Les époux Christine* et André*, tous deux âgés de 49 ans et parents d’un adolescent de 14 ans, envisagent un projet de retraite à 55 ans de leur emploi respectif. Ils auraient donc encore six ans de revenus d’emploi pour préparer le financement adéquat de cette retraite hâtive, avec l’intention de maintenir leur train de vie d’un couple de nouveaux retraités actifs avec un enfant en début d’études universitaires.

La situation

« Ma femme et moi avons de bons revenus – 230 000 $ par année en tout – et des habitudes d’épargne axées sur la pleine cotisation de nos comptes enregistrés [épargne-retraite REER, épargne libre d’impôt CELI et épargne-études REEE], indique André lors d’une conversation avec La Presse.

« N’empêche, on se questionne sur notre capacité financière d’une retraite à 55 ans, soit dans six ans. Entre autres, est-ce que notre cadence d’épargne-retraite jusqu’à maintenant s’annonce suffisante pour soutenir un train de vie familial à son niveau courant ? »

Ce train de vie se chiffre à environ 90 000 $ par année, avant les débours de cotisations en comptes d’épargne enregistrés.

Pour le moment, le bilan familial apparaît plutôt bien garni. Il comprend quelque 855 000 $ en actifs financiers en comptes d’épargne (REER, CELI, REER et comptes courants), auxquels s’ajoute une somme d’environ 600 000 $ en valeur nette du triplex résidentiel (valeur foncière de 922 000 $ moins le passif hypothécaire de 320 000 $).

En contrepartie, c’est en ce qui a trait au revenu familial durant les premières années de retraite de Christine et d’André, avant que commencent leurs rentes de régime de retraite, que la situation s’annonce plus compliquée.

En fait, considérant que leurs prestations de régimes de retraite d’emploi commenceront à 58 ans, soit à leur troisième année de retraite, et que leurs rentes de régimes publics (RRQ provinciale et PSV fédérale) commenceraient à 65 ans, soit à leur 10e année de retraite, Christine et André cherchent des conseils sur la façon de bien utiliser leurs actifs en REER et en CELI en tant que sources principales de revenus durant leurs premières années de retraite.

Et ce, tout en tenant compte des implications fiscales à court terme, ainsi que des besoins de « longévité financière » jusqu’à un âge avancé, après de nombreuses années de retraite.

La situation de Christine et d’André a été soumise pour analyse-conseil à Louis Morneau, qui est planificateur financier et conseiller en sécurité financière à la firme Aisance Gestion de patrimoine, établie à Brossard, en banlieue de Montréal.

Les chiffres

André*, 49 ans

Revenu (d’emploi brut et de loyer net) : 117 500 $
Actif en REER : 248 000 $
Actif en CELI : 138 000 $
Actif en compte d’épargne placement non enregistré : 30 000 $
Régimes de retraite à prestations déterminées : 2800 $ par mois à 58 ans

Christine*, 49 ans

Revenu (d’emploi brut et de loyer net) : 112 500 $
Actif en REER : 200 000 $
Actif en CELI : 140 000 $
Actif en comptes de retraite d’emploi (CRI, c. d.) : 92 000 $

Au bilan familial :

Valeur du triplex résidentiel familial : 922 000 $
Actif en REEE (enfant de 14 ans) : 37 000 $
Actif en compte d’encaisse commun : 30 000 $
Passif de prêt hypothécaire du triplex : 320 000 $

Au budget familial :

Revenu total (avant impôt) : 230 000 $ par année
Dépenses de train de vie : env. 90 000 $ par année
(coûts de résidence et de style de vie, avant les cotisations en comptes d’épargne enregistrés)

Les conseils

« Nous avons ici un cas typique d’une famille bénéficiant de revenus intéressants provenant de diverses sources, mais dont les époux et parents se préoccupent de l’optimisation de leurs finances personnelles en vue d’un projet de retraite dans quelques années, à 55 ans », constate d’abord Louis Morneau dans son compte rendu d’analyse-conseil.

