Hugo Roy et Marianne Tremblay sont les parents de 10 enfants, qui ont de 11 mois à 19 ans. Les défis de gestion budgétaire et familiale ne manquent pas. Le plus récent : leur maison semble avoir rétréci.

Leur maison semble plus petite. C’est plutôt la famille qui s’agrandit, en nombre et en taille. Hugo Roy et Marianne Tremblay sont les – heureux ! – parents de 10 enfants, âgés de 11 mois à 19 ans.

Hugo avait écrit à la rubrique Train de vie pour soumettre son dilemme : leur budget leur permet-il de déménager dans une maison plus vaste ?

Une première conversation téléphonique a suivi.

« Nous avons eu une fille, ensuite sept garçons en ligne, puis deux filles à la fin », énumère le papa.

Ce n’était pas un cas de planification de naissances nombreuses.

« C’est arrivé au jour le jour, explique-t-il. Initialement, on n’avait pas cette vision de 10 enfants, mais au fur et à mesure du temps, ça s’est ajouté. On n’en a pas fait de cas et on est bien heureux là-dedans. Dans la pandémie, on n’avait pas de problème : on était vraiment beaucoup de personnes à la maison. On ne s’est pas ennuyés du tout ! »

Les familles nombreuses sont plus nombreuses qu’on ne le croit. « Il y a de plus en plus de grosses familles, souligne-t-il. Mon garçon est en deuxième année et il y a une famille de 12 enfants dans sa classe. C’est la première fois que je me fais battre ! »

La famille habite un cottage en banlieue de Québec.

« C’est quand même une assez grosse maison pour une famille standard, normale. »

Pour une famille normale de, disons, six ou sept enfants.

Mais étant donné qu’on n’est pas standard, la maison se fait de plus en plus petite.

Hugo Roy

En effet, la maison ne compte que six chambres à coucher – les paramètres habituels explosent, avec une dizaine d’enfants.

« Les cinq derniers garçons sont dans la même chambre au-dessus du garage, une très grande pièce. »

Ce dortoir ou ce gymnase, selon le point de vue et les activités, mesure environ 14 pi sur 25 pi.

« Mais ça commence à être serré. On a des jeunes qui vont au secondaire, vous voyez le genre. »

On voit très bien.

Les cinq garçons qui dorment au-dessus du garage sont âgés de 4 à 12 ans.

Et dans ce garage, pour transporter le régiment, la famille gare sans doute un autobus ?

« Nous n’avons pas d’autobus, réplique Hugo. Nous nous déplaçons à deux voitures, soit une minifourgonnette de huit passagers et une voiture de cinq passagers. »

Une Honda Odyssey et une Toyota Corolla, précise-t-il.

Hugo et Marianne ne veulent surtout pas se poser en exemples. Mais leur aventure est aussi un condensé de saines pratiques de gestion budgétaire et familiale. Une famille qui compte davantage sur les valeurs humaines que boursières. D’où l’intérêt d’en apprendre davantage.

La famille

Marianne Tremblay, 42 ans
Hugo Roy, 50 ans
Simone, 11 mois ; Emma, 2 ans ; Joseph, 4 ans ; Victor, 6 ans ; Noah, 8 ans ; Mathias, 10 ans ; Raphaël, 12 ans ; Louis-Olivier, 15 ans ; Jean-Christophe, 17 ans ; Émilie, 19 ans

Un mode de vie à 12

PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

Marianne et Hugo aimeraient déménager dans une maison dans laquelle ils seraient moins à l’étroit avec leur 10 enfants.

De plus en plus grand

Une conversation téléphonique avec Marianne a suivi, un lundi après-midi, durant un court intermède de quiétude. C’est elle qui a appelé.

« La dernière dort [Simone, 11 mois], dit-elle. Les deux autres s’amusent [Emma, 2 ans, et Joseph, 4 ans]. Je ne sais pas combien j’ai de temps avant qu’ils me fassent une bêtise, mais pour l’instant, c’est le calme. »

Or, le calme dépend aussi d’un minimum d’espace vital.

« L’espace dans la maison, c’est un enjeu qu’on a vécu à quelques reprises, relate-t-elle. Dans notre première maison, on a eu trois enfants. Après ça, c’était plein, il a fallu déménager. On a acheté plus grand, on a eu jusqu’à huit enfants là-bas, puis ça ne rentrait plus. »

Ils habitaient alors à Brossard. L’occasion de déménager à Québec s’est présentée.

« Quand on a emménagé ici, on avait huit enfants, donc l’espace était quand même correct. Finalement, il y en a deux autres qui se sont ajoutés. »

PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

Pour nourrir les 12 bouches qu’elle compte, la famille a dépensé 39 000 $ au cours des 12 derniers mois.

Le réfectoire

Dans la salle à manger, qui mériterait le nom de réfectoire, s’étire une table de 12 places.

Le budget nourriture est de la même envergure.

Au cours des 12 derniers mois, la famille a dépensé un effarant total de 39 000 $ en épicerie. Effarant en apparence seulement : l’épicerie leur coûte en moyenne 750 $ par semaine, un petit exploit de sobriété pour une famille de 12 personnes.

« On fait l’épicerie une fois par semaine, décrit Marianne. Toutes les semaines, on est chez Costco, c’est sûr et certain. Puis on va compléter à l’épicerie selon les rabais. »

Pour garder au frais cette cargaison, la famille possède un frigo dans la cuisine, un autre en soutien dans le garage, plus deux congélateurs.

« Et je pense m’en procurer un troisième », affirme-t-elle. « Ça se mange vite, alors j’essaie de cuisiner des petites choses que je mets dans le congélateur pour les semaines où il y a plus de rendez-vous, où j’ai moins le temps d’en faire. »

Les vêtements

Pour l’équivalent d’une équipe de football, les vêtements sont aussi un enjeu.

