Avec des pertes d'un demi-milliard de dollars américains, le géant de l'aluminium Alcoa a donné le ton à la saison des résultats du premier trimestre aux États-Unis, une saison qui s'annonce comme une suite de chiffres rouges et de nuages noirs.

«Il faut s'attendre à une période difficile», dit Pierre Lapointe, stratège (marchés financiers) à la Financière Banque Nationale.

«On n'anticipe pas de choses intéressantes, note pour sa part Luc R. Fournier, gestionnaire de portefeuille à l'Industrielle-Alliance. S'il arrive des choses positives, c'est tant mieux, mais ce ne sera sûrement pas la normalité.»

 

Selon le consensus des analystes compilé par la firme First Call, on s'attend à un recul des profits de l'ordre de 36% aux États-Unis par rapport au premier trimestre de 2008.

«Les attentes ont été en baisse constante depuis le début du trimestre, alors qu'il était question d'un recul de 12%», remarque Pierre Lapointe. Ce n'est rien de bon pour les actionnaires. Le premier trimestre sera en effet le pire en termes de dividendes versés par les entreprises américaines depuis 1955, a indiqué hier Standard and Poor's. L'agence de notation a recensé un nombre record de sociétés ayant décidé de baisser la rémunération de leurs actionnaires.

Tous les secteurs économiques devraient voir leurs bénéfices s'effriter aux États-Unis. Le secteur de la santé pourrait s'en tirer mieux que les autres avec un recul de seulement 3%, pensent les analystes. Le secteur de la consommation discrétionnaire, par contre, devrait souffrir des pertes de 9,5 milliards US dans l'industrie automobile et sombrer de 107%.

Au Canada, il ne faut pas espérer un ciel plus clair. Selon le consensus compilé par la Financière Banque Nationale, les analystes s'attendent à voir les profits diminuer de 35%. Au moins, trois secteurs pourraient présenter des bénéfices améliorés: Industrie, Santé et Information et Technologie.

Surveiller les perspectives

À l'aube de cette saison des résultats, les attentes pourraient difficilement être plus sombres. Il faudra donc relativiser les résultats peu reluisants des entreprises, soutient Luc Girard, directeur du groupe-conseil en portefeuilles chez Valeurs mobilières Desjardins.

«Personne ne disait que ce serait un trimestre incroyable, dit M. Girard. Ce qui va influencer le marché, c'est de voir si les résultats sont supérieurs, équivalents ou inférieurs aux attentes.»

Il faudra aussi surveiller les perspectives que les dirigeants vont présenter en marge de leurs résultats. «Les dirigeants ont été très conservateurs dans leurs propos au cours des derniers trimestres, dit Pierre Lapointe. On va voir cette fois-ci s'ils le sont un peu moins et si on peut voir la lumière au bout du tunnel.»

C'est cette vision pour les prochains trimestres qui risque d'affecter beaucoup les investisseurs et les marchés boursiers, croit Luc Fournier.

«Mais il y aura probablement beaucoup de compagnies qui n'émettront pas de commentaires», souligne Luc Girard. La situation économique est si floue qu'elles préféreront peut-être rester plus réservées.

Dur trimestre pour Alcoa

Le producteur américain d'aluminium Alcoa a enregistré une perte nette de 497 millions US au premier trimestre. La perte est un peu plus lourde qu'attendu, mais nettement réduite par rapport à celle de 1,2 milliard US subie trois mois plus tôt.

Rapportée au nombre d'actions, la perte a été de 0,61$US. En excluant les éléments exceptionnels, elle revient à 0,59$ par action, soit un peu plus que ce que prévoyaient les analystes (0,57$).

Le chiffre d'affaires du groupe s'est effondré de 27% par rapport au trimestre précédent, pour tomber à 4,1 milliards US. Le groupe a rappelé que les prix de l'aluminium avaient plongé de 26% sur le trimestre et de 60% par rapport à leur pic de l'été.

Le marché a néanmoins réagi avec soulagement à ces résultats. Un quart d'heure après la clôture de Wall Street, le titre d'Alcoa progressait de 2,7% dans les échanges électroniques, à 8$US.

Il faut dire qu'Alcoa a réussi à augmenter son niveau de liquidités et réduire son taux d'endettement.