Dans l’infolettre L’argent et le bonheur, envoyée par courriel le mardi, notre journaliste Nicolas Bérubé offre des réflexions sur l’enrichissement, la psychologie des investisseurs, la prise de décisions financières. Ses textes sont repris ici le dimanche.

Je parle souvent des rendements des marchés boursiers dans cette rubrique. Cela a interpellé certains lecteurs, qui se demandent pourquoi leurs placements semblent être à la traîne.

« Je suis peut-être malchanceux, mais depuis que j’ai commencé à investir en 2018 dans des fonds communs de croissance assez standards, mon rendement annuel est d’environ 2 % après 5 ans, m’écrit Benjamin. À quel genre de rendement on peut s’attendre dans le futur ? »

Le message de Benjamin m’a fait faire un petit calcul : la Bourse de Toronto a connu des rendements annuels de 6,61 %, en incluant le réinvestissement des dividendes, depuis 2018. Du côté de la Bourse américaine, la croissance du S&P 500 a été de 9,33 % par an en moyenne au cours de la même période.

Alors pourquoi Benjamin, qui fait des versements hebdomadaires et investit avec un objectif de croissance, ne s’enrichit-il pas plus rapidement ?

Je crois que le moment est bien choisi pour parler des meilleures pratiques en matière d’investissement boursier.

Comme l’affirme le titre de cette rubrique, je ne détiens pas d’actions dans mon portefeuille. Pourtant, j’investis dans des milliers de sociétés cotées en Bourse et obtiens essentiellement les rendements des marchés.

Comment est-ce possible ? En achetant non pas des actions, mais des fonds négociés en Bourse (FNB).

Si chaque entreprise cotée en Bourse était un plat, les FNB seraient comme des buffets. Ces fonds contiennent les actions de centaines, voire de milliers d’entreprises. En achetant une unité de FNB, on devient automatiquement copropriétaire de ces entreprises.

Les FNB de loin les plus populaires sont les FNB indiciels, c’est-à-dire ceux qui rassemblent les actions d’un marché boursier donné. Au Canada, il s’agit des FNB qui reproduisent l’indice du S&P/TSX, qui représente les 250 plus grandes entreprises inscrites à la Bourse de Toronto.

Dans le monde, les plus grands FNB indiciels sont ceux qui reproduisent les 500 plus grandes entreprises qui s’échangent aux États-Unis, soit l’indice du S&P 500.

En achetant des FNB indiciels proposés par des entreprises comme RBC iShares, BMO ou Vanguard, pour ne nommer que les trois plus grands acteurs au pays, on peut donc avoir le marché boursier au complet – des milliers d’entreprises autour du monde – dans la paume de sa main.

Plusieurs critiques des FNB indiciels disent, à juste titre, qu’en possédant le marché, on ne peut pas battre les rendements du marché. Ils nous recommandent souvent d’investir dans des fonds communs de placement, aussi appelés fonds mutuels, dont le contenu est choisi à la pièce par un gestionnaire et son équipe – c’est ce qu’a fait Benjamin.

Essayer de battre les rendements du marché est une ambition louable. Malheureusement, la firme S&P Global a calculé qu’à long terme, moins d’un gestionnaire de fonds sur dix y parvient, et un gestionnaire qui fait bien dans une année n’est pas nécessairement le même qui fera bien l’année suivante.

Donc la croissance à long terme du marché a bel et bien lieu, mais la majorité des fonds ne la capture pas entièrement.

En plus de la difficulté de battre le marché, l’investissement actif vient généralement avec des frais de gestion élevés. Il n’est pas rare de payer 2 % de la taille de son portefeuille annuellement pour un portefeuille géré activement, ce qui comprend les frais de gestion et d’exploitation, les frais d’acquisition et les frais d’exploitation, notamment.

Dire adieu à 2 % de nos actifs tous les 12 mois produit un effet d’érosion important avec le temps. C’est un peu comme essayer de courir un marathon avec des bottes de ski aux pieds. Les FNB indiciels, eux, ont généralement des frais de gestion de 0,25 % ou moins.

Aussi, plusieurs gestionnaires disent que les fonds communs de placement sont moins risqués que les FNB, car ils sont moins volatils. Une étude de 2016 de la firme S&P Global a démontré que les portefeuilles gérés activement qui chutent le moins dans des tempêtes boursières sont tout simplement ceux où il y a le plus d’argent comptant. Bref, rien de bien magique sous le capot.

L’un des avantages les moins bien compris des FNB, c’est que « simplement » obtenir les rendements du marché ne fait pas de nous des investisseurs moyens : cela nous place dans le peloton de tête des meilleurs investisseurs du globe.

Depuis 50 ans, un portefeuille équilibré et diversifié composé à 60 % de FNB indiciels canadiens, américains et internationaux et à 40 % de FNB qui suivent des obligations gouvernementales a connu une croissance moyenne de 8,8 % par année.

Une somme de 1000 $ théoriquement investie de cette façon il y a 50 ans vaudrait 68 000 $ aujourd’hui.

Depuis 2018, Benjamin aurait fait 5,5 % de rendements annuels avec un tel portefeuille équilibré. Avec 20 % d’obligations au lieu de 40 %, donc un portefeuille plus axé sur la croissance, il aurait fait 7,5 % par année.

Au Canada, 13 % des placements sont détenus dans des FNB, alors que plus de 50 % le sont aux États-Unis. Pourquoi ? Parce que la compétition est plus forte aux États-Unis, et que les solutions à faibles coûts l’ont emporté. Ici, le marché moins dynamique ralentit cette transition.

Pourtant, la transition a lieu : en date de novembre, les FNB canadiens avaient vu des entrées d’argent totalisant 35 milliards en 2022, tandis que les fonds communs de placement avaient vu des sorties d’argent de 35 milliards, selon Banque Nationale Marchés financiers.

Je sens que plusieurs professionnels de la finance n’aiment pas ce qu’ils lisent dans ce texte, et brûlent de lancer Outlook afin de me souhaiter une bonne et heureuse année. Si c’est votre cas, laissez-moi vous rassurer : je ne recommande pas à la plupart des gens d’ouvrir un compte de courtage et d’acheter eux-mêmes des FNB.

Pourquoi ? Tout simplement parce que gérer soi-même de grosses sommes d’argent peut être intimidant et n’est pas au goût de tous. Et les mauvais comportements d’investisseur (vendre durant une tempête boursière, cesser d’investir le temps de « laisser passer la tempête », trop peu investir, etc.) peuvent nous faire perdre beaucoup plus que 2 % par année.

Heureusement, de plus en plus de professionnels choisissent d’offrir des FNB indiciels à leurs clients. Au lieu des 2 % habituels, ces derniers paient autour de 1 % en frais annuels, tout en profitant des services de planification financière et d’accompagnement.

Payer 1 % n’est pas idéal, mais c’est certainement mieux que d’en payer le double. C’est un pas dans la bonne direction.

« Les petits et les grands investisseurs devraient s’en tenir aux fonds indiciels à faible coût », a écrit Warren Buffett dans sa lettre à ses actionnaires de 2016.

Quand l’Oracle parle, j’écoute.

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