À Montréal, les frais réglementaires exigés par les divers ordres de gouvernement sont près de 12 fois plus élevés pour un logement locatif dans une tour que pour une maison, indique une étude publiée mardi.

Cet effet méconnu de la structure tarifaire va à l’encontre des objectifs de développement durable.

L’étude de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) porte sur les frais gouvernementaux exigés par les grandes villes canadiennes à l’égard des nouvelles constructions résidentielles. Ces frais regroupent cinq grandes catégories : permis, frais municipaux, garanties neuves, droits d’aménagement et frais liés à la densité. De fait, les écarts les plus importants entre Vancouver, Toronto et Montréal se situent au chapitre des droits d’aménagement et des frais liés à la densité.

À Montréal, les principaux frais imposés aux promoteurs comprennent les frais de parcs (10 % de la valeur du terrain), la redevance du Réseau express métropolitain (environ 10 $ indexés le pied carré pour tout nouveau bâtiment situé à l’intérieur d’un rayon de 1 kilomètre d’une station du REM) et les frais découlant du Règlement pour une métropole mixte sur les logements sociaux et abordables (aussi appelé 20-20-20).

À Montréal, les frais réglementaires sont de 3 $ le pied carré pour une maison détachée, alors qu’ils grimpent à 35 $ le pied carré pour un logement locatif situé dans une tour.

Exprimés en valeur absolue, ces frais représentent en moyenne 22 500 $ par logement locatif, mais à peine 10 000 $ pour une nouvelle maison.

« La structure des frais va parfois à l’encontre des objectifs de densification et de durabilité environnementale, y souligne dans l’étude l’organisme fédéral responsable de l’habitation. Par exemple, certains types de logements à faible densité (particulièrement les maisons individuelles) sont parfois assortis de frais nettement moins élevés. »

Cette structure tarifaire pénalisante à l’égard de la densité est aussi en vigueur à Toronto et à Vancouver, a observé la SCHL.

Autre constat, Montréal a aussi des frais réglementaires plus élevés qu’en banlieue.

À Terrebonne, ces frais se situent entre 1 $ et 4 $ le pied carré ; à Brossard, entre 1 $ et 15 $. À Montréal, c’est plutôt entre 17 $ et 36 $ le pied carré, si on exclut les maisons détachées, plus rares en ville.

Une des raisons de l’écart défavorable avec les villes de banlieue est l’entrée en vigueur du Règlement pour une métropole mixte qui impose des frais pour financer les logements sociaux, abordables et familiaux. Ce règlement en vigueur depuis avril 2021 n’a pas d’équivalent ailleurs sur le territoire de la région montréalaise.

En fait, l’imposition de droits d’aménagement et de frais liés à la densité est un phénomène relativement récent à Montréal. Pour le professeur Mario Polèse, expert des questions entourant le développement des villes, une des raisons historiques de l’abordabilité du logement à Montréal réside dans le fait que les frais d’aménagement y ont été bien plus faibles qu’à Toronto pendant des années.

Il en reste toujours un avantage, constate-t-on dans l’étude de la SCHL, puisque généralement, les frais réglementaires y demeurent moins élevés qu’à Vancouver et à Toronto.

Il y a une exception malheureuse et elle concerne les logements locatifs se trouvant dans les tours d’habitation. Les immeubles locatifs de haute densité sont plus lourdement tarifés à Montréal que dans les deux autres grandes villes du pays, apprend-on. Vancouver exempte le logement locatif de ses frais liés à la densité, précise l’un des auteurs de l’étude, l’économiste Francis Cortellino, dans un entretien avec La Presse.

Les frais liés à la densité représentent jusqu’à 7,2 % du coût de construction de ces unités locatives à Montréal, comparativement à 0 % à Vancouver et à 4,3 % à Toronto.

Lorsque les infrastructures sont en grande partie financées par d’autres moyens que les droits d’aménagement, les frais gouvernementaux applicables à l’aménagement résidentiel ont tendance à diminuer. De nouveaux logements peuvent ainsi être créés à moindre coût.

Extrait de l’étude de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, Frais gouvernementaux applicables à l’aménagement résidentiel dans les plus grandes régions métropolitaines du Canada, juillet 2022

Encore faut-il déterminer par quoi compenser ce manque à gagner pour les villes.