Audrey*, 35 ans et cheffe d’une famille soloparentale, rêve d’acheter une de ces minimaisons qui grimpent en popularité depuis quelques années. Comment faire en sorte que ce projet voie le jour dans neuf ans ?

Les chiffres

Salaire : 51 500 $ (83,3 % du salaire brut jusqu’en avril 2023)
REER : 3000 $
CELI : 2000 $
REEE : 2300 $
Fonds de retraite : RREGOP
Dettes
RAP de 2012 : 8500 $
Prêt étudiant : 120 $ par mois jusqu’en 2025
Coût de vie mensuel : 2325 $
Droits de REER non utilisés : 35 516 $

La situation

« Malgré mes 35 ans bien sonnés, je n’ai que très peu d’épargne, écrit-elle par courriel. Je crois que j’ai environ 3000 $ de REER. »

Audrey a aussi un prêt étudiant à rembourser de 120 $ par mois jusqu’en 2025 et un RAP (régime d’accession à la propriété) de 8500 $.

La jeune femme sait qu’elle doit s’y prendre d’avance pour réussir à acheter sa minimaison. C’est ce qu’elle avait fait pour son autre projet, un voyage autour du monde avec son fils. Afin de financer l’aventure, elle a pris un congé différé d’avril 2018 à avril 2023.

Le grand voyage a commencé en juillet 2019, mais a dû prendre fin abruptement en mars 2020, raconte-t-elle. Prise au dépourvu, elle est donc retournée vivre chez sa mère en banlieue pendant plus d’un an et demi. Puis, en décembre dernier, elle a trouvé par miracle un appartement à Montréal à 1125 $ par mois.

« J’ai un garçon de 7 ans et nous avons un style de vie assez simpliste, soutient-elle. Je me déplace à vélo ou à pied 90 % du temps et en bus 10 % du temps. Je n’ai pas une grosse marge à la fin du mois. Quand je sais que de grosses folies dépensières approchent, je fais des heures supplémentaires. »

À titre d’adjointe de direction dans le réseau public, elle a atteint le dernier échelon salarial et gagne 51 500 $.

Audrey estime que la minimaison coûtera 125 000 $ si elle est sur une fondation ou 75 000 $ sur roues. Comme elle doit l’installer dans une municipalité qui le permet, elle vise un terrain à Sherbrooke dont le prix s’élèvera à environ 150 000 $.

« Nous ne connaissons personne à Sherbrooke, mais j’ai toujours été intéressée par cette ville qui semble vibrante pour les familles et pour les étudiants ainsi qu’un bon compromis pour la fille de ville que je suis, qui ne pourra jamais se payer une maison à Montréal. »

À 54 ans, Audrey aura 35 ans de service et pourra prendre sa retraite. Cependant, en quittant Montréal, elle devra trouver un nouvel employeur.

« Est-ce que le projet est réalisable dans neuf ans ? Si oui, que dois-je mettre en place pour y arriver ? »

L’analyse

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller expert en gestion de patrimoine pour la gestion privée de la Banque Laurentienne, a analysé en détail le projet de minimaison.

Tout d’abord, il y a le choix de la minimaison qui entraîne des conséquences sur le financement et le Code national de bâtiment du Québec. « Lorsque la superficie est moins de 700 pi2, les règles du Code ne s’appliquent pas, explique Pierre-Raphaël Comeau. Une minimaison plus grande doit respecter toutes les normes de sécurité pour l’électricité et la plomberie. »

Si Audrey choisit une minimaison sur roues, elle n’aura pas accès à une hypothèque, ni à un deuxième RAP avec des REER, ni au CELIAPP** (compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété).

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller expert en gestion de patrimoine pour la gestion privée de la Banque Laurentienne

« Certaines institutions financières acceptent d’offrir un prêt hypothécaire à un propriétaire de minimaison pourvu qu’elle soit construite sur un solage, soutient le planificateur. L’hypothèque est sur un bien immobilier qui sera encore là dans 50 ans. »

CELI, REEE et RAP

Rien ne sert de faire un plan agressif dans le but d’accumuler une mise de fonds, si Audrey n’a pas de fonds d’urgence. « Au premier coup dur, elle sera tentée d’utiliser ses cartes de crédit », affirme Pierre-Raphaël Comeau. En 2022, elle doit donc réussir à mettre de côté 200 $ par mois.

Pendant qu’elle a encore des revenus plus faibles, elle devrait également en profiter pour obtenir la Subvention canadienne pour l’épargne-études supplémentaire. En mettant 500 $ cette année dans le REEE, elle obtiendra un cadeau de 100 $ du gouvernement.

Mais il est surtout primordial qu’Audrey rembourse son RAP à raison de 567 $ par année, insiste le planificateur financier.

« Chaque fois qu’elle ne le rembourse pas, elle paie de l’impôt sur les 567 $ et, en plus, elle se prive de crédits d’impôt et d’allocations familiales. »

Stratégie

C’est en 2023 que le plan destiné au projet de minimaison pourra commencer lorsque Audrey retrouvera son salaire complet.

« Dans un monde parfait, il faudrait qu’elle épargne toute la différence en salaire, c’est-à-dire 600 $ pour le remboursement du RAP et 8000 $ dans un REER ou un CELIAPP afin de conserver son niveau actuel de programmes sociaux. »

Si ce défi est trop grand, Audrey pourrait viser 5200 $ par année, soit 200 $ par paie, placés à 3 %. Ainsi, en janvier 2029, elle aurait accumulé 42 200 $ pour sa mise de fonds, estime Pierre-Raphaël Comeau. Elle pourrait donc acheter la minimaison plus tôt que prévu, en ayant des paiements hypothécaires de 1500 $ par mois.

Économiser 200 $ par paie serait aussi un bon test, soulève le planificateur, car lorsqu’elle sera enfin propriétaire, Audrey aura une hypothèque plus élevée que son loyer actuel, en plus des autres frais (impôt foncier et taxe scolaire, entretien, etc.).

« Son plan de retraite repose uniquement sur son fonds de retraite RREGOP et les dernières années sont les plus payantes dans ce type de fonds. Si elle doit changer d’emploi en déménageant à Sherbrooke, elle doit privilégier un emploi qui lui permettra de conserver ce fonds de retraite », conseille M. Comeau.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.

** CELIAPP : Pour les Canadiens de 18 ans et plus qui n’ont pas été propriétaires lors des quatre années civiles précédentes.

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