Certains propriétaires doivent étirer leur période d’amortissement. Parfois à leur insu…

La hausse du taux directeur annoncé mercredi par la Banque du Canada vient exercer une pression supplémentaire sur de nombreux propriétaires. Beaucoup devront augmenter leurs paiements, allonger la période de remboursement ou les deux.

La bonne nouvelle ? LE pire est derrière nous et cela va rendre la planification budgétaire beaucoup plus simple dans la prochaine année, estime Chase Belair, cofondateur de Nesto, agence de courtage hypothécaire en ligne. « S’il y a d’autres augmentations [de la Banque du Canada], elles seront petites », prédit-il.

La mauvaise nouvelle ? Cette nouvelle hausse va avoir un impact significatif pour les propriétaires qui ont une hypothèque à taux variable. Plusieurs atteindront le taux de déclenchement, estime Chase Belair, ce qui veut dire que leurs paiements ne couvriront plus les intérêts de leur emprunt. Pour des propriétaires qui font des paiements fixes malgré leur taux variable, cela peut être surprenant et allonger de beaucoup la période de remboursement. Selon un calcul de Nesto, une personne ayant un solde hypothécaire de 100 000 $ amorti sur 25 ans (avec un taux de départ au taux préférentiel moins 1,05%) verra sa période d’amortissement allonger de 40 ans.

« C’est vraiment au niveau de l’amortissement que ça cause un gros souci quand on compare les deux », explique Serge Lessard, directeur des opérations de courtage chez Nesto, qui compare les paiements fixes aux paiements variables. Dans le premier cas, c’est la proportion consacrée aux intérêts qui explique qu’on allonge tant la période de remboursement. « On voit des amortissements qui pourraient atteindre même 60 ans, dit-il. Les gens ne s’y attendent pas. »

Selon le directeur des opérations de courtage de Nesto, les propriétaires qui font des paiements fixes ne réalisent pas cette situation. « C’est mal expliqué », dit Serge Lessard, qui estime qu’avoir un terme si long est une bien fâcheuse situation. Si tel est votre cas, il recommande de faire un bilan et, si possible, d’augmenter les paiements ou de faire un paiement forfaitaire pour réduire cette période et rembourser une partie du capital.

Une hypothèque de 40 ans

Les hypothèques aux termes si longs devraient être exceptionnelles et circonstancielles, estime aussi Dominic Claude, banquier privé chez Desjardins Gestion de patrimoine.

« Les 30 et 40 ans, dit-il, c’est pour des situations extrêmes. »

Dans de tels scénarios, il n’y a pas beaucoup de capital qui se rembourse les premières années.

Si on a des travaux à faire, que le toit coule et qu’on n’a pas beaucoup de liquidités, ça n’ira pas bien.

Dominic Claude, banquier privé chez Desjardins Gestion de patrimoine

Selon Dominic Claude, si cette nouvelle hausse vous met dans une situation très inconfortable, vous ne devez pas attendre le Nouvel An pour prendre cette résolution : il faut revoir votre budget, revoir vos priorités et, surtout, aller discuter avec votre conseiller.

« Même quelqu’un qui a signé à taux fixe il y a deux ou trois ans va avoir une mauvaise surprise au renouvellement », précise-t-il.

« On a été habitués à être choyés et à avoir de très petits taux d’intérêt, mais ça n’est pas demain que l’on va retourner à des taux à 2 % comme on en a vu. Les gens doivent s’adapter », soutient M. Claude.

Passer à un taux fixe ?

Bien que de passer à une hypothèque à taux fixe maintenant soit une option moins recommandée par les spécialistes, si l’incertitude est devenue intolérable, ça reste un scénario envisageable.

« Il est possible de prendre un taux fixe à très court terme », précise Serge Lessard, de Nesto. Le temps que la tempête passe et que le stress soit plus supportable.

John Fucale, vice-président sénior, relations courtiers chez Multi-Prêts Hypothèques, recommande aux propriétaires d’être bien accompagnés durant cette période trouble. « Peut-être pourrez-vous réaménager vos versements pour faire face plus efficacement à la hausse récente du taux directeur », dit-il.

Dans tous les cas, il déconseille d’agir « sous le coup de l’émotion ».

« Prenez une décision lucide, réfléchie et prenez quelques instants pour établir vos objectifs à long terme. Une hypothèque, dans la majorité des cas, est amortie sur 25 ans. Les paramètres reliés aux cycles de hausses et de baisses de taux ont le temps de changer durant cette période », indique M. Fucale.

C’est aussi ce que conseille Dominic Claude, de Desjardins Gestion de patrimoine. « Bien souvent, quand on s’assoit et qu’on refait le budget, qu’on va voir une personne externe, son conseiller, on est capable de voir l’ensemble des dépenses, dit-il. Dans la majorité des cas, on est capable de trouver de la place. »

En savoir plus
  • 35 %
    Au Canada, 35 % des ménages sont propriétaires avec un prêt hypothécaire, alors que 28 % sont propriétaires sans hypothèque. Les autres ménages (37 %) sont locataires.
    Source : Banque du Canada