Comment financer un projet d’agrandissement de la maison familiale sans nuire à la progression de l’état de santé budgétaire et financière de la famille ?

La situation

Les conjoints Martin*, 44 ans, et Karine*, 35 ans, et leurs deux enfants d’âge scolaire forment une famille dont la situation financière apparaît déjà bien établie. Dans le budget familial, les revenus d’emplois de 213 000 $ par année couvrent bien les débours de train de vie qui avoisinent 107 000 $ par année.

Les chiffres

Martin, 44 ans

Revenu d’emploi : 125 000 $
Actif en REER : 120 000 $
Actif en CELI : 5000 $
Participant du Régime de retraite du secteur public québécois (à prestations déterminées, environ 77 000 $ par année après 65 ans)

Karine, 35 ans

Revenu d’emploi : 88 000 $
Actif en REER : 20 000 $
Actif en CELI : 5000 $
Participante du Régime de retraite du secteur public québécois (à prestations déterminées, environ 55 000 $ par année après 65 ans)

Actifs financiers communs :

Régimes enregistrés d’épargne-études (REEE) de l’enfant de 10 ans (5000 $) et de l’enfant de 8 ans (3500 $)

Actifs non financiers communs :

Maison familiale : environ 400 000 $
Deux véhicules (2017 et 2015)

Passif commun :

Prêts hypothécaires sur la maison : 54 000 $ à taux variable et 66 000 $ à 2,6 %, à terme dans cinq ans
Marge de crédit hypothécaire : solde de 20 500 $ (à 3,2 %) sur limite disponible de 235 000 $

Principaux débours annualisés : 107 000 $ par année

liés à la résidence : 33 000 $ par année
liés au style de vie familial : 64 000 $ par année
liés aux cotisations aux comptes d’épargne enregistrés (REER, CELI, REEE) : 10 000 $ par année

Martin et Karine ont aussi une capacité d’épargne en comptes enregistrés (REER et CELI des parents, régimes d’épargne-études [REEE] des enfants). Ainsi, ils ont pu accumuler quelque 150 000 $ en actifs financiers, auxquels s’ajoute la valeur de leur maison estimée à 400 000 $. De plus, en guise d’actif en épargne-retraite, Martin et Karine bénéficient chacun avec leur emploi respectif d’un solide régime de retraite à prestations déterminées du secteur public québécois.

En contrepartie, le bilan financier familial de Martin et de Karine affiche un passif de 140 000 $ composé des soldes sur trois dettes hypothécaires : deux prêts (54 000 $ à taux variable et 66 000 $ à taux fixe) à échéance dans cinq ans, ainsi qu’un solde de 20 000 $ sur une marge de crédit préétablie à 235 000 $.

C’est avec ce constat de situation financière que Martin et Karine préparent leur premier grand projet d’agrandissement de la maison familiale acquise il y a une dizaine d’années. « Avec nos emplois qui vont se poursuivre en partie en télétravail à la maison, et les enfants qui grandissent, on a besoin d’espace additionnel dans la maison, explique Martin en discussion avec La Presse. C’est pourquoi nous voulons ajouter un garage fermé avec une nouvelle pièce de télétravail à l’étage. Le coût de ces travaux d’agrandissement de la maison est estimé à 125 000 $. Nous souhaitons entamer ces travaux l’automne prochain. »

Entre-temps, Martin et Karine s’interrogent sur le financement adéquat de ces travaux. D’une part, en fonction de leur capacité budgétaire et de leur situation financière à court terme, avec la perspective de hausses de taux sur les emprunts à taux variable. D’autre part, Martin et Karine sont soucieux de gérer le financement de ces travaux d’agrandissement de la maison tout en tenant compte de l’optimisation de leur planification financière et fiscale.

Les préoccupations de Martin et de Karine ont été soumises pour analyse-conseil à Daniel Lanteigne, qui est planificateur financier et associé principal à la firme Reverber Stratégies financières, à Québec.

Les conseils

D’emblée, Daniel Lanteigne apprécie le fait que « Martin et Karine aient leur situation financière bien en main » alors qu’ils préparent le financement d’un projet d’agrandissement de leur maison. « C’est un investissement immobilier qui, s’il est bien réalisé, fera augmenter la valeur de la résidence familiale », constate M. Lanteigne. Et pour financer ce projet estimé à 125 000 $, Martin et Karine ont déjà l’avantage d’« avoir facilement accès à la somme disponible sur leur marge de crédit hypothécaire ».

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Daniel Lanteigne, planificateur financier et associé principal à la firme Reverber Stratégies financières

Toutefois, note Daniel Lanteigne, avec cette majoration de paiements hypothécaires de l’ordre de 8000 $ par année, c’est sur le plan de leur budget familial des prochaines années que Martin et Karine devront demeurer très vigilants. « D’après leurs chiffres, leur situation budgétaire entre le revenu familial net [après impôt] et leurs débours totaux semble relativement équilibrée autour de 110 000 $ par année, indique M. Lanteigne. Par conséquent, à défaut de revenus additionnels, Martin et Karine doivent prévoir des ajustements à leur budget familial afin de pouvoir majorer leurs paiements hypothécaires de 8000 $ par année sans compromettre la bonne continuité de leur situation financière. »

Comment s’y prendre ? « En premier lieu, je leur suggère d’effectuer une révision de leurs dépenses de train de vie familial qui pourraient être “compressibles”, répond Daniel Lanteigne. Entre autres, ont-ils encore besoin de deux véhicules au lieu d’un seul, considérant que leur situation de télétravail est désormais établie ? Ou encore, peuvent-ils réviser leurs dépenses de voyages et de divertissement, ainsi que les coûts de leurs divers services de télécommunications ? »

En second lieu, Daniel Lanteigne conseille à Martin et à Karine de réviser leurs priorités de cotisations à leurs divers comptes d’épargne enregistrés (REER, CELI, REEE) en prévision de la hausse des débours hypothécaires dans leur budget familial.

Daniel Lanteigne leur recommande de « prendre une pause » de quelques années dans les cotisations au REER de Karine en raison de leur rendement moindre en « récupération fiscale » dans les finances familiales. De plus, rappelle M. Lanteigne, les droits de cotisation REER de Karine continueront de s’accumuler en prévision d’une meilleure utilisation dans quelques années.

En contrepartie, Daniel Lanteigne conseille à Martin de continuer les cotisations à son REER (environ 6000 $ par année) parce que leur rendement fiscal à court terme est avantagé par son revenu d’emploi et son taux d’imposition plus élevés que ceux de sa conjointe Karine. Aussi, ajoute M. Lanteigne, « afin d’encourager Karine à interrompre ses cotisations REER pour faciliter le financement du projet d’agrandissement de la maison familiale, son conjoint Martin pourrait cotiser 2000 $ à son propre REER et 4000 $ au REER du conjoint en faveur de Karine tout en profitant d’un total de 6000 $ en déduction de son revenu ».

Quant aux CELI des parents et aux REEE de leurs deux enfants, Daniel Lanteigne constate que les « cotisations aux CELI des parents ne leur sont d’aucune utilité présentement » dans le processus d’optimisation de la situation financière familiale. « Ces cotisations de quelques milliers de dollars par année seraient plus productives en tant que cotisations additionnelles aux REEE de leurs deux enfants. Avec la priorité au REEE de l’aîné de 10 ans afin d’en maximiser le rendement fiscal jusqu’à l’atteinte de l’âge limite de 17 ans », explique Daniel Lanteigne.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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