Les conjoints Éric*, 33 ans, et Philippe*, 30 ans, envisagent l’achat d’un duplex ou d’un triplex en tant que propriétaires résidants afin de remplacer leur appartement en copropriété, qu’ils veulent revendre à profit après leurs rénovations menées au cours des dernières années.

La situation

Éric et Philippe s’interrogent sur la bonne préparation financière d’une telle transaction immobilière, mais sans compromettre leur planification financière et fiscale à moyen et long termes.

Selon leurs informations préliminaires sur le marché immobilier, Éric et Philippe anticipent aux environs de 900 000 $ le coût de l’achat d’un plex dans le quartier qu’ils habitent déjà.

Leurs revenus d’emploi bruts, qui totalisent 182 000 $, leur permettent d’entretenir un train de vie confortable tout en leur laissant une bonne capacité d’épargne.

Du côté de leur bilan, leur actif net total (excluant la valeur des régimes de retraite à prestations déterminées de leurs employeurs) se chiffre aux environs de 155 000 $.

De cette somme, environ 115 000 $ sont constitués de la valeur nette d’actif de leur copropriété résidentielle (valeur marchande estimée à 430 000 $ moins le solde de 316 000 $ du prêt hypothécaire), mais de seulement 40 000 $ en actifs financiers dans des comptes d’épargne enregistrés à avantages fiscaux (REER, CELI).

Éric et Philippe ont accumulé des sommes considérables en cotisations inutilisées dans leur REER et leur CELI respectifs (env. 215 000 $ en tout).

Dans ce contexte, Éric et Philippe cherchent conseil pour optimiser leur planification financière et fiscale, afin de pouvoir ensuite bien préparer la réalisation de leur projet de transaction immobilière.

Leur situation a été soumise pour analyse-conseil à Alexandre Beaulieu, qui est planificateur financier et conseiller en sécurité financière (rentes, assurances) à la firme DMA Gestion de patrimoine, à Brossard, en banlieue sud de Montréal.

Alexandre Beaulieu est aussi membre du conseil d’administration de l’Institut québécois de planification financière (IQPF).

Les chiffres

Philippe, 30 ans

Revenu d’emploi : 105 000 $

Actifs personnels :

  • REER : 6000 $ (après RAP/REER de 18 000 $, env. 27 000 $ en cotisations inutilisées)
  • CELI : 30 000 $ (env. 55 000 $ en cotisations inutilisées)
  • Compte d’épargne : 7000 $
  • Régime de retraite d’employeur à prestations déterminées : 70 % du salaire

Passif personnel : solde de prêt étudiant de 7000 $

Éric, 33 ans

Revenu d’emploi : 77 000 $

Actifs personnels :

  • REER : 0 $ (env. 67 000 $ en cotisations inutilisées)
  • CELI : 13 500 $ (70 000 $ en cotisations inutilisées)
  • Compte d’épargne : 7000 $
  • Régime de retraite d’employeur à prestations déterminées : 70 % du salaire

Passif personnel : solde de prêt étudiant de 15 000 $

Actif commun : appartement en copropriété : env. 430 000 $

Passif commun : solde de prêt hypothécaire : 316 000 $

Principaux débours annualisés : env. 63 000 $

  • liés à la résidence : 24 000 $
  • liés au style de vie : 25 000 $
  • liés à l’épargne et aux placements (cotisations REER, CELI) : env. 14 000 $

Les conseils

« La première étape d’une bonne préparation financière pour Éric et Philippe consiste à établir un budget réaliste de leurs flux de liquidités durant le processus d’achat du plex », signale d’emblée Alexandre Beaulieu.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Alexandre Beaulieu, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez DMA Gestion de patrimoine

Cette planification budgétaire devrait aussi être effectuée pour les lendemains de cette transaction immobilière, lorsqu’ils auront à gérer les dépenses additionnelles de financement et d’entretien de leur plex en fonction de leurs revenus nets d’emploi et de loyer.

Alexandre Beaulieu, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez DMA Gestion de patrimoine

En débutant par la planification budgétaire de l’achat d’un plex, prévu aux environs de 900 000 $, Alexandre Beaulieu signale deux facteurs qui pourraient nuire aux ambitions immobilières d’Éric et de Philippe.

D’abord, explique-t-il, « pour éviter d’ajouter les coûts d’assurance prêt hypothécaire, la mise de fonds [minimale de 20 %] pour l’achat du duplex devrait être de 180 000 $ ».

Or, constate M. Beaulieu, « ce scénario d’exemption de l’assurance prêt ne sera pas possible pour Éric et Philippe étant donné que le montant de leurs liquidités disponibles se situe autour de 172 000 $ » (en comptes CELI, en produit net de la vente du condo, en comptes d’épargne courants).

