Deloitte croit que l’économie du pays est déjà en récession, que la Banque du Canada ne haussera plus son taux directeur et que les impacts sur le marché immobilier ne font que commencer à se faire sentir.

« Ça sera sombre pour une bonne période en immobilier avec une reprise vers la fin de 2024 ou en 2025 », lance Mario Iacobacci, associé, services-conseils en économie, chez Deloitte Canada, au cours d’un entretien visant à commenter l’étude trimestrielle de Deloitte publiée mardi sur les perspectives économiques canadiennes.

Le marché immobilier écopera peut-être un peu moins au Québec qu’ailleurs au pays parce qu’on a eu moins de dégâts en termes de hausses de prix, pense-t-il. « Mais on va néanmoins en souffrir », précise Mario Iacobacci.

« On est certainement en récession pour le trimestre actuel, mais possiblement aussi pour le trimestre qui vient de terminer. La raison pour laquelle il y a un doute est que les entreprises ont bâti des stocks très élevés », dit-il.

Dans un tel cas, normalement, l’ajustement est une réduction de production en attendant la vente des biens sur les étagères.

Mario Iacobacci, associé, services-conseils en économie, chez Deloitte Canada

Au dernier trimestre de 2023, la récession sera déjà derrière, selon lui. « Ce sera relativement court comme récession par rapport à d’autres. Elle sera cependant plus profonde que ce dont on parlait il y a quelques mois. On parle de baisse de PIB [produit intérieur brut] de l’ordre de 2,2 % à 2,4 %, dépendamment du trimestre, par rapport à l’an passé. »

Les changements de prévisions s’expliquent par les hausses de taux d’intérêt beaucoup plus agressives que prévu par la Banque du Canada, dit-il.

« On avait prévu que le taux directeur augmenterait à 3 % ou 3,5 %. Il a augmenté à 4,25 %. Cela a un impact très important sur les frais de financement pour les consommateurs. Les ménages canadiens sont endettés et le renouvellement des hypothèques se fait graduellement, alors on n’a pas encore tout vu le choc des hausses. C’est d’ailleurs une des incertitudes liées à nos prévisions : l’impact des hausses de taux pourrait être plus profond que prévu. »

« Il subsiste un risque que les décideurs augmenteront les taux au-delà de nos prévisions, ce qui mènerait à un déclin économique encore plus marqué au pays comme aux États-Unis », lit-on dans l’étude de Deloitte.

En revanche, est-il précisé, il est possible que les consommateurs choisissent de ne pas réduire leurs dépenses et puisent dans leurs économies ou reportent leurs paiements d’intérêts plus élevés en prolongeant la période d’amortissement de leur prêt hypothécaire.

« On parle normalement d’une période de 12 à 18 mois pour connaître les impacts des hausses de taux. On commence donc à peine à voir les impacts des hausses de taux », affirme Mario Iacobacci.

Inflation et marché du travail

Cet expert souligne que le taux d’inflation a atteint son sommet en juin dernier à 8,1 % et va continuer à descendre vers les 3 % vers la fin de l’année.

« Le seul problème côté inflation est le marché du travail, qui demeure encore très serré. C’est la source de craintes ici et aux États-Unis. Les attentes des travailleurs sont là. Ils veulent conserver leur pouvoir d’achat et ils ont un certain pouvoir de négociation quand le marché de l’emploi est serré. Si les augmentations de salaires demeurent élevées, ça pourrait contribuer à ne pas faire baisser l’inflation aussi rapidement qu’on prévoit. »

La Banque du Canada a haussé les taux d’intérêt plus que Deloitte l’anticipait il y a quelques mois, une tendance qui amenuise le pouvoir d’achat des ménages. « La hausse des taux a freiné les ardeurs des entreprises cherchant à investir », souligne Deloitte.

Notre prévision suppose que le cycle d’augmentation des taux par la Banque du Canada est terminé.

Extrait de l’étude de Deloitte

Deloitte s’attend à ce que la Banque du Canada commence à réorienter sa politique d’ici la fin de l’année, et Mario Iacobacci dit attendre une première baisse de taux en fin d’année.

« À son niveau actuel de 4,25 %, le taux de financement à un jour est suffisamment élevé pour ralentir rapidement la croissance de l’économie, mais trop haut pour être viable à plus long terme. Les baisses de taux qui seront apportées en 2024 auront un effet stimulant et mèneront à une reprise modérée des activités, suivie d’une relance plus forte en 2025. »

« L’assouplissement monétaire devrait se poursuivre tout au long de 2024, alors que la Banque du Canada abaissera progressivement sa politique de taux d’intérêt, jusqu’à ce qu’ils atteignent la limite supérieure des taux neutres, qui est estimée à 3 %. »