À 70 ans, Nicole* travaille toujours à temps plein. Pourrait-elle arrêter sans être obligée de vendre sa petite maison avec vue sur le fleuve ?

La situation

À partir du moment où son deuxième enfant a atteint l’âge de 3 ans, Nicole est retournée à son poste de secrétaire qu’elle n’a jamais plus quitté. Depuis 1983, elle travaille à temps plein et profite de quatre semaines de vacances par année.

« Je pète le feu et je ne prends pas de médicaments, raconte-t-elle au téléphone. J’entretiens ma maison moi-même, mais on ne sait jamais… Je veux prévoir le jour où je ne serai plus en mesure de le faire. »

Quand elle songe à la retraite, Nicole se désillusionne. Ses maigres épargnes suffiront-elles à faire en sorte qu’elle puisse continuer de voir le soleil se lever sur le fleuve ? « Peut-être que la planificatrice a des trucs à me suggérer, lance-t-elle, peut-être qu’elle saura trouver une solution pour que je puisse garder ma maison. »

« Dans le privé, on n’a pas de fonds de retraite, poursuit-elle. J’ai une belle-sœur qui était secrétaire dans le réseau public. Elle a arrêté à 55 ans et fait le tour du monde. J’ai toujours su qu’il fallait que je change d’employeur, mais quand tu aimes ce que tu fais… »

Plutôt que de s’enfoncer dans les regrets, Nicole relève ses manches et travaille encore. Elle arrive à mettre de côté 400 $ par mois qu’elle utilise pour se faire plaisir, sauf les années où elle doit changer une fenêtre ou réparer le toit.

« C’est parce que je travaille que je peux faire ça. Mais si j’arrête de travailler, qu’est-ce qui va se passer ? Combien de temps vais-je pouvoir garder la maison ? »

Nicole envisage aussi la possibilité de passer de cinq à trois ou deux jours de travail par semaine. Elle loue également sa maison l’été sur Airbnb à 275 $ par nuit. L’an dernier, elle a fait 3000 $. Or la location engendre des dépenses et des taxes à payer. Sa fille l’accueille chez elle durant les jours où des touristes profitent de la maison avec vue sur le fleuve.

Pourrait-elle utiliser l’hypothèque inversée pour conserver sa maison ? demande-t-elle.

« C’est vraiment beau, où j’habite. Je suis de Montréal et il n’y a pas une journée que je ne suis pas émue devant le fleuve. »

Les chiffres

Nicole, 70 ans

Salaire : 37 000 $

Pensions fédérale et provinciale : 18 220 $

REER : 50 000 $

CELI : 4200 $

Hypothèque : 83 000 $

Valeur de la maison : 275 000 $

Revenus de location de la maison : 3000 $

Frais fixes : 1075 $/mois (électricité-hypothèque-assurances-taxes)

Les conseils

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Chantal Matos, planificatrice financière et gestionnaire de placements agréée

Chantal Matos, planificatrice financière et gestionnaire de placements agréée, a analysé les finances de Nicole.

Premier constat : la septuagénaire connaît ses frais fixes, mais ces dépenses qui reviennent inéluctablement tous les mois ne sont qu’un aperçu de son coût de vie réel.

La planificatrice, qui a l’habitude de décortiquer les finances personnelles, a donc établi le coût de vie de Nicole par déduction. « Les frais fixes sont de 1075 $ par mois. Cependant, c’est le reste qui est important. Il faut déterminer dans quoi elle dépense avec le surplus annuel de 4800 $ qu’elle réussit à obtenir en travaillant et en louant sa maison. »

Nicole semble allouer 1475 $ à la nourriture, aux vêtements, au coiffeur, aux sorties, aux déplacements et aux cadeaux, observe la planificatrice.

Actuellement, elle gagne 37 000 $ pour son travail de secrétaire, plus les pensions des deux gouvernements de 18 200 $. Le total de ses revenus s’élève à 55 200 $ brut et à 40 000 $ net.

