(Toronto) Avec deux enfants de moins de six ans vivant dans un logement de deux chambres et une salle de bain, Jacquelin Forsey et son mari savent depuis longtemps que ce n’est qu’une question de temps avant que leur famille ne devienne trop grande pour leur gîte bien aimé.

De longues heures dans ce petit espace pendant que Mme Forsey était enceinte et le temps passé loin de chez eux pendant la pandémie de COVID-19, ainsi qu’une visite à des voisins qui vendaient leur « magnifique » endroit « de taille parfaite », ont récemment convaincu le couple de commencer à chercher un nouvel endroit où s’établir.

« S’il y avait un moyen d’agrandir cet endroit, nous ne partirions jamais », a affirmé Mme Forsey, étudiante au doctorat, à propos du logement que sa famille possède dans le quartier de Leslieville, à Toronto.

« Nous l’aimons. Nous aimons le quartier, nous aimons notre maison, mais nous ne pouvons tout simplement pas tous être dans cette petite maison pour toujours. »

Le couple a passé les derniers mois à parcourir les inscriptions de maisons à vendre et a fait au moins une offre, sans succès, mais Mme Forsey croise les doigts pour que leur chance tourne ce printemps, alors que les économistes et les courtiers prédisent que l’activité reviendra sur le marché canadien de l’habitation.

Les acheteurs se remettent au travail

Le marché est atone depuis l’an dernier. Les acheteurs potentiels ont commencé à reporter leurs plans d’achat de résidences alors que la Banque du Canada a relevé les taux d’intérêt avec dynamisme, huit fois de suite.

La succession rapide d’augmentations a érodé le pouvoir d’achat alors que les coûts d’emprunt grimpaient et faisaient chuter les prix, décourageant les vendeurs de mettre leurs propriétés en vente.

Alors que les données de l’Association canadienne de l’immobilier montrent que les prix moyens ont chuté de 19 % par rapport à leur sommet de 816 578 $ de février 2022, pour s’établir à 662 437 $ le mois dernier, et que l’économiste en chef de BMO Marchés des capitaux prévoit qu’ils atteindront un creux lorsqu’ils montreront un recul de 20 % à 25 %, les agents immobiliers voient plusieurs acheteurs potentiels recommencer à entreprendre des démarches.

« Nous avons eu un flot d’acheteurs en janvier, en février et nous en recevons toujours de plus en plus, et nous avons commencé à voir plusieurs offres revenir et certaines offres féroces », a observé Michelle Gilbert, une courtière torontoise de Sage Real Estate.

« Nous avons commencé à recevoir des appels d’acheteurs qui se disaient simplement : “Je pense que je vais simplement m’ajuster par rapport à ce que je veux, mais je ne veux pas rater mon occasion.” »

Ces clients sont un mélange de personnes qui doivent déménager pour le travail ou parce que leur famille s’agrandit, ou des acheteurs de première maison désireux de ne pas laisser passer la baisse des prix.

De nombreux accédants à la propriété ont plus de mal à se qualifier pour obtenir une hypothèque, mais veulent toujours faire un achat. Ils compensent donc en ajustant leurs attentes, a observé Mme Gilbert.

« Peut-être qu’ils ne peuvent pas obtenir la superficie en pieds carrés qu’ils pensaient pouvoir obtenir parce qu’ils ne réussissent pas à se qualifier, mais ils veulent toujours vraiment faire une bonne affaire », a-t-elle affirmé.

Les offres plus nombreuses

À Vancouver, l’agente Tirajeh Mazaheri, de Coldwell Banker Prestige Realty, a également constaté une recrudescence des acheteurs.

Quelques semaines après que la Banque du Canada a signalé que de nouvelles hausses de taux d’intérêt étaient peu probables, elle a noté que les propriétés avaient recommencé à être vendues rapidement, après avoir reçu plusieurs offres.

Elle a repéré une copropriété inscrite à 699 000 $ qui a obtenu 11 offres et une maison inscrite à 2,8 millions en recevoir cinq le mois dernier.

D’autres ne se lancent pas encore sur le marché, mais se préparent à le faire bientôt.

« Tous ceux qui n’ont pas encore obtenu de préapprobation le font maintenant parce que les gens veulent sauter sur l’occasion d’acheter quelque chose parce qu’ils craignent que les prix ne recommencent à monter beaucoup trop haut », a estimé Mme Mazaheri.

Malgré cet engouement, elle ne voit pas le marché revenir au rythme effréné de 2021, en grande partie à cause du manque de propriétés disponibles.

Les nouvelles inscriptions de février ont totalisé 51 366, en baisse de 26 % par rapport au même mois un an plus tôt, a récemment révélé l’Association canadienne de l’immobilier (ACI). Sur une base désaisonnalisée, elles se sont dénombrées à 57 535, en baisse de près de 8 % par rapport à janvier.

Les prix à un creux cet été ?

Si une forte baisse des nouvelles inscriptions se poursuit parallèlement à un resserrement des conditions de l’offre et de la demande, une modération des prix se matérialisera au cours des prochains mois, a indiqué l’économiste en chef adjoint d’Économique RBC, Robert Hogue, dans un récent rapport.

Si ces conditions se maintiennent, il prévoit que les prix atteindront un creux au cours de l’été ou peu de temps après.

Les vendeurs surveilleront de près la direction dans laquelle les prix évolueront.

« Beaucoup de vendeurs commencent à vouloir s’inscrire, mais la plupart d’entre eux, je le remarque, sont un peu prudents », a souligné Mme Mazaheri.

« Ils remarquent également l’évolution du marché et ils veulent obtenir le meilleur prix pour leur propriété, alors ils pensent peut-être attendre le printemps ou l’été. »

Pour Mme Forsey, il n’y a pas d’urgence à acheter une maison, mais elle admet que la pause des taux d’intérêt donne à sa famille une certaine confiance dans sa décision de chercher un nouvel endroit.

Alors que son mari ingénieur a créé des feuilles de calcul pour évaluer ce qu’ils peuvent se permettre, leur amortissement et les effets des taux d’intérêt potentiels, elle a indiqué qu’ils avaient accepté le fait « que nous ne pouvons pas chronométrer le marché et que nous devons simplement faire de notre mieux, prendre des décisions avec lesquelles nous sommes à l’aise, et espérer que ça fonctionnera. »

« Nous pouvons rester ici jusqu’à ce que la bonne occasion se présente, et nous n’avons pas à nous précipiter ou à prendre de décision irréfléchie », a-t-elle déclaré.

« Et si cela ne fonctionne pas pendant longtemps pour nous, ce n’est pas grave parce que ce que nous avons est assez génial. »