Après deux ans de pandémie et l’essor du commerce électronique, les artères commerciales du Québec tiennent le coup envers et contre tout, indique une étude récente. Mais le défi demeure entier pour la rue Sainte-Catherine.

Dans la région montréalaise, le portrait est plus reluisant en banlieue et dans certaines rues de quartier.

Les rues principales en région ont connu une amélioration de leur sort cette année par rapport à 2021, d’après une étude de la firme Côté Mercier, Conseil immobilier, rendue publique lundi.

C’est notamment le cas à Québec, à Lévis, à Saguenay et à Trois-Rivières.

Dans ce chef-lieu de la Mauricie, le pourcentage des locaux vacants est passé de 5,7 %, en 2021, à 3,8 %, un an plus tard.

L’étude de Côté Mercier jauge la vitalité des rues commerciales en se concentrant sur l’occupation des locaux commerciaux situés au niveau de la rue. Ses auteurs s’intéressent aux locaux ayant une vitrine, une enseigne et un numéro d’immeuble en propre. Sont exclus de son étude les bâtiments dont la façade est condamnée. Les centres commerciaux en sont aussi exclus.

Autre mise en garde méthodologique, un local inoccupé peut être loué en dépit d’apparences trompeuses, alors que l’inverse, un local occupé qui ne serait pas loué, reste anecdotique.

La proximité a la cote

Dans la banlieue de Montréal, les boutiques sur rue affichent une belle vitalité à Terrebonne et Repentigny avec moins de 5 % de locaux vacants. La scène commerciale montre aussi des signes encourageants sur la Rive-Sud, où le taux de locaux vides se maintient autour de 5 %.

« On est en train de vivre une transformation, dit Christian-Pierre Côté, conseiller en recherche et analyse de données immobilières chez Côté Mercier. On a perdu des restaurants, mais on a gagné des détaillants. »

Exercice annuel, L’étude d’inoccupation commerciale couvre pour le moment un territoire limité dans l’ouest du Québec. Ainsi, des villes comme Laval, Saint-Jérôme et Saint-Jean-sur-Richelieu ne sont pas encore couvertes.

En revanche, le rapport répertorie pas moins de 29 artères sur l’île de Montréal. Sur plus de 3000 locaux, le taux de boutiques vides est passé de 7,6 % à 10,3 % en un an.

Les rues Masson, Beaubien, Jarry, du Mont-Royal et Saint-Hubert en ressortent gagnantes. Toutes ont un taux de locaux vides inférieur à 8 %.

« Ces rues se situent [près] de leur clientèle respective avec leur lot de commerces de proximité : fleuristes, boulangeries, fruiteries, restos de quartier », explique-t-on dans l’étude.

« Saint-Hubert est surprenante, dit, dans un entretien, Christian-Pierre Côté, conseiller en recherche et analyse de données immobilières chez Côté Mercier. Elle a été moribonde pendant quelques années. Les travaux sont finis. J’avais des clients qui me disaient éprouver des difficultés à exiger des loyers qui justifient la valeur économique de l’immeuble, mais là, ça se replace. Les investissements qu’on y a faits ont porté leurs fruits. »

Autre matière à réjouissance, la correction est amorcée pour la rue Saint-Denis, qui a connu une descente aux enfers. Le taux de locaux vacants avoisine les 15 %, mais il s’est réduit de 1,3 point de pourcentage en 12 mois.

« Sur le terrain, avec mes collègues des SDC [sociétés de développement commercial], on constate les mêmes conclusions que celles du rapport », dit Billy Walsh, DG de l’Association des SDC de Montréal. Mais l’étude ne dit pas tout, ajoute-t-il. « C’est fragile. Les commerçants sont à bout de souffle, ils courent après la main-d’œuvre », dit-il. Pendant la pandémie, il y avait des programmes d’aide et une campagne vigoureuse en faveur de l’achat local. Aujourd’hui, les programmes d’aide sont terminés et on entend moins parler du commerce de proximité, déplore-t-il. M. Walsh souhaiterait la mise en branle d’une nouvelle campagne encourageant l’achat local.

Pitié pour Sainte-Catherine

La relance de la « Sainte-Cath » reste un chantier encore inachevé. Côté Mercier a dénombré 79 locaux vides de Papineau à Atwater, soit un taux de disponibilité de 17,3 %, une détérioration par rapport à l’année précédente.

À titre de comparaison, Groupe Altus, qui suit une méthodologie différente, recensait en mai dernier 18 % de commerces fermés sur une base permanente ou temporaire sur l’artère commerciale montréalaise par excellence.

« Quand on tombe dans Sainte-Catherine Est, qui est le Village gai, essentiellement, ça devient problématique », mentionne M. Côté.

Il y a deux phénomènes qui se croisent : des bâtisses vides en manque d’amour côtoient des constructions neuves dont le rez-de-chaussée commercial à louer trouve difficilement preneur.

Christian-Pierre Côté, conseiller en recherche et analyse de données immobilières chez Côté Mercier

La situation est plus encourageante à l’ouest, explique Glenn Castanheira, directeur général de Montréal centre-ville, société de développement commercial couvrant le tronçon qui va de De Bleury à Atwater.

« Pour le tronçon allant de la rue De Bleury à l’avenue Robert-Bourassa, pour lequel les travaux de réfection de la rue Sainte-Catherine viennent d’être refaits, on a déjà touché le creux pour ce segment, croit-il. Avant, c’était un no man’s land. Aujourd’hui, ça déborde de petits restaurants. Je suis très optimiste pour l’avenir.

« Pour ce qui est du tronçon Metcalfe-Atwater, qui sera en construction éventuellement, ça risque d’être difficile. On l’a vu, c’est très difficile de cohabiter avec un chantier. Je suis très inquiet. »

Inflation aidant, les ventes des détaillants de la Sainte-Catherine dépassent celles de 2019, mentionne M. Castanheira.