Lorsqu’un couple souhaite cohabiter, il a plusieurs choix à faire. S’il achète une nouvelle maison pour s’établir, il devra décider ce qu’il adviendra des résidences de chacun. Faut-il les vendre, ou les garder au cas où la cohabitation ne soit pas aussi harmonieuse qu’on l’espère ?

La situation

Pascal*, 40 ans, et Brigitte*, 52 ans, forment un couple qui se voit pour le moment essentiellement les fins de semaine. Mais ils ont envie de cohabiter. Brigitte a une fille (19 ans) en garde partagée et Pascal a deux filles (12 et 14 ans), aussi en garde partagée. En allant habiter avec sa conjointe, il perdrait environ 400 $ par mois en prestations et allocations familiales jusqu’à ce que ses filles aient 18 ans.

Pascal et Brigitte ont chacun leur maison, mais ils ont l’intention d’en acheter une ensemble. Ils ont d’ailleurs une préapprobation pour un prêt hypothécaire de 600 000 $.

Ils envisagent différents scénarios, comme garder chacun leur maison, la louer et ainsi avoir la possibilité d’y retourner si jamais ils se séparent. Ils évaluent qu’ils pourraient obtenir environ 1800 $ par mois pour celle de Brigitte et 2200 $ par mois pour celle de Pascal, ce qui couvrirait amplement l’hypothèque et les autres frais. En plus, ils pourraient déduire des revenus de location différents frais de ces propriétés, notamment les intérêts des prêts hypothécaires. Éventuellement, s’ils ont besoin de liquidités, ils pourraient vendre une des propriétés, ou les deux.

Une autre option envisagée est que Pascal vende sa maison tout de suite — en cas de séparation, il pourrait garder la nouvelle et Brigitte retournerait vivre dans sa maison.

Chose certaine, le couple souhaite dès maintenant faire fructifier son argent. Brigitte et Pascal n’économisent pas en ce moment, mais ils ont la capacité de placer environ 300 $ chacun par mois. Ils souhaitent aussi laisser un héritage à leurs enfants, mais le plus important, c’est que Pascal puisse prendre sa retraite rapidement, soit d’ici 10 ou 15 ans.

« Je veux profiter de la vie avec ma blonde pendant que nous serons tous les deux en forme et pas trop brûlés par le travail », indique-t-il.

Les chiffres

Pascal, 40 ans

Salaire annuel : 106 000 $
Maison : valeur d’environ 450 000 $, avec un solde hypothécaire de 150 000 $
Régime de retraite : admissible à une retraite anticipée avec pension réduite en 2037 (à 55 ans)
Budget voyage : entre 7000 $ et 10 000 $ par année
Pas d’économies
Possibilité de recevoir un héritage à long terme

Brigitte, 52 ans

Salaire annuel : 118 000 $
Maison : valeur d’environ 325 000 $, avec un solde hypothécaire de 170 000 $
Régime de retraite : admissible à une pleine pension en 2026 (à 55 ans)
Budget voyage : entre 7000 $ et 10 000 $ par année
Pas d’économies
Possibilité de recevoir un héritage à long terme

Garder les deux maisons

Il y a énormément de scénarios possibles pour ce couple. Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services financiers, a des doutes sur l’option qu’il privilégie, soit de garder les deux maisons pour les louer et pouvoir y retourner si jamais la cohabitation n’est pas aussi harmonieuse que prévu.