De plus, souligne Alexandre Beaulieu, « Philippe s’est déjà prévalu du programme d’accession à la propriété (RAP) en effectuant des retraits de son REER en franchise d’impôt temporaire » lors de l’achat de leur appartement en copropriété.

Par conséquent, pour l’achat d’un plex d’environ 900 000 $, Éric et Philippe devront planifier leurs liquidités pour une mise de fonds de 10 %, soit 90 000 $. S’ajouteront à cette somme les divers frais liés à une telle transaction immobilière : inspection professionnelle, notaire, droits de mutation (ou « taxe de bienvenue »), déménagement, etc.

Alexandre Beaulieu estime le total de ces débours « aux environs de 109 000 $ ». De plus, « Éric et Philippe devront prévoir l’ajout d’une vingtaine de milliers de dollars en frais d’assurance prêt hypothécaire sur le montant de leur emprunt ».

Un budget de plex ?

Quant à la planification budgétaire d’Éric et de Philippe pour les lendemains de leur transaction immobilière, Alexandre Beaulieu leur suggère quelques précautions à prendre pour réduire le risque de surtensions financières indésirables.

« Actuellement, Éric et Philippe déboursent environ 24 000 $ par an en frais de logement dans leur appartement en copropriété, en incluant les paiements hypothécaires », constate M. Beaulieu.

« Compte tenu du fait que l’achat d’un duplex ou d’un triplex occasionnera assurément des dépenses supplémentaires, je leur conseille de planifier un budget de coût net de logement [après les revenus de loyer] qui serait au double de son montant actuel, soit environ 50 000 $ par an. »

En parallèle de cette planification budgétaire, M. Beaulieu avise Éric et Philippe de prévoir que les futurs revenus nets de loyer de leur plex (après dépenses de gestion et d’entretien) s’ajouteront au revenu imposable de leur emploi respectif.

Aussi, parce que leur financement hypothécaire est à taux d’intérêt variable, « il serait important de prévoir de possibles hausses de frais d’intérêt dans leurs paiements hypothécaires ».

Autre précaution budgétaire : le maintien d’un bon fonds d’urgence en cas de dépenses imprévues.

En devenant propriétaires d’un plex résidentiel, avec les responsabilités de gestion qui viennent avec, il sera essentiel pour Éric et Philippe d’avoir un fonds d’urgence suffisant pour couvrir de trois à six mois de leurs dépenses mensuelles totales.

Alexandre Beaulieu, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez DMA Gestion de patrimoine

« Ce fonds d’urgence sera d’autant plus important pour Éric et Philippe parce que, le montant de leur emprunt hypothécaire étant à plus de 80 % de la valeur de leur plex, ils n’auront pas accès à une marge de crédit hypothécaire en cas de gros imprévus budgétaires. »

Et l’épargne-retraite ?

Quant aux préoccupations d’Éric et de Philippe sur le meilleur usage de leurs cotisations disponibles dans leurs comptes d’épargne enregistrés (CELI, REER), Alexandre Beaulieu leur suggère de reporter ce sujet après avoir réalisé leur transaction immobilière, et d’apprivoiser ensuite les importants changements à leur situation budgétaire à court terme.

« En matière de planification financière de la retraite, Éric et Philippe ont déjà l’avantage de participer à un régime de pension à prestations déterminées avec leur employeur. Ces régimes sont de plus en plus rares et ont une valeur actuarielle [prévision financière à long terme] très élevée », note M. Beaulieu.

Cela dit, cet atout de sécurité financière à long terme ne devrait pas dissuader Éric et Philippe d’épargner de façon autonome pour leur retraite.

« Comme ils sont au début de la trentaine, il n’est pas certain qu’ils resteront auprès de leurs employeurs actuels [et à régimes de retraite avantageux] jusqu’à l’âge de la retraite, dans une trentaine d’années. Dans ce contexte, continuer d’épargner à long terme pourrait leur procurer plus de souplesse financière à l’approche de la retraite », résume Alexandre Beaulieu.

Quelle priorité entre le CELI et le REER ?

« À propos des cotisations inutilisées dans les REER, il faut être prudent par rapport à l’écart entre le taux d’imposition courant au moment des cotisations et le taux d’imposition prévisible lors du décaissement de retraite », avertit M. Beaulieu.

« En particulier pour Philippe, dont les revenus de rente de retraite bonifiés du décaissement minimal du REER à partir de 71 ans pourraient déclencher une récupération d’impôt à même sa pension de la Sécurité de la vieillesse [PSV fédérale], et contrecarrer ainsi une partie des avantages fiscaux obtenus lors des cotisations au REER alors qu’il était en emploi avec un revenu imposable élevé. »

Dans ce contexte, Alexandre Beaulieu « recommande à Éric et à Philippe de concentrer leur capacité d’épargne en priorité dans leur compte CELI, et d’attendre ensuite en fin d’année fiscale pour confirmer d’éventuels surplus d’épargne qui pourraient être ajoutés à leur REER ».

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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