Les gouvernants ont le don de rendre compliqué l’accès aux aides destinées aux plus démunis. On en a un exemple de plus avec le supplément unique au programme d’allocation canadienne pour le logement, une initiative récente du gouvernement fédéral.

Depuis le 1er décembre dernier, Ottawa offre 500 $ aux gens de 15 ans et plus qui consacrent plus de 30 % de leur revenu net à se loger. Ils doivent avoir gagné moins de 20 000 $ en 2021 pour une personne seule et moins de 35 000 $ pour une famille. Pour le loyer payé, l'année de référence est 2022.

Une façon de compenser les hausses salées de loyer, mais encore faut-il le savoir.

Non seulement, l’aide non imposable est méconnue, mais la date limite pour faire la demande est de plus fixée au 31 mars, soit bien avant que bien des gens rencontrent leur préparateur de déclarations de revenus, qui, lui, pourrait leur signaler l’existence de la mesure.

« Dès que la mesure a été adoptée, j’ai reçu des appels d’organismes d’aide en logement ici, à Longueuil, qui prévoyaient déjà que les gens auraient du mal, un, à avoir accès à l’information et, deux, à remplir la demande, dit le député bloquiste Denis Trudel, porte-parole sur les questions de logement. Il n’y a pas d’habitude chez les Québécois de faire des demandes au fédéral pour des aides au logement », fait-il remarquer.

Extension demandée

Le député de Longueuil-Saint-Hubert va écrire d’ici la fin de la semaine au ministre du Logement Ahmed Hussen pour demander une extension de trois mois à la date limite du 31 mars.

Pour le moment, le ministre ne semble pas vouloir bouger. « Comme il reste moins de six semaines pour faire une demande, nous encourageons les locataires à profiter de ce complément unique et à vérifier s’ils sont admissibles », a répondu par courriel son cabinet à l’idée de reporter la date butoir.

Pour obtenir le supplément, le contribuable doit faire une demande en ligne en allant à « mon dossier » ou encore au téléphone en joignant l’Agence de revenu du Canada.

Un professeur de fiscalité s’interroge sur le bien-fondé d’une échéance si rapprochée.

« Je suis d’avis que la période de demande aurait néanmoins pu être étendue jusqu’à la fin de la période de production de la déclaration de revenus afin que les préparateurs d’impôts et organismes d’aide (ex. ACEF) puissent donner l’information aux contribuables, dit Tommy Gagné-Dubé, professeur adjoint au département de fiscalité de l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke.

Il émet l’hypothèse que la date du 31 mars a été retenue parce qu’elle coïncidait avec la date de fin d’exercice financier du gouvernement du Canada.

La professeure en gestion politique de l’Université Carleton, Jennifer Robson, a cosigné une étude en septembre 2020 démontrant qu’entre 10 et 12 % des personnes en âge de travailler, souvent des gagne-petit, ne soumettaient pas de déclaration de revenus, faisant ainsi économiser au gouvernement fédéral 1,7 milliard de dollars en prestations non réclamées.