Un coup d'épée dans l'eau face à des marchés financiers désormais sans frontière? Un interdit boursier improvisé à des fins de politique interne en Allemagne?

Ou, pire, une mesure préventive face à d'autres chocs financiers appréhendés en Europe?

Les critiques envers l'interdit décrété par Berlin sur les transactions à découvert sur certains titres bancaires et obligataires se sont multipliées depuis son annonce, mardi soir.

En particulier des voisins européens. Ils déplorent ne pas avoir été consultés pour un interdit qu'ils estiment nuisible à la cohésion financière de la zone euro, déjà fragilisée.

En Bourse, aussi, la première réaction des investisseurs fut très négative. Les principaux indices européens ont reculé de 2,5 à 3% hier, à leur niveau d'il y a trois mois.

Les principaux indices des bourses nord-américaines ont aussi été affectés. Ils ont cédé jusqu'à 2% en mi-séance avant de se ressaisir pour terminer en baisse moindre d'environ 0,6%.

Quant à l'euro, déjà très malmené par les effets de la crise grecque, il s'est replié davantage à son niveau le plus bas en quatre ans face au dollar américain.

Mais pourquoi une telle réaction des marchés à un interdit décrété par un seul pays - l'Allemagne - et ciblant un nombre limité d'une dizaine de titres des secteurs bancaires et obligataires?

«Les marchés ont conclu que c'était un geste désespéré et que la crise de la dette en Europe risque encore d'empirer», selon une note d'analystes de la banque allemande Commerzbank.

Pour leurs vis-à-vis chez Rabobank, établie aux Pays-Bas, «la décision de l'Allemagne a rehaussé la perception du risque sur les marchés, surtout en Europe.

«Plusieurs investisseurs se demandent si les autorités boursières en Allemagne savent quelque chose que les marchés ignoreraient encore. Et s'il y a un tel secret, ça ne peut être positif.»

Pour d'autres analystes, la réaction très négative des investisseurs à l'interdit décrété par Berlin traduit en fait leur aversion pour toute réglementation jugée restrictive.

Aussi, que de telles mesures puissent être improvisées afin de satisfaire des impératifs politiques à court terme.

Or, ces jours-ci à Berlin, la pression politique est forte sur les parlementaires allemands, qui voteront demain sur l'énorme plan de soutien à l'euro. L'Allemagne sera le principal contributeur de ce plan, à hauteur de 150 milliards d'euros.

Pour amadouer la réticence de l'électorat allemand, le gouvernement de coalition dirigé par la chancelière Angela Merkel a décidé de sévir contre «les marchés financiers menés par des motifs de profit destructeurs pour la stabilité financière de l'Europe et du monde», a-t-elle indiqué, mardi soir.

Mais pareil motif politique est suspect sur les marchés financiers. D'autant qu'ils attribuent les tumultes financiers qui secouent l'Europe à des causes budgétaires et fiscales, plutôt que des failles réglementaires.

De plus, avec la grande perméabilité des marchés, tout interdit de transactions de certains titres en Allemagne peut être contourné sur les marchés voisins.

En particulier à Londres, de loin le principal carrefour financier d'Europe même s'il demeure hors de la zone euro.

«Un tel interdit de transaction en Allemagne est inutile tant qu'il ne regroupera pas aussi le Royaume-Uni, les États-Unis et le reste de l'Europe», a commenté David Buik, analyste de marchés chez le courtier institutionnel BGC Partners, à Londres.

 

Une technique à forte volatilité

Il existe deux types de vente à découvert:

1 La première consiste à emprunter un titre dont on pense qu'il va baisser et à le vendre aussitôt. L'idée est d'empocher une plus-value lorsqu'on achètera à un cours beaucoup plus bas pour le rendre au prêteur.

2 La deuxième pratique, dite vente à découvert «à nu» consiste à vendre un titre, avec un règlement différé, sans même l'emprunter. Au moment de le livrer à l'acheteur, l'opérateur se le procure au plus bas sur le marché en gagnant la différence si le prix du titre a effectivement baissé.