déjà à ce qu'on va acheter dans le futur avec le gain qui sera réalisé, on est peut-être plus enclin à prendre des risques qui ne sont pas rationnels», commente Sylvie Demers.

Pour tempérer ces emportements, elle recommande la consultation suivie d'un conseiller financier expérimenté, qui ajoutera une touche d'objectivité dans les décisions de placement. «Il faut constituer un portefeuille qui respecte sa tolérance au risque et adopter une vision à long terme basée sur de l'information plus rationnelle», dit-elle.

La Fontaine a rappelé il y a longtemps qu'il ne fallait pas vendre la peau de l'ours des cavernes avant de l'avoir tué.