Parfois, on se fait un plan et, finalement, rien ne se passe comme prévu. C’est le cas de bon nombre de personnes près de la retraite en ce moment qui regardent avec désarroi la baisse de la valeur de leurs placements. Que faire ?

La situation

André* et sa femme, Nathalie*, ont 60 ans et ils pensent prendre leur retraite dans trois ou cinq ans. Leur plan semblait bien fonctionner, jusqu’à ce que le marché boursier parte en chute libre. Leur portefeuille a baissé de 10 % en 2022. Et cela ne semble pas terminé : le couple s’inquiète de l’inflation, des conflits mondiaux et de la récession qui se pointe. « La baisse des marchés remet en question notre projet de retraite, d’autant plus que l’on sait que les dernières corrections boursières ont pris beaucoup de temps avant de se résorber », s’inquiète André.

Les placements du couple sont tous sujets aux variations du marché boursier allant d’un risque modéré à élevé. André et Nathalie prévoient aussi investir annuellement dans les trois prochaines années 5000 $ chacun en régime enregistré d’épargne-retraite (REER), 5000 $ en compte d’épargne libre d’impôt (CELI) et 5000 $ en Fonds de solidarité FTQ non enregistré.

« Mais, selon certains experts, le taux directeur pourrait encore être haussé, ce qui pourrait permettre d’avoir des placements sécuritaires comme des certificats de placement garanti [CPG] en REER ou en CELI à 5 % ou de 5,5 % d’intérêt, indique André. Devrions-nous faire migrer une partie de notre argent vers ce type de placement ? Quelle serait la meilleure stratégie, considérant le temps qu’il nous reste avant notre retraite ? »

Les chiffres

André

Salaire annuel : 65 000 $
REER : 374 000 $
CELI : 41 500 $
Placements non enregistrés : 35 000 $ (Fonds de solidarité FTQ)
Compte d’épargne : 25 000 $
RRQ : 14 000 $ (estimation à 65 ans)

Nathalie

Salaire annuel : 70 000 $
REER : 360 000 $
CELI : 54 000 $
Placements non enregistrés : 34 000 $ (Fonds de solidarité FTQ)
Compte d’épargne : 25 000 $
RRQ : 14 000 $ (estimation à 65 ans)

Train de vie annuel du couple prévu à la retraite : entre 70 000 et 75 000 $

Le cycle des émotions

Lorsque les marchés sont à la baisse, il est tout à fait normal que certaines personnes vivent de l’inquiétude et que certaines puissent être tentées de prendre des décisions coûteuses en se laissant emporter par les émotions, d’après Julie Paquin, planificatrice financière et vice-présidente, gestion privée, chez Optimum Gestion de Placements inc.

Cette année met particulièrement à l’épreuve la tolérance au risque des investisseurs alors que les actions et les obligations sont en recul, ce qui est du jamais-vu depuis 1994. Ce n’est pas banal.

Julie Paquin, planificatrice financière et vice-présidente, gestion privée, chez Optimum Gestion de Placements inc

« Surtout que les années auparavant, les marchés avaient été en hausse de façon prolongée, ajoute-t-elle. C’est pour cette raison qu’il faut être bien accompagné par un conseiller qui va remettre les choses en perspective. »

Il est crucial d’abord de pouvoir se référer à un plan de retraite fait en considérant ses objectifs, son horizon de placement et sa tolérance au risque.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Julie Paquin, planificatrice financière et vice-présidente, gestion privée, chez Optimum Gestion de Placements inc.

« Il faut y rester fidèle malgré les périodes de turbulences, affirme Julie Paquin. C’est normal de vivre des baisses lorsqu’on investit dans les marchés boursiers et historiquement, elles ont toujours été suivies de hausses. »

Profiter de la hausse des marchés

Alors qu’André envisage de prendre de l’argent investi en actions pour acheter des CPG, Julie Paquin sonne l’alarme. « D’abord, en vendant des actions alors qu’elles sont au plus bas, André et sa conjointe encaisseraient leur perte et en plus, ils ne pourraient pas profiter pleinement de la reprise des marchés », explique-t-elle.

