Des parents ont déjà bouclé leurs achats en vue du retour à l’école, et d’autres profitent de la fin d’août pour cocher les éléments de cette liste dont la note est nettement plus élevée cette année, portée par l’inflation des derniers mois.

Lorsque Éliane a fait son entrée à la maternelle, elle avait un sac à dos tout neuf. Rose. Choisi avec soin pour qu’il grandisse avec elle. Sa maman a questionné le style, mais la petite était sûre de son choix et l’assume pleinement depuis. Car quatre ans plus tard, c’est toujours celui qu’Éliane va porter pour sa rentrée, en quatrième année.

Dès le début de la scolarité de sa fille, Marjorie Simard a décidé de faire des choix bien avisés au moment de magasiner ses fournitures scolaires. Son but : les conserver longtemps, même si cela demande plus d’efforts. « Des fois, la solution de facilité n’est pas celle qu’on croit », dit cette orthopédagogue, qui connaît bien le milieu scolaire.

Sa stratégie a été payante : avec le chèque de 108 $, le supplément pour l’achat de fournitures scolaires versé par Québec, Marjorie est arrivée à respecter son budget cette année, malgré l’inflation. En plus du sac à dos (fait au Québec, garanti à vie), elle choisit les reliures à attaches (duo-tangs) les plus durables qui reviennent d’une année à l’autre, des étiquettes d’identification qui collent sur tout et des contenants pour la boîte à lunch à l’épreuve des années. « Oui, ça coûte plus cher à l’achat, mais si tu calcules sur les années, ça devient une économie », estime Marjorie Simard.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Marjorie Simard et sa fille Éliane

Hausse appréciable

L’inflation exerce une pression énorme sur la rentrée cette année. Malgré cela, il n’y a pas que Marjorie Simard qui mise sur la qualité.

À la papeterie Zoubris, véritable institution de l’avenue du Parc, à Montréal, le propriétaire Jimmy Zoubris ne vend que cela, de la qualité. Ceux qui veulent des fournitures scolaires à 1 $ sont gentiment redirigés quelques portes plus loin par le propriétaire, au magasin au rabais.

De toute évidence, peu le font, car la clientèle revient. Mais cette année, cet homme qui est tombé dans la papeterie il y a 40 ans, à l’ouverture du commerce par son père, voit une différence. Les parents sont préoccupés. Jimmy Zoubris évalue la hausse des prix des effets scolaires bien au-delà de l’inflation. Globalement, la liste scolaire coûte de 15 % à 20 % de plus, comparativement à l’année dernière.

Comment les parents font-ils pour arriver alors ?

« Ils récupèrent de plus en plus », explique le commerçant qui, preuve à l’appui, nous montre des listes où des articles ont été biffés, car les parents peuvent reprendre ce que leurs enfants ont déjà. Jimmy Zoubris admet aussi que les jolis cahiers français, de grande qualité, mais plus chers, sont moins populaires qu’avant.

Un peu plus à l’est, coin Beaubien et Saint-Vallier, Gaëtane Daigneault dresse le même constat à la papeterie Le Plateau, maintenant membre de l’enseigne Hamster. Sa clientèle doit essuyer une sérieuse hausse des coûts, particulièrement pour les articles de papier. Mme Daigneault travaille en papeterie depuis une trentaine d’années. Elle n’en est pas à sa première tempête, mais cette fois, la hausse est particulièrement importante. Selon elle, la liste d’achats complète, qui comprend le sac à dos, le sac à lunch et les étuis, peut grimper jusqu’à 250 $ ou 300 $. Selon son estimation, c’est pratiquement le double de la facture de la même liste il y a deux ans.

Gaëtane Daigneault note aussi que les parents ont attendu plus longtemps cette année qu’à l’habitude, si bien qu’elle estimait au milieu de la semaine dernière que plus des trois quarts de sa clientèle n’avaient pas fait leurs achats de fournitures de base.

Préparer la rentrée 2023

Pour pouvoir absorber cette dépense quand on vit avec des ressources limitées, il n’y a pas de solution miracle : il faut prévoir le coût.

Une fois les achats pour la rentrée 2022 effectués, Johanne Le Blanc, d’Option consommateurs, conseille de bien évaluer le coût total que cela a représenté.

Si vous savez qu’il y a d’autres dépenses liées à l’école à venir, calculez-les aussi. Les sorties, par exemple. Et cela, pour chacun des enfants.

Il faut ensuite diviser la somme par 12 et en faire l’épargne mensuellement — ou à chacune des paies.

La rentrée, c’est prévisible. Comme Noël. Il faut anticiper ces dépenses-là.

Johanne Le Blanc, Option consommateurs

Stéphanie Paquin, conseillère budgétaire de l’ACEF du Nord, à Montréal, conseille aux parents de créer un compte d’épargne à part. Celui-ci englobera toutes les dépenses liées aux enfants, et il sera aussi possible d’aller y puiser pour payer les nouvelles espadrilles en novembre — qui elles aussi coûteront plus cher. Un tel compte permet de mieux évaluer les dépenses et de faire des choix. « La rentrée, c’est un coup dur », admet Stéphanie Paquin, car plusieurs dépenses s’ajoutent aux effets scolaires de base, et la culpabilité parentale peut facilement s’activer au moment de faire des choix.