« Tout ce que je peux repasser, dit-elle, je le repasse. »

Nous ne parlons pas ici d’effacer les faux plis, mais bien de passer au cadet les vêtements devenus trop petits.

« Je refile ce que je peux refiler au suivant. »

Les vêtements neufs, lorsqu’ils sont indispensables, sont achetés en solde.

« On profite aussi de ceux qui ont des enfants plus vieux, qui peuvent nous donner des choses dont ils n’ont plus besoin. »

Au sein de la maisonnée, personne n’a encore déchiré sa chemise devant cette garde-robe à relais.

« Jamais un enfant ne m’a demandé pourquoi il mettait les choses de son frère ou pourquoi ce n’était pas toujours neuf. Ça a toujours été comme ça, même quand j’en avais trois. »

L’électronique

Tous les parents le savent, les appareils électroniques occupent une place prépondérante dans la vie des jeunes.

« On n’a pas les moyens d’acheter un cellulaire et de payer des forfaits à tout le monde, insiste la maman. Moi-même, j’ai eu un cellulaire à 40 ans. Je ne me vois pas en payer un à enfant de 10 ans. »

« Les cellulaires, quand ils sont rendus assez vieux pour travailler, ce sont eux qui se les payent. On ne paye aucun cellulaire aux enfants. Ce qui fait que ce sont les trois plus vieux qui en ont un en ce moment. »

C’est sûr que les enfants nous trouvent un petit peu injustes, parce qu’à l’école, même au primaire, la majorité a déjà des téléphones. Ils se sentent un peu à part, quelquefois. Mais bon, je pense qu’on n’est quand même pas les seuls dans cette situation-là. Et ce n’est pas seulement une question de nombre d’enfants, mais une question de valeurs. Je considère qu’à 8 ans, on n’a pas besoin d’un téléphone encore.

Marianne Tremblay

Les jeux électroniques et l’accès à l’internet sont restreints par une mesure stricte et universelle : le nombre d’appareils disponibles.

« On a un portable à la maison et j’ai une tablette. Parfois, les enfants vont pouvoir les prendre pour faire des petits jeux. On essaie de contrôler comme on peut le nombre d’heures qu’ils passent là-dessus par semaine. Sinon, on perd vite le contrôle. »

Les loisirs

Huit ou neuf vélos sont rangés dans le garage – Marianne n’est pas sûre du compte. « Mon mari en a un, moi, j’ai pris celui de mon garçon qui a changé le sien. Je ne m’en suis jamais acheté à moi. »

Tous les enfants en âge de pédaler sont bien en selle.

Ils sont suffisamment nombreux pour former leur propre équipe de hockey, ce qui est précisément la raison pour laquelle ils n’ont jamais joué dans une ligue organisée.

« Pendant quelques étés, là, les trois plus vieux ont joué au soccer, raconte Marianne. Puis on a déménagé, il y a eu la pandémie, ce qui fait que tout s’est arrêté tout seul. On n’a jamais fait de hockey et personne n’a fait partie d’un club ou pratiqué un sport vraiment… intense. Mais à l’école, ils ont toujours profité des activités parascolaires. C’est ce qui nous aide à leur permettre de faire du sport. »

Les vacances

Pour un voyage en Europe ou à Disney World, la famille occuperait à elle seule quatre rangées de trois sièges dans l’avion.

« À Noël, avec les cadeaux des grands-parents, on va miser plus sur une activité au lieu d’un jouet qui, dans le fond, ne servira peut-être pas tant que ça, indique Marianne. Avec les sous que les grands-parents ou les parrains et marraines vont donner, on va se payer une sortie en famille, aller faire une activité comme au Village des sports. Ça, c’est quelque chose de gagnant avec les enfants, l’hiver. »

Pour les vacances, nous avons trouvé le format qui est aimé par tous, soit d’aller à un chalet en famille et qui a tout inclus : spa, lac, table de billard, etc. Nous avons trouvé l’endroit avec des chalets en bois rond qui nous offre cette possibilité.

Hugo Roy

Le temps n’est pas de l’argent

Quel est le plus grand défi, pour la mère de 10 enfants ?

« C’est le temps », répond-elle. « Souvent, le temps manque dans une journée pour être toujours disponible pour tout le monde. Quelquefois, c’est sûr qu’on se couche un peu fatiguée. »

Aucun misérabilisme, toutefois, ni dans le ton ni dans le propos.

« On trouve des trucs là-dedans aussi, précise-t-elle aussitôt. On essaie de mettre un peu tout le monde à contribution. Un soir qu’on est plus occupés, ça peut être un plus vieux qui va lire l’histoire à un plus jeune. »

Des choix assumés

Chez les Roy-Tremblay, l’argent demeure en filigrane, mais ne suscite ni inquiétude ni regret.

« C’est sûr qu’il faut y penser, reconnaît la maman. Le budget n’est pas illimité, mais on n’a jamais manqué d’argent non plus. On a quand même toujours bien vécu, pour le nombre d’enfants qu’on a. »

« C’est une question de choix, aussi, ajoute-t-elle. On ne va pas en voyage dans le Sud. On ne passe pas nos semaines au restaurant. Mais ce sont des choix dans lesquels on est bien. »

Un souffle, un gémissement, un appel peut-être, se fait entendre en arrière-plan.

« C’est Emma et Joseph. Je m’étais cachée dans l’escalier du sous-sol, mais ils m’ont trouvée. »

L’intermède est terminé. La vie reprend sa course.

Vous vous inquiétez : non, ils n’auront plus d’autres enfants. La famille est close.

Lisez « Train de vie : peut-on se permettre une plus grande maison ? »