C’est par la transparence et le partage de données sur le marché locatif que la flambée des prix des loyers au Québec pourra être freinée, estime l’organisme Vivre en ville, qui a présenté jeudi un tout nouveau Registre des loyers.

Accessible à registredesloyers.quebec et comptant déjà plus de 15 000 entrées, l’outil invite les locataires à inscrire le montant de leur loyer actuel pour permettre aux personnes susceptibles de louer leur logement par la suite de voir si l’augmentation réclamée par le propriétaire est raisonnable ou excessive. Les propriétaires sont aussi bienvenus pour alimenter la plateforme.

Le registre joue essentiellement le même rôle que la clause G des baux de location, dans laquelle les propriétaires doivent inscrire le coût le plus bas du loyer demandé dans la dernière année, une clause dont seulement 20 % des locataires ont connaissance, parce qu’elle n’est pas toujours remplie.

« Nous croyons que le Registre des loyers peut être un outil précieux pour les gouvernements dans leur mission de protéger les locataires contre les hausses de loyer abusives et freiner l’inflation immobilière. Riche d’informations pertinentes comme le prix d’un loyer, un tel registre contribuerait à rétablir l’équilibre dans le rapport de force entre le propriétaire et le locataire, en plus d’offrir un tableau de bord fiable, exact et à jour sur la situation du marché locatif », a déclaré le directeur général de Vivre en ville, Christian Savard, dans un communiqué.

Un tel outil, que pourraient s’approprier le gouvernement provincial et les municipalités, est essentiel pour maintenir le coût des loyers à un niveau raisonnable, estime Adam Mongrain, directeur du service Habitation chez Vivre en ville.

« Contrairement aux registres mis sur pied par les citoyens, le nôtre a une capacité administrative, a-t-il indiqué. On propose une solution clés en main et entièrement financée. […] C’est un outil extrêmement performant et précis, dans lequel il serait facile d’intégrer les informations du relevé 31 », en référence au relevé remis aux locataires par leur propriétaire à des fins d’impôt.

L’initiative bénéficiera d’un soutien de Centraide du Grand Montréal, qui s’engage sur trois ans et qui déboursera 104 000 $ pour la première année d’existence du registre.

« On veut que ça fonctionne, a indiqué son directeur général, Claude Pinard. Le registre va non seulement permettre […] à tous de suivre l’évolution des coûts des loyers d’une année à l’autre, mais on pourra aussi faire des croisements sociodémographiques. Grâce à ces données, nous pourrons cerner certains enjeux plus spécifiques. »

Parmi les autres appuis à la plateforme, on trouve la Direction de la santé publique de Laval, dont l’adjoint au directeur – volet promotion, prévention et développement des communautés, Silvio Manfredi, a parlé du registre comme d’une « façon facile pour les citoyens de participer au changement social ».

Locataires favorables

Pour justifier la nécessité d’un tel registre, Vivre en ville a également publié le résultat d’un sondage mené par la firme Léger Marketing dans lequel on apprend qu’à la suite d’un déménagement, le coût du loyer bondit en moyenne de 19 %.

C’est un rythme insoutenable, causé en partie par le manque d’information sur les loyers précédents.

Adam Mongrain, directeur du service Habitation chez Vivre en ville

Pas moins de 32 % des répondants ne pourraient faire autrement que d’accepter vu la pénurie de logements, nous apprend aussi l’enquête menée en ligne du 1er au 18 mars auprès de 5550 locataires et dont les résultats ont été pondérés en fonction de différents facteurs pour qu’ils soient représentatifs de la population québécoise. Selon Anana La Rosa-Dancoste, coordonnatrice Habitation chez Vivre en ville, il s’agit de « la plus large étude sur le logement locatif dans l’histoire du Québec ».

On y apprend aussi que 83 % des locataires sondés seraient favorables à l’idée de publier anonymement les renseignements relatifs à leur logement dans le registre de Vivre en ville. Un coup de sonde du côté des propriétaires a permis d’apprendre qu’ils seraient 53 % à soutenir le remplacement de la clause G par le registre.

Le registre des loyers sera accompagné d’une Foire aux questions portant sur les droits des locataires, dont le contenu a été rédigé en collaboration avec Éducaloi.

Une bien mauvaise idée, juge la CORPIQ

En réaction à l’annonce de jeudi matin, la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) a communiqué avec La Presse Canadienne pour faire connaître sa désapprobation du projet de registre des loyers.

Selon son directeur des affaires publiques et des relations gouvernementales, Marc-André Plante, le fait de publier le prix des loyers n’aura aucun effet positif sur la crise du logement, car cela ne fera pas augmenter l’offre.

Au contraire, indique-t-il, la publicisation des loyers pourrait avoir un effet facilitateur pour les propriétaires tentés par la rénoviction et, ainsi, sur la spéculation immobilière.

« De rendre les loyers publics fera en sorte qu’il sera beaucoup plus facile et rapide d’identifier les bâtiments qui ont un potentiel de rénovation et donc, de retour rapide sur investissement, indique M. Plante. Dans ce cas, ce sont les locataires qui seront les premiers perdants. »