Être propriétaire de sa demeure est un rêve pour de nombreuses personnes, et cela vient avec une foule d’avantages. À commencer par se sentir vraiment chez soi sans craindre d’être évincé de son logement. Mais cela vient aussi avec un prix à payer. Surtout lorsqu’on approche de la retraite et qu’on a accumulé seulement le nécessaire pour vivre de vieux jours confortables.

La situation

Stéphane* et sa conjointe Isabelle* ont tous deux 54 ans. Lorsqu’ils se sont rencontrés il y a 12 ans, ils ont décidé de quitter leur domaine précaire pour aller vers un travail plus régulier avec un régime de retraite qui allait leur assurer un certain confort financier. Ils ont toujours été locataires, mais après avoir été évincés deux fois de leur logement en 10 ans, ils commencent à en avoir marre.

« Ma mère est prête à nous vendre sa maison à Laval pour 425 000 $, ce qui, selon mes recherches, est en bas de la valeur marchande », affirme Stéphane.

De plus, un prêteur hypothécaire a dit au couple qu’il pouvait emprunter 500 000 $ sans problème. Mais, malgré leur train de vie « modeste », Stéphane se demande si sa conjointe et lui peuvent vraiment se permettre un tel achat. « S’il arrive un imprévu, aurons-nous les reins assez solides pour bien nous en sortir ? »

Il se demande aussi combien ils devraient mettre en mise de fonds. « Parce que si on décide de mettre 20 % du prix de vente pour éviter de payer l’assurance prêt de la Société canadienne d’hypothèques et de logement [SCHL], il ne nous restera plus beaucoup d’économies. »

Les chiffres

Stéphane

Âge : 54 ans
Salaire annuel :
60 000 $
CELI : 11 750 $ investis en actions et en certificats de placement garanti (CPG)
REER : 64 000 $ investis en actions et en fonds communs
Autre épargne : 52 800 $ investis en actions et en fonds communs
Dettes : 0 $

Isabelle

Âge : 54 ans
Salaire annuel : 46 500 $
CELI : 27 000 $ investis en fonds communs
REER : 55 200 $ investis en fonds communs et en CPG
Dettes : 0 $

Préserver la bonne entente familiale

Avoir la possibilité d’acheter une maison en dessous du prix marchand est un bon coup de pouce pour accéder à la propriété dans le marché montréalais. Mais Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers, s’inquiète d’abord d’un élément très humain : Stéphane a une sœur.

« Si la maison vaut 525 000 $, cela signifierait que la mère donnerait à Stéphane et sa conjointe un cadeau de 100 000 $, illustre Simon Préfontaine. Cela ne serait pas équitable pour la sœur, à moins que la mère lui donne une somme semblable. Si ce n’est pas possible, le couple pourrait envisager d’acheter la maison à sa juste valeur marchande pour protéger la bonne entente familiale. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers

Il faut aussi penser à ce qu’il adviendrait en cas de séparation du couple. « Disons qu’ils se séparent six mois après avoir acheté la maison sous la valeur marchande, qu’ils la vendent et qu’ils se séparent les profits moitié-moitié, Isabelle aura fait un bon coup d’argent sur le dos de la mère de Stéphane, indique le planificateur financier. Il est possible de rédiger des documents chez un notaire pour que le don de la maman revienne complètement à Stéphane en cas de séparation. »

Penser à la retraite

Pour savoir à quel point le couple peut envisager de vieux jours confortables avec ses avoirs actuels, Simon Préfontaine a réalisé une projection à la retraite. Il a tenu compte des économies du couple, de ce qu’il a accumulé à la Régie des rentes du Québec et dans ses régimes de retraite. Son analyse ne tient pas compte de la maison que Stéphane et Isabelle n’ont toujours pas achetée, ni de l’épargne future qu’ils pourraient faire. Résultat ? Stéphane et Isabelle ont suffisamment d’argent, mais ils n’ont pas de surplus s’ils prennent leur retraite à 65 ans.

« Avec 4 % de rendement par année, ce qui équivaut à un portefeuille équilibré, le couple aurait l’équivalent de 53 000 $ par année une fois l’impôt payé, précise le planificateur financier. Cela correspond à 69 % de leurs revenus actuels, alors que le gouvernement du Québec recommande de prévoir environ 70 % de ses revenus pour ses années à la retraite. »

Ainsi, si le couple puise dans ses régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) pour utiliser le régime d’accession à la propriété (RAP) — qui peut aller jusqu’à 35 000 $ par personne —, il aura besoin de rembourser non seulement le capital sorti, mais aussi le rendement qui aurait été réalisé si cet argent avait continué à profiter.

Qu’en est-il du compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP) ? « Le gouvernement fédéral n’a pas donné beaucoup de détails sur ce nouveau programme, excepté qu’on pourra y cotiser 8000 $ par année à partir de 2023 en vue de les investir dans une mise de fonds, précise Simon Préfontaine. Mais on ne pourra pas combiner RAP et CELIAPP. Donc, le CELIAPP leur donnerait probablement trop peu de liquidités alors qu’ils veulent acheter la maison bientôt. »

Au lieu de continuer d’épargner ces prochaines années, le couple pourrait aussi décider de vendre la maison après quelques années à la retraite pour avoir des liquidités.

« Une autre option possible serait de prendre plus tard un nouveau prêt hypothécaire sur la maison, indique Simon Préfontaine. Cela pourrait être intéressant pour eux puisque comme ils n’ont pas d’enfants, la question de l’héritage n’est pas très importante. Mais le marché immobilier n’est plus aussi bon qu’il l’était et pour pouvoir réhypothéquer, il faut que leur maison ait pris de la valeur marchande. »

Déterminer le montant de la mise de fonds

Comme le couple approche de la retraite et qu’il a besoin de son épargne pour ses vieux jours, Simon Préfontaine lui conseillerait donc de faire la plus petite mise de fonds possible sur la maison, soit 5 %.

« Stéphane et Isabelle devraient ainsi payer l’assurance prêt hypothécaire de la SCHL parce que leur mise de fonds serait de moins de 20 %, mais c’est plus avantageux dans leur cas de garder leur épargne pour la retraite qui continuera de faire du rendement, indique-t-il. Et leur maison, peu importe leur mise de fonds, prendra la même valeur au fil du temps. En plus, les taux d’intérêt des prêts hypothécaires peuvent être légèrement plus élevés lorsque les emprunteurs n’ont pas l’assurance de la SCHL. »

Une petite mise de fonds permettra aussi au couple d’assumer les nombreux frais liés à l’achat de la propriété, comme le notaire, le déménagement, l’aménagement de la maison, sans oublier les droits de mutation. « Il respirera mieux, affirme Simon Préfontaine, s’il se garde le plus d’argent possible. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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