Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Serge Pépin, des Fonds d'investissements BMO.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Du côté américain, la confiance du consommateur a été plus positive. C'est quelque chose qu'on aime bien voir, car les deux tiers de l'activité économique aux États-Unis dépendent du consommateur. Aussi, l'indice du prix des maisons S&P/Case-Shiller s'est amélioré, ce qui montre qu'il y a un rétablissement du marché immobilier américain. On n'est pas sorti du bois, mais la situation rentre dans l'ordre petit à petit.

 

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Au cours des prochains mois, les taux d'intérêt vont retenir l'attention des investisseurs. On s'entend pour dire que les taux vont augmenter. Mais la grande inquiétude des investisseurs reste à savoir: jusqu'à quel point? Est-ce que les banques centrales vont être agressives ou non dans leur politique monétaire? Je pense qu'elles ne peuvent pas se le permettre. On est sorti de la récession, mais il y a toujours un risque de rechute de l'économie. Dans ce contexte, la Banque du Canada devrait augmenter ses taux de 0,75% d'ici la fin de 2010, à commencer par une hausse de 0,25% en juin. La Réserve fédérale américaine attendra jusqu'en septembre.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Je garderais un oeil sur les pays émergents, même s'ils ont connu un rebond exceptionnel. On s'est toujours fié aux États-Unis pour sortir l'économie de la récession. Mais cette fois, il faut se fier surtout aux pays émergents. La crise financière a été moins dure pour eux. Et ce sont des pays de plus en plus développés, surtout quand on parle du Brésil ou l'Argentine. Un de ces jours, on ne parlera plus d'eux comme de pays émergents.

Je garde aussi un oeil sur le Canada, pour l'énergie (on pense que le prix du pétrole franchira les 90$US le baril), pour les matières premières comme le cuivre et l'argent (mais pas les aurifères, car le dollar américain reprendra des forces, ce qui pourrait ramener le prix de l'or à 900$US), et aussi pour les services financiers (surtout les assureurs et les sociétés de fonds communs qui profiteront du retour des investisseurs à la Bourse).

Et si j'avais un seul titre à acheter... ce serait celui de Research In Motion. Malgré l'arrivée du iPhone, RIM contrôle encore le marché des affaires avec son BlackBerry. Et il reste de la croissance. Il y a deux semaines, j'étais en Chine. Dans la salle de conférence, la plupart des gens avaient un appareil Motorola... mais de plus en plus se convertissent au BlackBerry.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

J'éviterais certains pays émergents, comme la Russie, car on ne sait jamais ce que le gouvernement peut faire. De plus, l'indice boursier de la Russie est largement dominé par le secteur de l'énergie, et par une seule entreprise: Gazprom, un titre que l'on n'aime pas. Donc, l'indice des pays BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), ce n'est pas l'idéal.

Côté obligations, j'éviterais le court terme. Avec la hausse prévue des taux d'intérêt, les obligations à court terme pourraient subir des pertes, pas énormes, mais quand même... Déjà, on voit que le court terme subit beaucoup de pression depuis quelques semaines. Je préfère donc des obligations de 10 ans.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Je m'attends à une correction à la Bourse, en me fondant sur l'analyse technique. On s'aperçoit présentement que l'écart se rétrécit entre les moyennes mobiles de 200 jours et 50 jours. D'ici quelques semaines, il pourrait y avoir un croisement. Lorsque la moyenne des 50 jours baisse en dessous de celle des 200 jours, c'est souvent un signe négatif pour la Bourse (ndlr: cela confirme l'essoufflement du marché et envoie un signal de vente aux investisseurs). Un mois et demi après ce croisement, on pourrait avoir une petite correction de 10%. C'est une des raisons pour lesquelles la diversification reste importante.