« J’ai utilisé mes REER [régime enregistré d'épargne-retraite] et il reste autour de 6000 $ », nous a écrit Nicole*. Son compte d'épargne libre d'impôt (CELI) n’est pas mieux garni : 5000 $. Elle a 77 ans et vit seule.

La situation

Nicole n’a aucun régime de retraite d’employeur.

Elle ne possède ni maison ni voiture.

Mais loin d’elle l’idée de se lamenter sur son sort.

Elle habite un logement de trois pièces, au loyer peu élevé : 635 $.

« Ça va à mon goût, parce que je suis une personne qui est correcte toute seule, confie-t-elle. Je fais du tissage, du tricot, je peux faire de la couture, je peux faire de la peinture. Je ne m’ennuie pas. »

Un nuage se profile, cependant.

« Il y aura peut-être des changements dans l’édifice. C’est un petit immeuble où il y a juste quatre ou cinq locataires. Le propriétaire va changer d’idée à un moment donné. »

Il en donne tous les indices. L’appartement d’un des locataires a été repris. Deux autres ont reçu des avis d’éviction.

« Je sais que si je bouge, ça va être plus cher. »

Ses dépenses totalisent 15 000 $ par année, estimait-elle d’abord. Mais à la suite de l’entretien téléphonique, un échange de courriels les a plutôt fixées à environ 23 500 $.

Outre son loyer (7600 $ par année), elle consacre 770 $ à l’électricité et 1200 $ aux télécommunications. Pour le reste, « c’est l’épicerie et la pharmacie, mais comme j’ai des passe-temps de tissage et de tricot, il y a eu des dépenses de ce côté-là. Ce sont mes extravagances ».

Les chiffres

Revenus en 2021

RRQ : 12 830 $
PSV : 7487 $
Retrait du FEER : 3840 $
Crédits TPS et Solidarité : 1475 $
Paiement unique aux aînés de 75 ans d’Emploi et Développement social Canada : 500 $
Pas de Supplément de revenu garanti

Épargnes

REER : 6000 $
CELI : 5000 $

Ces extravagances ne semblent pourtant pas extravagantes.

« Bien, pas mal, corrige-t-elle. C’était autour de 4000 $, l’an passé. Il va falloir que je ralentisse. »

Pour l’essentiel, ses revenus proviennent des rentes de la Régie des rentes du Québec (RRQ, 12 530 $) et de la Pension de la Sécurité de vieillesse (PSV, 7500 $).

En 2021, elle a retiré 3840 $ de son REER, à raison de 480 $ par mois jusqu’en septembre. Son REER se trouvant rétréci à 6000 $, elle prévoit dorénavant de n’en retirer que 300 $ par année.

« Pour le moment, ça va bien. Mais je me dis : tu sais, tu approches de la fin. Alors, combien de temps il te reste à vivre ? Peut-être 10 à 15 ans. Et peut-être qu’à un moment donné, ça va décliner. C’est normal. Alors là, je me dis : il faudrait peut-être que tu penses à quelque chose. »

Rassurons-nous : ce quelque chose se profile. Le fruit de la vente d’un terrain d’une valeur de 900 000 $ sera distribué entre ses frères et sœurs et elle. Selon leurs calculs, ils pensent toucher 150 000 $ chacun.

« Je ne pense pas investir, mais je voudrais avoir votre opinion sur ce que je pourrais faire. Quelle devrait être ma stratégie ? Quel montant devrais-je allouer pour le loyer ?

« Avec le coût de la vie qui augmentera, quel pourcentage doit-on prévoir pour les années à venir ? »

Il faudra prévoir de l’argent pour un testament, un déménagement, des assurances, dit-elle.

« Ces questions peuvent vous paraître simplistes, mais j’aimerais avoir votre opinion pour m’aider à y voir plus clair. »

Il n’y a rien de simpliste quand la sérénité et la sécurité sont en jeu.