« Je calcule donc qu’elle a besoin de 30 000 $ net pour vivre si elle garde le même train de vie sans le surplus annuel. »

Selon la planificatrice, Nicole doit absolument revoir son budget en détail afin de vérifier si elle dépense bel et bien 30 000 $ net par année.

Deux options

Si Nicole veut vraiment arrêter de travailler, la première option est de retirer 16 000 $ de FERR par année. Combinés avec les pensions des gouvernements qui s’élèvent à 18 200 $, ils lui fourniront des revenus bruts de 34 200 $.

« J’ai utilisé un logiciel d’impôts pour calculer les sommes qu’elle aurait à payer, explique Chantal Matos. Elle a droit à plusieurs crédits d’impôt, dont celui de TPS du fédéral, celui pour solidarité du provincial et le crédit d’impôt pour prolongation de carrière aussi du provincial. »

Le crédit d’impôt pour prolongation de carrière est destiné aux travailleurs âgés de 60 ans et plus. En ayant des revenus sous les 36 590 $, Nicole aura droit à la somme maximale de 1650 $. Les Québécois âgés de 60 à 65 ans peuvent obtenir jusqu’à 1500 $ et ceux de plus de 65 ans, 1650 $.

Le revenu maximal pour avoir droit au crédit d’impôt pour solidarité est de 58 527 $ et le montant maximal de revenu pour celui de la TPS est de 49 166 $.

Actuellement, avec ses 55 000 $ de revenus bruts, Nicole ne peut pas obtenir ces crédits d’impôt.

L’an prochain, elle aura accès au crédit d’impôt pour soutien aux aînés qui a augmenté, indique la planificatrice. En ayant des revenus de 34 000 $, elle irait chercher 1500 $ de crédit remboursable.

En résumé, si Nicole fait 34 000 $ brut, elle aura 32 000 $ net. Mais après quatre ans, elle devra malheureusement vendre sa maison, annonce Chantal Matos.

En supposant qu’elle la vend 275 000 $, qu’elle paie l’hypothèque restante de 50 000 $, il lui restera 225 000 $. Elle pourra alors décaisser annuellement 15 000 $ jusqu’à 95 ans et plus.

Elle aurait encore 30 000 $ de revenu.

Il faudra cependant qu’elle refasse son budget en vérifiant le coût d’un loyer dans sa région. Elle n’aura plus de taxes à payer, mais le loyer coûtera sûrement plus cher que son hypothèque actuelle.

La deuxième option, c’est de continuer à travailler, mais moins, afin de conserver sa maison plus longtemps. « Elle pourrait aller chercher un revenu annuel de 13 000 $ en travaillant deux jours par semaine, suggère Chantal Matos. Elle décaisse le minimum de FERR annuel obligatoire de 3000 $, on ajoute les pensions de 18 200 $ et on arrive à 34 000 $. »

« On arrive aux mêmes chiffres pour aller chercher tous les crédits d’impôt, précise la planificatrice. Si elle travaille et qu’elle gagne 13 000 $, elle garde son crédit prolongation de carrière, ce qui est fort intéressant. »

« C’est sûr que le jour où elle arrête de travailler, on revient au même scénario. On n’a pas le choix de vendre la maison », avertit la planificatrice.

Et l’hypothèque inversée ?

« Dans son cas, ce n’est pas une bonne option, affirme Chantal Matos. Elle pourrait être financée pour un maximum de 55 % de la valeur de la propriété. On parle de 151 250 $ moins l’hypothèque de 83 000 $. Ensuite, il y aura des frais, notamment de notaire. Pour libérer 70 000 $, ça ne vaut pas la peine. »

Devrait-elle louer sa maison afin d’atteindre les 13 000 $ de revenus dont elle a besoin ? Il faudrait qu’elle habite ailleurs et qu’elle ait envie de laver des draps et de faire du ménage plusieurs fois par semaine.

Selon Chantal Matos, la première étape pour Nicole est de vérifier si 30 000 $ est le bon coût de vie. Si c’est le cas, la septuagénaire devra déterminer sa priorité : prendre sa retraite et vendre à regret sa maison ou continuer de travailler pour la garder.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.