Elle donne l’exemple de 10 000 $ investis sur 20 ans (entre 2002 et 2022) dans l’indice boursier S&P 500. On parle d’un rendement annuel de 9,4 % pour atteindre 60 000 $. Si l’investisseur s’était découragé et qu’il avait sorti son argent temporairement et que cela lui aurait fait manquer les 20 meilleures journées en Bourse, son rendement aurait été de 2,51 %, pour atteindre un total d’environ 17 000 $.

Opter pour des placements au rendement intéressant

Même si le passé n’est pas garant de l’avenir, il est aussi intéressant de comparer les rendements sur le long terme des CPG avec ceux des obligations et des actions.

« Quelqu’un qui aurait placé il y a 22 ans 1000 $ dans un CPG de cinq ans et qui l’aurait constamment renouvelé à l’échéance aurait environ 1600 $ aujourd’hui, indique Julie Paquin. Un portefeuille équilibré aurait rapporté beaucoup plus parce que les actions et les obligations ont eu de meilleurs rendements à long terme. En date du 15 novembre dernier, on parle d’environ 1750 $ pour les obligations mondiales, 2500 $ pour les obligations canadiennes et un peu plus de 4000 $ pour les actions canadiennes et américaines », indique Julie Paquin.

La planificatrice financière précise qu’il est aussi important de regarder le rendement sur le long terme, soit cinq ans et plus. Elle a calculé qu’avec un portefeuille équilibré (50 % revenus fixes et 50 % croissance) qui a un rendement net de frais estimé à 4,6 % selon les normes de l’Institut québécois de planification financière, le couple atteint son objectif de retraite à 65 ans avec un coût de vie à 75 000 $. « Par contre, en modifiant le rendement du portefeuille pour les années à venir à 3 %, le couple n’aurait plus de fonds à 87 ans, précise-t-elle. Or, André a 50 % des chances d’être encore en vie à 89 ans et Nathalie, 50 % des chances d’être encore en vie à 91 ans. »

L’importance de prévoir des liquidités

Bien sûr, André est particulièrement inquiet parce qu’il prendra sa retraite dans les prochaines années. « Mais il ne sortira pas tout son argent d’un coup ! », s’exclame Julie Paquin.

Le couple doit donc simplement s’organiser pour avoir suffisamment de liquidités lorsqu’il en aura besoin. Déjà, il a un fonds d’urgence : André et Nathalie ont 25 000 $ chacun dans un compte d’épargne. « On recommande d’avoir l’équivalent de trois à six mois de dépenses comme fonds d’urgence, selon la situation des gens, affirme Julie Paquin. En ce moment, il est intéressant de mettre cet argent dans un compte d’épargne à intérêt élevé, et le reste devrait être investi dans leurs portefeuilles en prévision de leur retraite. »

Puis, ils peuvent prévoir les liquidités pour environ une année de retraite à la fois, indique la planificatrice financière. « Pour ces fonds, ils ont avantage à opter pour des placements sécuritaires et accessibles en tout temps, conseille-t-elle. Ainsi, je ne recommanderais pas les CPG parce qu’ils sont non remboursables. Ils pourraient par exemple opter pour des fonds de marché monétaire ou pour un compte épargne à intérêt élevé. »

Pour éviter de vendre des placements en baisse afin de planifier les liquidités requises pour leur coût de vie lors de leur première année de retraite, Julie Paquin conseille au couple de faire plutôt leurs prochaines cotisations REER et CELI avec cette stratégie en tête.

« Ainsi, leurs portefeuilles resteront investis et c’est important, puisque maintenir sa stratégie de placement beau temps mauvais temps est l’un des facteurs de succès en placement, indique-t-elle. Puis, ils seront positionnés au moment de la reprise des marchés. »

Pour faire les meilleurs choix sur le long terme, le couple a vraiment avantage à se faire faire un plan de décaissement détaillé par son conseiller. « C’est important, parce que les stratégies de décaissement ont un grand impact sur la longévité du capital, affirme Julie Paquin. La séquence des retraits est très importante. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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