La réponse

Ces 150 000 $ qui tomberont du ciel vont permettre à Nicole de se tricoter un budget plus confortable. Avec une nuance, toutefois : « Ça dépend quel est l’horizon », commente la planificatrice Nathalie Bachand, du cabinet Bachand Lafleur, Groupe conseil.

On ignore quand cette somme atteindra l’escarcelle de notre septuagénaire.

Mais vérifions d’abord quel bien il pourrait lui faire.

Une petite somme pourra en être distraite pour les dépenses de testament et de déménagement que Nicole envisage – disons 5000 $.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Nathalie Bachand, du cabinet Bachand Lafleur, Groupe conseil

Avec le solde de 145 000 $, « si elle reçoit l’argent au cours des prochains mois ou avant la fin de l’année, elle remplit son CELI », avise la planificatrice.

Pour quelqu’un qui n’y a encore jamais cotisé, les droits cumulatifs s’établissent à 81 500 $.

Puisqu’on ne connaît pas l’historique du rendement et des retraits du CELI de Nicole, nous supposerons que les 5000 $ qu’elle y détient correspondent aux droits utilisés. Elle pourrait donc y verser encore 76 500 $ en 2022. Le solde, détenu hors CELI, serait donc susceptible d’impôt sur le rendement.

De quelle façon ces 145 000 $, investis prudemment, pourraient-ils améliorer son sort ?

La planificatrice fait un calcul simple : « En considérant l’inflation, le rendement et un peu d’impôt, on peut pratiquement diviser le montant par le nombre d’années. »

Parvenue à 77 ans, Nicole a 25 % de chances de se rendre à 96 ans. Dans cette perspective, les 145 000 $ lui procureraient 7630 $ par année, ou 635 $ par mois. Avec les 635 $ qu’elle y consacre actuellement, elle pourrait donc payer un loyer d’environ 1270 $ par mois.

En attendant…

Mais si cette somme n’apparaît que dans deux ou trois ans, comment Nicole survivra-t-elle à une éviction ?

« Elle n’a pas beaucoup d’actifs, constate Nathalie Bachand. On en revient à maximiser les rentes du gouvernement. »

Elle s’étonne d’ailleurs que Nicole ne touche pas le Supplément de revenu garanti. « Avec des revenus de cet ordre, elle devrait recevoir autour de 1500 $ de SRG. »

Peut-être ses retraits du REER l’en ont-ils privée ? suggère-t-elle.

Le montant de la SRG est fixé le 1er juillet pour les 12 mois suivants (hormis l’ajustement trimestriel à l’inflation), sur la base des revenus de l’année précédente.

« Par exemple, ses revenus de 2022 déterminent son SRG de juillet 2023 à juin 2024 », indique la planificatrice.

Pour obtenir la somme maximale dans les plus brefs délais, elle propose à Nicole de retirer dès cette année les 6000 $ qu’elle détient encore en REER.

« Elle paierait environ 700 à 800 $ d’impôt pour l’année financière 2022, mais après avoir fait sa déclaration de 2023 où elle ne déclare aucun REER, elle récupérerait un Supplément de revenu garanti de l’ordre de 3500 $ à partir de juillet 2024. »

Il y a cependant moyen de gagner une année.

« Il est possible de demander que le SRG soit basé sur l’estimation des revenus de l’année en cours et non de l’année précédente », ajoute-t-elle.

Cette demande s’effectue avec le formulaire ISP-3041, qui n’est offert que par requête directe auprès de Service Canada. « On ne le trouve pas en ligne. Il faut appeler et ils vont le poster. »

Nicole pourra ainsi demander dès 2023 que la demande de SRG soit basée sur ses revenus estimés pour l’année en cours. « Cela aurait pour effet de récupérer le SRG de 3500 $ dès juillet 2023 et non juillet 2024. »

Nicole toucherait ainsi des revenus d’environ 24 500 $ en 2023 et de 25 500 $ en 2024, ce qui lui permettrait de consacrer quelque 800 $ par mois à son loyer. Elle devra peut-être restreindre temporairement ses dépenses de loisirs.

En attendant mieux...

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.

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