D’un point de vue économique, le ciel de 2023 est rempli de nuages noirs. Mais après la pluie vient le beau temps, dit l’adage, et l’équipe de La Presse Affaires s’est efforcée de regarder au-delà de ces nuages pour trouver les éclaircies.
Aujourd’hui : l’immobilier

La crainte 

De nombreux Québécois craignent de ne pas pouvoir devenir propriétaires cette année. Ils ont assisté impuissants aux sept hausses consécutives du taux directeur de la Banque du Canada en se rongeant les ongles. Depuis janvier 2022, leur niveau d’anxiété a grimpé au rythme des augmentations du taux, qui est passé de 0,25 % à 4,25 %. Un autre envol en janvier signera à coup sûr l’arrêt de mort de leur rêve. Du côté des vendeurs, après avoir assisté à deux années au cours desquelles « n’importe quoi » se vendait trop cher et en peu de temps, voilà que l’angoisse les étrangle en voyant que les propriétés stagnent quatre mois sur le marché avant de trouver preneur. Et si les maisons ne se vendaient plus en 2023 ?

L’angle optimiste

Pour les acheteurs

Lors de la plus récente hausse, en décembre, contrairement à ses habitudes des derniers mois, la banque centrale n’a pas annoncé de façon catégorique qu’elle allait encore hausser le taux directeur en janvier. La banque centrale a plutôt laissé entendre qu’elle évaluerait s’il est encore nécessaire de le faire pour lutter contre l’inflation. C’est une excellente nouvelle, car les taux ne se rendront pas à ceux qu’ont connus vos parents ou vos grands-parents en 1981 à 18 % et en 1990 à 13 %. Plus récemment, le taux était de 8 % en 2000 et même de 7 % en 2008. Soyez patients, certains économistes prévoient que les taux pourraient se mettre à baisser à la fin de 2023.

Avez-vous remarqué que depuis mai 2022, le prix des maisons a commencé à descendre ? Une baisse supplémentaire de 5 % est prévue, selon l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ). « Il va y avoir le retour de prix de propriétés à des prix compétitifs dans un marché sans surchauffe. Ce sera plus confortable et raisonnable », affirme en entrevue téléphonique Charles Brant, directeur du service d’analyse du marché immobilier de l’association.

Les transactions vont pouvoir se faire avec des conditions d’inspection. Ce sont de bonnes nouvelles pour les acheteurs.

Charles Brant, directeur du service d’analyse du marché immobilier de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec

S’il est plus difficile pour les premiers acheteurs d’acquérir une propriété à Montréal, la situation est plus reluisante dans la ville de Québec. « À revenu égal entre Québec et Montréal, les prix des maisons unifamiliales sont 200 000 $ moins chers. C’est un marché plus résilient face aux taux d’intérêt », indique Charles Brant.

Autre bonne nouvelle : le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP) entre en vigueur. Les futurs acheteurs d’une première habitation âgés de 18 ans et plus pourront cotiser 8000 $ par année avec des déductions d’impôt. Le montant total à vie s’élève à 40 000 $.

Pour les vendeurs

Vous êtes dans l’obligation de vendre maintenant ? Attendre la reprise annoncée en 2024 n’est pas possible ? N’ayez crainte. Même si la valeur des propriétés a baissé par rapport à 2021, la vôtre ne vaut pas moins qu’en 2019. Les propriétés étaient surévaluées pendant la pandémie à cause des bas taux, du faible stock et de la surenchère. Si la valeur marchande de votre propriété s’élevait par exemple à 600 000 $ en mai 2022 lors du pic des prix, elle risque d’avoir subi une baisse totale d’environ 16 % en 2023, selon les prévisions de l’APCIQ. La valeur s’établirait donc à 504 000 $. On est loin des rabais de 50 % et des chutes de prix de 2008 aux États-Unis causés par la crise des prêts hypothécaires.

« Il y a quand même toujours un bassin d’acheteurs motivés pour acheter, rappelle Charles Brant. Les gens qui n’ont pas pu acquérir une propriété pendant la pandémie pensent à juste titre que les conditions vont changer en 2023 et 2024. »

Nos sondages indiquent que même s’il y a une baisse des intentions d’achat au cours des prochaines années, elle se maintient à des niveaux très intéressants à moyen terme.

Charles Brant, directeur du service d’analyse du marché immobilier de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec

Malgré la baisse d’activité, malgré les inscriptions qui s’accumulent, malgré les taux d’intérêt, il n’y a pas de retour important de propriétés sur le marché, note Charles Brant. Les tests de résistance des institutions financières faits avant l’octroi d’un prêt freinent la multiplication des cas de gens pris à la gorge qui veulent se défaire de leur propriété, affirme l’APCIQ. « On s’attend à ce qu’il y en ait, mais pas tant que ça. On reste donc dans un marché favorable aux vendeurs en 2023, car on est aussi dans un creux historique au niveau des stocks de propriétés offertes sur le marché. »

« La capacité des ménages est quand même relativement bonne au Québec, rappelle le spécialiste. Le taux d’épargne est le plus élevé au Canada, les Québécois ont fait du ménage dans leurs finances durant la pandémie, sans compter qu’on ne capte pas entièrement la capacité financière des acheteurs dont les emplois sont reliés au numérique. »