C’est très lourd sur le budget familial de dépenser 600 $ à l’automne pour absorber toutes les dépenses de la rentrée, note la conseillère. « Mais 50 $ par mois, c’est moins épeurant », dit Stéphanie Paquin, qui admet que l’exercice peut être fort difficile pour quelqu’un qui ne l’a jamais fait.

Et encore faut-il que la famille n’ait pas un problème de surendettement, qui la forcerait à payer à crédit les fournitures scolaires, à allonger le paiement et à payer beaucoup plus cher en fin de compte. Dans un tel scénario, la gestion des dettes est la priorité, rappelle Stéphanie Paquin.

Éducation à la consommation

Dans les centres de ressources d’aide à la planification budgétaire, on note une hausse et une diversification de la clientèle, pressée par l’inflation.

Stéphanie Paquin souhaite que les participants aux ateliers de l’ACEF soient plus nombreux cet automne, pour prévenir les problèmes de comportement avec l’argent et le crédit.

Jessica Laflamme, fondatrice de l’entreprise Faire plus avec moins, qui offre des outils de planification et des ateliers budgétaires, partage ce souhait. « On manque d’éducation à la consommation, dit-elle. Et la rentrée est une période vraiment intense. »

« C’est certain que les gens vivent un stress supplémentaire cette année, estime Jessica Laflamme. Si l’épicerie coûte 50 $ de plus par semaine, il faut trouver le moyen de la payer aussi. »

Chez Marjorie Simard, les emplettes de la rentrée sont prétexte à une éducation à la consommation. Éliane accompagne souvent sa mère à la pharmacie, du haut de ses 9 ans (et demi !). Elle comprend déjà qu’on doit faire des choix. Et que si on choisit un sac d’école rose, il sera là pour longtemps !

Comment s’en tirer à bon prix ?

Acheter en gros

Certains articles reviennent d’une année à l’autre. Les feuilles mobiles, par exemple. Marjorie Simard prévoit toujours une petite réserve de ces fournitures et les achète tout au long de l’année, dès qu’un prix est particulièrement bon. « Ça évite de devoir prendre la voiture un soir, à la dernière minute, parce qu’il manque un duo-tang », dit-elle.

Ne pas bouder les objets perdus

Conseil tout simple, mais qui n’est pas souvent suivi, dit Marjorie Simard, étonnée de voir la quantité d’objets non récupérés dans les écoles qu’elle visite comme orthopédagogue.

Économiser en échangeant

C’est une excellente façon d’apporter de la nouveauté sans dépenser un sou, dit Jessica Laflamme. La fondatrice de Faire plus avec moins suggère d’en parler avec les collègues, les amis, la famille, car beaucoup de parents ont de magnifiques boîtes à lunch qui ne demandent qu’à avoir une deuxième vie. Le conseil tient aussi pour les vêtements.

Découvrir les ressources communautaires

« Même des gens de la classe moyenne peinent à arriver présentement », dit Johanne Le Blanc, conseillère budgétaire chez Option consommateurs, qui dirige une partie de la clientèle vers des services communautaires, que beaucoup découvrent. Les banques alimentaires, par exemple. Le numéro 211 permet de découvrir les ressources offertes, et selon quels critères. Des organismes procèdent actuellement à la distribution de sacs à dos et d’effets scolaires. Même là, la rentrée 2022 est difficile. Jeunesse au Soleil a annoncé la semaine dernière manquer de ressources pour répondre à la demande.

Épargner où c’est possible

Les dépenses de la rentrée sont obligatoires, pas les sorties. Johanne Le Blanc, d'Option consommateurs, conseille d’explorer les activités gratuites de la ville ou du quartier cet automne. Il y en a beaucoup et ceux qui ne l’ont jamais fait seront surpris de l’offre. Pour les enfants, le cinéma en plein air en cette fin d’été ou le pique-nique sont des sorties qui en valent bien d’autres dont la facture serait beaucoup plus élevée, dit-elle.

Et maintenant… les lunchs !

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @MISS.ECONOME

Marilyne Gagné

Parce qu’une fois les achats de la rentrée terminés débute le bal des lunchs. Marilyne Gagné court les rabais dans les grandes chaînes et présente des capsules pour préparer des repas à petit prix. Le compte Instagram Miss Économe est simple, complètement déculpabilisant et franchement très sympathique — la boîte de thon y est bienvenue ! « J’ai commencé ça parce que j’étais endettée », confie Marilyne Gagné qui a rencontré une planificatrice pour se rendre compte qu’elle pouvait faire beaucoup mieux avec les finances familiales. « Je veux bien manger, mais pas cher », dit-elle. Résultat : sa première épicerie réfléchie lui a fait épargner 66 $. Une telle somme économisée chaque semaine sur une année, faites le calcul ! Depuis, elle partage ses trucs et a fait de Miss Économe sa carrière. On a particulièrement aimé la capsule où elle fait sa première pâte à pizza sans répétition, réussit et prouve ainsi que c’est facile de faire des économies sans sacrifier la saveur. Ni le plaisir !

Consultez le compte @miss.econome sur Instagram