Est-ce possible qu’un jour des applications d’intelligence artificielle (IA) et d’apprentissage automatique (AA) permettent aux particuliers d’obtenir le meilleur rendement possible de leurs épargnes, et ce, sans égard à la taille de leur portefeuille ?

La réponse est oui, mais il n’y a pas de temps à perdre, croit Claude Perron, président émérite de Gestion Cristallin. « Sans intelligence artificielle pour appuyer nos processus de gestion, nous serons rapidement dépassés », dit-il. Les périodes de forte volatilité sur les marchés financiers, telle celle que nous traversons actuellement, rappellent sûrement à tous les épargnants-investisseurs comment ils sont vulnérables devant la complexité de l’investissement efficient.

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Claude Perron, président émérite de Gestion Cristallin

L’intelligence artificielle fait maintenant partie du décor dans la plupart des secteurs économiques, et le Québec y joue un rôle prépondérant dans son développement. Mais pas en finance, et certainement pas dans la gestion d’actifs.

Le développement d’outils d’intelligence artificielle est devenu un créneau qui fait de Montréal un leader mondial. Mais ses grands acteurs, tels MILA, IVADO and Scale AI, ont une approche généraliste où la finance, et principalement la gestion d’actifs, occupe jusqu’à maintenant peu de place.

Selon une récente enquête du CFA Institute, seulement 10 % des gestionnaires de portefeuilles utilisent l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique dans leurs processus de gestion.

Création d’un laboratoire

Mais cela pourrait changer. Un groupe dont la mission est de doter Montréal d’un laboratoire (Finance Innovation & Risk Management (FIRM) Labs) où l’on développera des outils d’intelligence artificielle spécifiquement adaptés à la gestion d’actifs a vu le jour au début de l’année 2021, après deux ans de préparation.

Claude Perron, qui avait mis sur pied il y a quelques années le FIAMtl (Forum de l’investissement alternatif de Montréal), et Ruslan Goyenko, professeur associé de finance à la faculté de gestion Desautels de l’Université McGill et professeur invité à la Yale School of Finance, sont les instigateurs de l’initiative dont l’objectif est d’abord de créer un laboratoire de recherche générique dont les résultats pourront être distribués publiquement. Le professeur Goyenko est le directeur scientifique du FIRM Labs, et il a été l’artisan du processus de préparation.

« Permettre à tous l’accès aux meilleures ressources pour faire fructifier leurs épargnes est certes un enjeu de société, mais cela ne sera réalisable que dans la mesure où existeront les conditions favorisant le déploiement du talent qui existe chez nous dans ce secteur pointu », dit Claude Perron.

Preuve de concept réussie

En mai 2021, 12 étudiants au doctorat ou à la maîtrise en informatique, en génie électrique, en finance et en économie parmi un groupe de 80 qui avaient postulé ont été sélectionnés pour participer à un programme de formation de six semaines où ils ont été exposés à des applications de recherche de pointe en IA/AA en finance axées principalement sur l’investissement et la gestion d’actifs.

Cinq d’entre eux ont été retenus afin de démontrer à l’industrie financière montréalaise jusqu’à quel point l’IA/AA pouvait aider les grands gestionnaires d’actifs à prendre de meilleures décisions quant à leur répartition d’actifs.

Ruslan Goyenko, professeur associé de finance à la faculté de gestion Desautels de l’Université McGill

Une preuve de concept a été réalisée en collaboration avec les équipes en gestion de portefeuilles de Desjardins. « On voulait profiter de cette occasion pour se voir ouvrir de nouvelles avenues afin d’améliorer nos processus de gestion, considérant que l’un des buts principaux du projet était de faire des rapprochements entre le milieu universitaire et la pratique », explique Julien Béland, conseiller principal chez Desjardins. Les travaux du groupe du FIRM Labs ont permis d’ajouter 50 points centésimaux à leur indice de référence en répartition d’actifs, et ce, en tenant compte des contraintes de risque qui avaient été spécifiées. « La preuve de concept a été probante », dit Julien Béland.

L’IA chez EVOVEST

Nul ne doute que les grands acteurs dans la gestion d’actifs à Montréal, tels la Caisse de dépôt et placement, PSP, Fiera Capital et Desjardins, qui ont d’ailleurs tous participé à la « preuve de concept » du FIRM Labs, appliquent déjà les fruits de leur propre recherche en IA/AA à leur gestion.

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Carl Dussault, président d’EVOVEST

Certains plus petits gestionnaires le font aussi, et des fonds utilisant des outils d’intelligence artificielle seront éventuellement offerts au public. C’est le cas entre autres d’EVOVEST. « Nous utilisons l’intelligence artificielle, car elle nous permet d’identifier les meilleurs investissements potentiels grâce à sa capacité d’analyser une grande quantité d’information financière et macroéconomique », explique Carl Dussault, président de la firme qui a vu le jour en 2017. EVOVEST gère un portefeuille d’actions mondiales, et l’intelligence artificielle lui permet d’analyser 2500 entreprises chaque semaine.

Le fonds d’actions mondiales d’EVOVEST a maintenant trois ans d’existence, et les résultats parlent d’eux-mêmes. Entre le 31 janvier 2019 et le 31 mars 2022, le fonds a réalisé un rendement annualisé de 12,9 %, alors que le rendement de son indice de référence (l’indice mondial MSCI) a été de 8,3 %. EVOVEST prévoit prochainement la création d’un fonds négocié en Bourse qui reproduira son fonds d’actions mondiales.

Une version précédente de cet article parlait de la performance du fonds d'EVOVEST entre le 31 janvier 2019 et le 31 mars 2019, plutôt que le 31 mars 2022. Nos excuses.