« Si les maisons sont louées, elles auront des baux de 12 mois, donc ils ne pourront pas y retourner rapidement, indique-t-il. La plupart des gens vendent tout dans une situation du genre, cohabitent, puis si ça ne fonctionne pas, rachètent quelque chose. C’est plus simple. »

Il a tout de même fait la projection de retraite en considérant que le couple achète une nouvelle maison et que chacun garde la sienne et la loue. De plus, comme Pascal et Brigitte gagnent un revenu semblable, il a séparé les dépenses de la nouvelle maison moitié-moitié.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services financiers

Pour faire sa projection, Simon Préfontaine a pris le scénario selon lequel Pascal prend sa retraite anticipée avec pénalité en 2037, donc à 55 ans. Pour Brigitte, on suppose qu’elle la prend aussi à 55 ans, en 2026. Le planificateur financier a aussi pris en considération qu’ils commencent dès maintenant à épargner 300 $ par mois chacun en régime enregistré d’épargne-retraite (REER) et que le tout est placé dans un portefeuille équilibré. Il a aussi tenu compte des héritages que les deux pourraient avoir à long terme. Résultat ? Ils auront à deux l’équivalent chaque année de 92 000 $ en dollars d’aujourd’hui après impôts en suivant les recommandations sur l’espérance de vie de l’Institut québécois de planification financière (96 ans pour Brigitte et 94 pour Pascal).

« Pour prendre sa décision, le couple peut prendre ce scénario de base et changer différentes variables, comme l’âge de la retraite et la vente d’une maison, puis regarder l’impact », indique Simon Préfontaine.

Le prix à payer pour Pascal

Le planificateur financier souligne tout de même que si Pascal a la chance d’arrêter de travailler 10 ans avant sa pension normale, cela vient avec un prix à payer. S’il continuait à travailler jusqu’à 60 ans, il prendrait une retraite anticipée avec une rente non réduite. Le couple aurait alors environ 17 000 $ de plus par année après impôts, soit 109 000 $.

« C’est généralement entre 55 et 65 ans qu’on gagne le plus d’argent, donc en prenant une retraite anticipée, le couple sacrifierait ces années, affirme le planificateur financier. Puis, si le couple ne fonctionne pas et que Pascal souhaite retourner sur le marché du travail, il risque de ne pas retrouver à cet âge les mêmes conditions que s’il était resté en poste. Mais c’est dans 15 ans, donc il a le temps de voir comment les choses évoluent dans son couple. »

Puis, il faut considérer les 400 $ par mois de prestations et d’allocations familiales qu’il perdrait en habitant avec sa conjointe. « Pascal pourrait demander à son comptable de calculer chaque année ce qu’il recevrait de plus du gouvernement s’il habitait seul, indique Simon Préfontaine. Cela fluctuera lorsque sa fille aînée aura 18 ans. L’idée, c’est que le couple soit bien conscient de ce prix à payer pour Pascal. Ainsi, Brigitte et Pascal pourront en discuter et, au besoin, faire les ajustements nécessaires dans le partage de leurs dépenses. L’objectif est d’avoir le moins d’irritants possible, parce que l’argent est la première cause de séparation des couples. »

Vendre une maison ou les deux

Décider de vendre leurs maisons ou pas demeure toutefois une grande question à laquelle Pascal et Brigitte doivent réfléchir. Financièrement, si le couple s’en tient à un train de vie annuel de 92 000 $ en dollars d’aujourd’hui, il n’aurait pas besoin de les vendre.

« Pascal et Brigitte pourront profiter des revenus des loyers une fois que les hypothèques seront payées, mais ils ne profiteront pas du capital, indique Simon Préfontaine. Ce sont leurs enfants qui en profiteront grâce à l’héritage. »

Mais la grande question à se poser, c’est si le couple veut vraiment se lancer dans la location. « Je dis souvent à mes clients que c’est comme avoir un travail à temps partiel, affirme le planificateur financier. S’ils ont envie de faire ça, c’est correct. Mais sinon, ce sont des soucis à éviter. »

Par ailleurs, vendre les maisons leur donnerait plus de flexibilité sur le plan financier. « Ils pourraient faire ce qu’ils veulent avec ces sommes d’argent supplémentaires, précise Simon Préfontaine. C’est aussi plus facile de vendre sa maison lorsqu’on habite dedans, parce que personne ne s’occupe mieux d’une maison que son propriétaire. Mais on est loin d’être uniquement dans des questions financières. Ce couple doit vraiment prendre en considération le volet émotionnel afin d’être en paix avec sa décision. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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