La capitale régionale de la Mauricie accorde un crédit de taxe foncière à de nouveaux projets résidentiels.

La Ville de Trois-Rivières accorde un crédit de taxes pour favoriser la densification de son périmètre urbain au moment où elle connaît une pénurie de logements.

Cette décision va dans le sens contraire de la tendance observée dans une vingtaine de villes, la plupart dans la région montréalaise, qui ont décidé de surtaxer les logements neufs en pleine crise du logement. Par exemple, Terrebonne demande une redevance de 5000 $ par nouvelle habitation.

Le chef-lieu de la Mauricie a annoncé le 14 février un crédit de taxe foncière pour les projets résidentiels neufs comportant au moins huit logements. Le crédit de trois ans couvre 100 % de l’appréciation foncière de la propriété à la suite de sa densification.

Le programme s’applique dans des zones ciblées. Celles-ci partagent la caractéristique d’être desservies par les services de distribution d’eau et d’égout et d’avoir été construites entre les années 1950 et 1980. Les promoteurs doivent s’inscrire au crédit dans un premier temps. Ils demandent ensuite leur permis de construction.

La Ville espère susciter la création de 600 logements collectifs avec cette mesure, indique son porte-parole Mikaël Morrissette.

La mesure est applaudie par l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ).

Nous saluons le règlement de la Ville de Trois-Rivières qui fait d’une pierre trois coups : stimuler l’offre de logements, inciter à la densification à l’intérieur du périmètre urbain actuel et en favoriser l’abordabilité.

Paul Cardinal, économiste à l’APCHQ

Trois-Rivières vit un boom démographique, provoqué entre autres par l’abordabilité des maisons et la popularité du télétravail, ce qui a poussé des travailleurs de Montréal à s’établir en région. Le prix médian d’une maison dans le secteur de Trois-Rivières s’établissait à 279 500 $ au 4e trimestre 2022. La ville compte 143 000 habitants, soit 3000 personnes de plus qu’au recensement de 2021.

Il s’est construit plus de 1000 logements par an à Trois-Rivières au cours des deux dernières années. Les terrains vacants disponibles se font plus rares.

Le crédit de taxe à la densification s’ajoute à d’autres mesures mises de l’avant récemment par la Ville afin de stimuler l’activité dans le marché de l’habitation visant l’accès à la propriété et la revitalisation des vieux quartiers, dit M. Morrissette. Un projet de politique d’habitation sera présenté publiquement le 8 mars prochain.

Redevance de développement

À titre comparatif, Terrebonne, Brossard et Saint-Bruno-de-Montarville imposent une redevance de développement ayant pour but de faire payer aux constructeurs de nouvelles habitations le coût marginal des services municipaux qui viendront desservir leur lotissement. La redevance prend la forme d’un prix par porte : 3527 $ dans le cas de Brossard et 5000 $ à Terrebonne.

Dans tous les cas, les constructions plus denses (comptant plus de logements) sont plus lourdement taxées que les maisons unifamiliales sur la base d’un mètre carré de terrain.

Particularité à Saint-Bruno-de-Montarville, les logements familiaux sont davantage taxés. La redevance monte à 7900 $ pour un logement de trois chambres contre 4738 $ pour un appartement d’une chambre.

Pour être exempté de la redevance, le promoteur peut construire des logements sociaux ou abordables.

À ce chapitre, signale M. Morrissette, Trois-Rivières impose une forme de contribution aux promoteurs lorsque le développement nécessite la mise aux normes ou le prolongement des infrastructures municipales, mais dans certains cas et selon des secteurs précis seulement.

Problèmes de cohabitation en vue

Le crédit de taxe mis de l’avant par Trois-Rivières n’est pas sans défaut non plus, selon la professeure associée de gestion municipale de l’UQAM Danielle Pilette.

« Le programme fait en sorte que les propriétaires unifamiliaux seront sollicités par les promoteurs pour vendre leur immeuble. Les unifamiliales restantes devront cohabiter avec des immeubles multifamiliaux, ce qui peut se traduire par moins d’ensoleillement et de vues qu’auparavant. De plus, des maisons abordables seront démolies pour faire place aux nouveaux immeubles collectifs, faisant disparaître des maisons vendues à prix raisonnables pour des familles de la classe moyenne. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Danielle Pilette

Généralement, explique l’universitaire, une ville qui souhaite densifier un secteur procède par un programme particulier d’urbanisme (PPU). « Un tel programme garde la Ville en contrôle de ce qui s’y fait. Toutefois, la Ville doit investir. Dans le cas présent, Trois-Rivières définit ses objectifs, n’investit pas elle-même et laisse l’initiative aux promoteurs. »

Le porte-parole de la Ville assure qu’il n’y aura pas d’immeuble de huit logements entre deux maisons unifamiliales. « Le zonage des secteurs ciblés a été pris en compte pour minimiser les impacts d’une densification sur le plan de la circulation », précise M. Morrissette.

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  • 0,9 %
    Taux d’inoccupation des logements locatifs dans la région de Trois-Rivières en octobre 2022
    Source : SCHL