À la suite de la mort de son mari emporté par l’amiantose, Louise* se demande ce qu’elle devrait faire avec l’indemnisation qu’elle recevra.

La situation

Louise, 78 ans, vit en Abitibi-Témiscamingue depuis 50 ans. Depuis la mort de son mari, en avril dernier, elle a vendu sa maison pour déménager dans l’un des appartements du triplex de son fils.

« Je suis plus rassurée d’habiter dans le même immeuble que mon fils », raconte-t-elle au téléphone.

Les deux dernières années ont été éprouvantes pour Louise. Pendant la pandémie, Louis-Philippe* s’est mis à tousser. Une fois le diagnostic de COVID-19 éliminé, puis celui de pneumonie, le médecin lui a trouvé un cancer du poumon.

« Le médecin a tout de suite vu la présence d’amiantose, explique-t-elle, et il m’a conseillé de faire des démarches auprès de la CNESST. On n’aurait pas pensé à ça, si le médecin ne nous avait pas aiguillés. »

« Heureusement que mes quatre enfants étaient là pour m’aider, parce que c’était vraiment très compliqué. On a rencontré un pneumologue de la CNESST, ensuite un comité spécial, tout en combattant le cancer de mon mari. »

Finalement, Louis-Philippe a reçu une première indemnisation avant de mourir afin de payer ses médicaments, les frais funéraires et d’autres dépenses imprévues en lien avec sa situation.

Avant la mort de Louis-Philippe et la vente de la maison familiale, le couple n’avait que 31 000 $ de fonds enregistré de revenu de retraite (FERR). En avril prochain, Louise touchera une somme de 115 000 $.

« Je souhaite avoir vos conseils, car je ne sais pas quoi faire avec cet argent, confie-t-elle. En fait, j’ai une idée, mais je veux être certaine que je vais être correcte financièrement si je fais ce que j’ai en tête. »

Louise raconte que sa mère est morte à 89 ans et qu’elle a bien l’intention de la « battre » en vivant au moins jusqu’à 92 ans. Pour les prochaines années, elle prévoit habiter dans le logement de son fils qui lui coûte 1000 $ par mois, tout inclus, et ensuite déménager dans une résidence privée pour aînées (RPA) à 3500 $ par mois.

« Je pourrais peut-être y aller à 83 ans, évoque-t-elle, hésitante. C’est difficile de prévoir le moment. Je n’ai encore rien magasiné, mais je pense que c’est le prix dans ma région. »

Elle estime son coût de vie mensuel actuel à 2800 $, mais croit qu’il augmentera en vieillissant à cause des services dont elle aura besoin.

« Je voudrais donner de mon vivant 15 000 $ à chacun de mes quatre enfants, dévoile-t-elle. Avec l’inflation et le coût de la vie qui augmentent, je crois que ce serait un bon moment. Pensez-vous que je peux le faire sans compromettre ma sécurité financière ? »

Les chiffres

Louise*, 78 ans

Pension de la Sécurité de la vieillesse : 1395 $

Régie des rentes du Québec (RRQ) : 732 $

Rente du conjoint survivant : 572 $

Crédit de solidarité : 91,85 $

Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) : 31 000 $

Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 113 000 $

Placements non enregistrés : 226 700 $

Compte bancaire : 24 000 $

Coût de vie mensuel : 2800 $

L’analyse

Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Assante Capital Ltée Équipe Major, a élaboré quelques scénarios.

« Tout d’abord, avant de penser à faire des dons de son vivant, on doit vérifier si on est en mesure d’assurer notre indépendance financière, avertit le planificateur. Parce qu’on s’entend, ça fait beaucoup d’argent à donner d’un coup. Si on ne planifie pas bien ou pas de façon optimale, on arrive 10 ans plus tard et il manque des sous pour s’occuper de nous-mêmes. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Assante Capital Ltée Équipe Major

Antoine Chaume a vérifié un premier scénario de base. Louise continue avec le même rythme de vie, s’en va dans une résidence privée pour aînés à 92 ans et ne fait pas de don de son vivant. Avec des rendements de 3 %, un pourcentage recommandé par l’Institut québécois de planification financière (IQPF), elle aura encore dans son portefeuille 459 000 $ à l’âge de 96 ans.

Que se passe-t-il si Louise décide de faire un don dès maintenant de 60 000 $ divisé entre ses quatre enfants ? Toujours selon l’hypothèse qu’elle conserve le même coût de vie et qu’elle déménage dans une RPA à 92 ans ? Dans ce deuxième scénario, elle aurait encore 361 000 $ à l’âge de 96 ans, calcule Antoine Chaume.

Par contre, dans le troisième scénario où Louise décide d’aller dans une RPA dans cinq ans, à 83 ans, les choses se compliquent. Elle aura épuisé toutes ses économies à 95 ans, et ce, sans faire de dons à ses enfants de son vivant.

« Si elle veut atteindre ses objectifs successoraux de son vivant, elle doit repousser son entrée dans une RPA à 85 ans, estime Antoine Chaume. Je dirais même que plus elle reporte son déménagement dans une RPA, plus elle a de la flexibilité financière. Chacune des années où elle habite dans l’appartement de son fils lui permet d’économiser 30 000 $. C’est une très grosse somme. »

« Déménager dans une RPA à 3500 $ par mois, c’est un choix qui coûte cher et qui va presque doubler son coût de vie. Comme elle est en forme, je lui recommande de rester le plus longtemps possible chez elle. Si un jour elle a besoin d’aide à domicile, elle pourra en faire la demande auprès de son CLSC. »

Antoine Chaume conseille aussi à Louise d’avoir un mandat d’inaptitude et un testament à jour. Il lui suggère aussi, avant de faire des dons, de réfléchir à ses envies personnelles. Veut-elle voyager avec sa famille ? A-t-elle d’autres projets qu’elle pourrait se permettre de réaliser ?

Comment optimiser ses avoirs

Selon le planificateur, Louise devrait bâtir une stratégie de placements avec différents types de produits : un « bas de laine » encaissable en tout temps avec un compte d’épargne à intérêts élevés d’une banque virtuelle, des certificats de placement garanti (CPG) avec plusieurs échéances, un peu d’obligations sécuritaires, dont les taux ont augmenté récemment, et des placements liés aux marchés boursiers avec le capital garanti.

Pour ce qui est du décaissement des avoirs, Louise doit commencer par les FERR, car ils s’ajoutent à ses autres revenus lors de sa déclaration de revenus. Le planificateur suggère même de décaisser plus de FERR que son minimum annuel obligatoire de 1600 $ tout en s’assurant de rester sous les 46 000 $ de revenus. Si Louise décaisse les 31 000 $ en trois ans, par exemple, elle pourrait ensuite avoir droit à 200 $ net par mois non imposable de Supplément de revenu garanti (SRG).

« Il faut être prudent, parce qu’une mauvaise planification fiscale peut vouloir dire des pertes de programmes gouvernementaux importants », souligne le planificateur.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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