Mais avant de présenter ses conseils à Christine et à André, il tient à leur signaler les effets budgétaires déjà prévisibles d’une retraite de leurs emplois rémunérateurs une dizaine d’années avant l’âge habituel de 65 ans.

En premier lieu, indique M. Morneau, ils doivent considérer l’impact d’un arrêt à 55 ans de leurs cotisations d’emploi à la Régie des rentes du Québec (RRQ) sur le montant des rentes viagères auxquelles ils seraient admissibles à 65 ans.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Louis Morneau est planificateur financier et conseiller en sécurité financière à la firme Aisance Gestion de patrimoine, établie à Brossard, en banlieue de Montréal.

« Selon les calculateurs de rentes offerts auprès de la RRQ et de l’Institut québécois de la planification financière (IQPF), André recevra 1044 $ par mois et Christine recevra 827 $ par mois à partir de 65 ans, en tenant compte du fait qu’ils cessent de cotiser à partir de l’âge de 55 ans », explique Louis Morneau.

« Cela signifie qu’ils subiront un manque à gagner de l’ordre de 434 $ par mois ou 5208 $ par année pour André, et de 474 $ par mois ou 5688 $ par année pour Christine. Au total, leur projet de retraite à 55 ans implique qu’ils devront trouver une solution pour compenser ce manque à gagner de l’ordre de 10 900 $ par année. Et qui pourrait devenir de plus en plus significatif dans leur budget vers un âge avancé. »

En contrepartie positive, Louis Morneau constate qu’André sera admissible à 58 ans à un régime de retraite à prestations déterminées qui augure d’un revenu de retraite minimal (environ 33 000 $ par année avant impôt) et fiable jusqu’en fin de vie.

Trois stratégies

Après ses considérations de base, Louis Morneau a élaboré pour André et Christine trois stratégies de planification financière et d’optimisation fiscale pour leurs prochaines années de fin d’emploi et de début de retraite hâtive.

Ces stratégies sont basées sur trois paramètres communs : un rendement net de 4 % par année sur les actifs en épargne-retraite, un taux d’inflation moyen de 2,1 % par année, ainsi qu’une espérance de vie jusqu’à 95 ans.

La première stratégie proposée ? « Pour maintenir leur train de vie autour de 90 000 $ par année en début de retraite, André et Christine pourraient commencer par puiser dans leur compte d’épargne libre d’impôt (CELI) pendant les deux premières années de retraite, avant de passer ensuite à leurs régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER), suggère Louis Morneau.

Toutefois, souligne-t-il, « cette stratégie impliquerait de vendre le triplex avant leur 76e anniversaire, soit à leur 20e année de retraite, car leurs actifs en épargne-retraite autonome auront alors été épuisés ».

La deuxième stratégie à considérer ? « Si André et Christine souhaitent conserver leur triplex jusqu’à un âge plus avancé, tout en évitant un manque de fonds avant leur mort, les estimations de planification financière suggèrent qu’ils devraient être prêts à réduire leur train de vie aux environs de 78 000 $ par année dès le début de leur retraite, indique Louis Morneau.

« Là encore, leurs CELI seront utilisés comme sources de revenus en début de retraite à 55 ans, avant que leurs REER prennent le relais ensuite. »

Enfin, en guise de troisième stratégie financière pour André et Christine, Louis Morneau leur suggère d’envisager de décaler leur projet de retraite du travail de quelques années s’ils souhaitent maintenir leur train de vie courant durant leur retraite, et sans devoir vendre leur triplex résidentiel afin d’éviter le manque de fonds à un âge avancé.

« Par exemple, en décalant leur retraite de seulement deux ans, soit de 55 à 57 ans, André et Christine pourraient reporter leur nécessité financière de vendre le triplex de 75 ans à 90 ans », estime Louis Morneau.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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