Ils ont été qualifiés «d'armes financières de destruction massive» par Warren Buffett. On s'en méfie depuis qu'ils ont fait dérailler la finance mondiale l'an dernier. Mais la mauvaise réputation des produits dérivés n'inquiète pas la Bourse de Montréal, qui compte au contraire... en profiter.

C'est en tout cas ce qu'affirme Alain Miquelon, président et chef de la direction de la Bourse de Montréal. Sa théorie: les effets de la crise forceront les produits obscurs et mal réglementés à sortir de la marge. On les retrouvera davantage dans les Bourses comme la sienne, où ils gagneront en transparence.

«Il commence à émerger de la législation aux États-Unis et en Europe, et elle est assez claire: il va y avoir des mesures qui vont inciter - et même forcer dans certains cas - les institutions financières à utiliser les produits dérivés standardisés, donc ceux qui sont en Bourse», a expliqué M. Miquelon en marge d'une conférence prononcée hier à l'invitation de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

M. Miquelon l'a admis d'emblée: les produits dérivés, ces instruments financiers de gestion de risque qui sont la spécialité de la Bourse de Montréal, ont un «sérieux problème d'image» depuis la crise financière. Mais selon lui, il ne faut pas tous les mettre dans le même panier.

«Ceux qui ont effectivement contribué à la crise financière, ce sont les dérivés dits hors-cote. Ils sont échangés hors des Bourses, derrière les portes closes d'institutions financières», a-t-il dit.

M. Miquelon s'attend à ce que les autorités canadiennes proposent, «sans doute en 2010», une réforme, question d'amener ces produits, «souvent très complexes» et «obscurs», vers les Bourses pour les sécuriser.

D'autres produits, de par leur nature, ne pourront cependant jamais être cotés en Bourse. Mais encore là, la Bourse de Montréal entend jouer un rôle. Elle a d'ailleurs annoncé mardi que sa chambre de compensation, qui sert en gros à sécuriser les transactions, sera utilisée pour soutenir certains produits hors-cote.

«Depuis des centaines d'années, les produits dérivés ont servi à protéger les avoirs, non pas à les mettre en péril. Ils ont servi à assurer une stabilité, et non à créer de la volatilité», a martelé hier M. Miquelon, affirmant qu'ils sont plus nécessaires que jamais dans le contexte volatil actuel.



Les yeux braqués sur Copenhague


Le grand patron de la Bourse de Montréal a par ailleurs dit suivre de près les négociations de Copenhague sur le climat, dont l'issue pourrait finalement faire décoller le Marché climatique de Montréal.

«Pour nous, ce qui est important, c'est que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux mettent en place un cadre réglementaire», a-t-il réitéré.

M. Miquelon a cependant peu d'espoir de voir le fédéral bouger avant que les États-Unis ne le fassent.

«En écoutant M. Prentice (Jim Prentice, ministre de l'Environnement), ce qu'on comprend, c'est que la politique fédérale va être établie en fonction de celle des États-Unis», a-t-il dit, affirmant justement avoir espoir de voir un vrai système national de plafond et d'échanges se mettre en place d'ici quelques années du côté américain, ce qui obligerait le Canada à emboîter le pas.