Le marché boursier de Toronto termine l'année 2009 en hausse de 27 % mais ce qui est encore plus spectaculaire, c'est sa remontée de 51 % par rapport au creux enregistré au mois de mars, lorsque le marché a touché le fond du baril.

Mais même si cette performance semble solide, le marché torontois demeure néanmoins en baisse de 20 % par rapport aux sommets enregistrés au milieu de 2008, tout juste avant que la crise financière de Wall Street ne se répercute à travers le monde et que l'économie de la planète ne s'engage sur une pente descendante.

La remontée du marché boursier cette année est une bonne nouvelle pour les millions d'investisseurs canadiens, qui ont vu la valeur de leurs portefeuilles boursiers, leurs REERS, leurs fonds mutuels et leurs régimes de pensions s'effondrer.

Alors que la confiance des consommateurs et des investisseurs demeure fragile, elle s'est néanmoins améliorée ces jours-ci, particulièrement depuis qu'une autre mesure de la richesse des ménages, soit la valeur des maisons, est en hausse un peu partout au pays.

La plupart des analystes ont confiance que le TSX puisse maintenir ses gains acquis au cours des derniers mois. Mais selon eux, il sera difficile de revenir au sommet de 15 000 points puisque des doutes persistent au sujet de l'efficacité avec laquelle les Etats-Unis et le monde se remettront de la récession.

Selon l'économiste en chef de la RBC, Patricia Croft, les marchés des actions ordinaires pourraient connaître une ascension remarquable, mais ce scénario ne semble pas se dessiner et la probabilité que cela se produise est mince.

«Il faudrait que les étoiles soient alignées, et que tout se déroule tel qu'espéré», explique-t-elle.

Ainsi, selon Mme Croft, cela veut dire qu'il faudrait que l'économie de la planète enregistre une croissance très forte, avec en tête la Chine qui serait accompagnée d'une économie américaine en santé. Les prix des produits de base devront aussi être très solides et un appétit sans précédent pour le risque devrait également être au rendez-vous.

Les marchés de notre voisin du sud ont aussi connu des gains exceptionnels au cours de l'année 2009, avec l'indice Dow Jones et le S&P 500 en hausse. Mais les analyses américains demeurent prudents.

Le stratège en chef de la firme américaine Standard&Poor's, Sam Stovall affirme quant à lui que la volatilité des marchés «est là pour rester».

Pour illustrer ses propos, il cite notamment l'impact des fonds spéculatifs, le commerce électronique et la nouvelle mentalité selon laquelle l'on ne peut plus vraiment s'engager . Néanmoins, il projette que le S&P 500, qui s'est maintenu aux alentours de 1 100, pourrait atteindre jusqu'à 1 250 points en 2010.

Les analystes disent également qu'il est important de mettre en perspective cette solide performance qu'ont connu les marchés à la fin de 2009.

Avant le 10 mars, date à laquelle le géant bancaire américain Citigroup a laissé savoir qu'il avait enregistré des profits au cours des deux premiers mois de l'année, les investisseurs avaient en tête le pire scénario qui consistait en un effondrement du système financier et une dépression mondiale.

Depuis le milieu de l'année 2008, le TSX était en chute libre. Ses pertes se sont accélérées à l'automne, après la faillite de la banque d'investissement Lehman Bros et les économies de la planète se sont contractées, les prix des matières premières ont plongé alors que l'on s'attendait à la pire crise économique de l'histoire depuis la Grande Dépression dans les années 1930.

Lorsque l'on a commencé à voir la lumière au début du mois de mars, les investisseurs se sont saisis des données économiques -qui aujourd'hui, ne feraient sourciller personne-, les ont qualifiées de «moins pire».

Ils y ont vu des signes d'améliorations, misant d'ailleurs sur la fin de la récession pour la fin de l'année 2009 -ce qui s'est d'ailleurs produit- et sur une relance économique solide, aidée par les consommateurs américains. Ces derniers comptent d'ailleurs pour 70 % de l'économie américaine. Mais l'on a peut être dressé la barre des attentes trop élevées.

Selon le responsable en chef des placements auprès de la Corporation Financière Mackenzie, Norman Raschkowan, la bonne nouvelle est qu'il y aura encore beaucoup d'argent disponible pour investir dans les marchés boursiers.

La principale raison pour cela est qu'il est très difficile de faire de l'argent en dehors des actions ordinaires puisque, dans un avenir rapproché, les banques conserveront leurs taux d'intérêts près de zéro.

Mais M. Raschkowan croit que ceux qui s'attendaient à une croissance économique solide seront déçus.

«Il serait davantage probable d'observer un regain modeste de l'ordre de deux ou trois % puisque les consommateurs n'auront pas encore fini de rebalancer leurs budgets. Et les entreprises prendront du temps à rebâtir leurs inventaires aux niveaux auxquels ils se trouvaient auparavant puisque la demande n'est pas présente et que les coûts pour financer ces inventaires sont punitifs», explique-t-il.

D'après M. Raschkowan, deux enjeux entraveront l'économie américaine l'an prochain et conséquemment, auront un impact négatif sur le TSX. Il croit que le taux de chômage aux Etats-Unis, qui s'est maintenu à 10 % en novembre, continuera à grimper en 2010. Et cela pourrait avoir pour effet de décourager les achats des consommateurs puisque ces derniers auront le sentiment que leur emploi est menacé.

Le marché immobilier américain est une autre source de préoccupation, selon M. Raschkowan. Le défaut de paiement des hypothèques est toujours en hausse, dit-il, et les propriétaires se demanderont toujours, en bout de ligne, quelle sera la valeur de leur maison.

Ainsi, Norman Raschkowan, prévoit que le TSX évoluera en dents de cie au cours de l'année à venir et pourrait se conclure avec une faible croissance ou encore en baisse.

D'autres analystes soulignent que le marché torontois est particulièrement bien positionné pour tirer avantage des économies asiatiques émergentes. C'est notamment l'opinion du gestionnaire de portefeuille chez First Asset Funds, John Stephenson.

«Nous sommes dans la chaîne de valeur au niveau de ce que les asiatiques veulent, nous sommes le composant important, nous avons tous ce dont ils ont besoin et, au contraire d'autres pays riches en ressources naturelles, nous avons également du pétrole», a-t-il expliqué.

M. Stephenson estime que le dollar américain poursuivra sa descente en 2010, ce qui est une bonne nouvelle pour les prix des produits de base et le TSX. Mais le stratège en chef de la firme américaine Standard&Poor's, Sam Stovall, n'est pas aussi optimiste au sujet de la Chine et des autres marchés asiatiques.

«Ils ont tellement bien performé en 2009 qu'en 2010, on risque d'avoir simplement une bonne année plutôt qu'une année merveilleuse», explique-t-il.

Mais il ajoute que pour les investisseurs à long terme, «la croissance démographique et économique de la Chine et de l'Inde en particulier indique qu'il faut se positionner dans ces régions. Les perspectives de croissance sont toujours très fortes.»

Les analystes s'entendent cependant pour dire que les investisseurs devront se méfier de deux éléments qui ont permis de maintenir le marché en relative bonne santé: les taux d'intérêts, qui sont maintenus près de zéro par les banques centrales, ainsi que les importantes sommes investies par les gouvernements pour relancer l'économie.