En effet, mieux vaut poser la question avant que les moyens ne manquent.

La situation

Nathalie* et Yves* caressent un rêve dont ils doutent qu’il tienne la route.

Eh oui, un véhicule récréatif, pour récréer le couple. Et peut-être un peu le recréer, pourquoi pas...

Nathalie et son mari, âgés respectivement de 55 ans et 61 ans, veulent prendre leur retraite dans environ trois ans.

« Par contre, on ne va pas gagner des millions, précise Nathalie. Pour ma part, je devrais recevoir 2000 $ par mois et mon conjoint, 2700 $. » Après 32 ans dans la fonction publique, elle touche actuellement un salaire de 48 000 $.

Yves, qui travaille pour une entreprise privée depuis 22 ans, gagne 92 000 $.

La rente de retraite de Nathalie est coordonnée à celle de la RRQ, qui s’élèvera à 8466 $ à partir de 60 ans.

Yves encaissera sa rente de la RRQ à 65 ans, à hauteur de 11 894 $.

À eux deux, ils détiennent 26 000 $ en REER et 100 000 $ en CELI.

« Nos dépenses annuelles sont d’environ 40 000 $, indique Nathalie. On a encore une fille à la maison. »

Avec un autre couple, Nathalie et Yves sont également propriétaires d’un petit duplex en périphérie de Montréal, d’une valeur de 250 000 $. Le solde hypothécaire de 140 000 $ sera acquitté en 2034.

« Les revenus sont de 16 200 $ et les dépenses sont de 14 000 $, dit-elle. Ça va faire six ans qu’on a ce duplex, chaque fois qu’on accumule des sous, on rénove. C’est un duplex qui a besoin d’amour. »

Leur propre maison est entièrement payée. « Mais nous allons devoir sécuriser notre sous-sol pour un problème de drain français, au coût de 20 000 $. »

La réparation s’entremêle à leur projet de retraite.

« On aimerait bien acheter une roulotte de luxe pour pouvoir voyager à notre guise », décrit Nathalie.

Ils visent un véhicule de classe C, « celui qui consomme beaucoup, beaucoup d’essence ».

Elle en estime le prix à 125 000 $. Il serait financé à l’aide d’une marge de crédit hypothécaire au taux de 2,85 %.

« Par contre, on devra faire encore des paiements mensuels et être disciplinés. »

D’autant plus qu’ils ne savent pas à combien s’élèvera l’usage du véhicule, autrement que par cette approximation : « On sait que ça va coûter cher. »

C’est pourquoi elle pose la question : « Pensez-vous qu’on vit au-dessus de nos moyens ? »

Les chiffres

Nathalie, 55 ans
Salaire : 48 000 $
REER : 10 000 $
CELI : 65 000 $
Rente de retraite à 58 ans : 24 000 $
Rente de la RRQ à 60 ans : 8466 $

Yves, 61 ans
Salaire : 92 000 $
Rente de retraite à 64 ans : 32 400 $
Rente de la RRQ à 65 ans : 11 894 $
REER : 16 000 $
CELI : 35 000 $

Maison
Valeur actuelle : 430 000 $
Libre d’hypothèque

Duplex, détenu avec un couple ami
Valeur actuelle : 250 000 $
Solde hypothécaire : 140 000 $
Revenus : 16 200 $
Dépenses : 14 000 $

La réponse

David Truong s’est étonné.

Le planificateur financier et conseiller au Centre d’expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859 a calculé qu’avec des salaires combinés de 140 000 $, Nathalie et Yves dégagent un revenu net d’environ 90 000 $.

Or, Nathalie estime le coût de vie actuel du ménage à 40 000 $.

« Ça veut dire que techniquement, ils doivent avoir épargné 50 000 $ par année », dit-il.

Il n’en paraît rien dans leurs REER et CELI.

Peut-être viennent-ils de rembourser leur hypothèque ? Sous-estiment-ils leur coût de vie ?

« Il y a deux façons de déterminer le coût de vie : soit par l’approche budgétaire, soit par l’approche du revenu disponible », souligne le planificateur.

L’approche budgétaire est théoriquement la plus précise, dans la mesure où les chiffres sont exacts et complets.

L’approche du revenu disponible s’intéresse plutôt au revenu familial après impôts et après épargne annuelle.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

David Truong, planificateur financier et conseiller au Centre d’expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859

Dans le cas de Nathalie et Yves, nous savons que le revenu après impôt est de 90 000 $. La seule épargne annuelle est le montant cotisé au fonds de retraite. Leur coût de vie selon cette approche devrait osciller autour de 80 000 $ par année.

David Truong, planificateur financier et conseiller au Centre d’expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859

Des précisions…

Une demande de précision auprès de Nathalie a confirmé l’estimation du planificateur.

« En ce moment, on dépense presque la totalité de nos salaires », a-t-elle indiqué.

Il faut considérer les frais pour le travail – essence, dîners, vêtements – et le soutien de leur fille aux études.

« Les 40 000 $, c’est vraiment le calcul que j’avais prévu en fonction de notre retraite avec les deux pieds dedans. »

Voilà qui est plus clair.

Mais est-ce réaliste ?

Devant cette incertitude, David Truong s’est intéressé au coût de vie maximal que le couple pourrait se permettre à la retraite.

Avec la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et la coordination de la rente de la RRQ, Nathalie encaissera à 65 ans des revenus fixes avant impôts de 31 400 $ en dollars d’aujourd’hui.

Yves touchera pour sa part environ 40 200 $.

« Ça donne donc un revenu familial brut garanti de 71 600 $ à leur retraite, observe David Truong. Si on fait une projection de retraite avec 40 000 $ par année, il n’y a aucun souci. »

Mais la côte qui mène au projet de retraite est abrupte, et le planificateur pousse le moteur à épargne au maximum. Au cours des trois prochaines années, il programme pour le couple des épargnes de 41 000 $ par an, dont 25 000 $ versés dans les REER.

Dans ces conditions, il estime qu’il serait en mesure de maintenir à la retraite un train de vie indexé de 66 000 $ jusqu’au 96anniversaire de Nathalie.

Dans la mesure où les dépenses de retraite du couple s’établiront véritablement à 40 000 $ par année, y a-t-il une place pour un véhicule récréatif ?

Le coût d’un VR

Les frais varient considérablement selon l’usage.

Mais puisqu’il faut une base de comparaison, nous supposerons six mois d’utilisation annuelle, donc six mois d’entreposage (600 $), 50 nuits en camping payant (2500 $), 10 000 km parcourus (2900 $ d’essence), 1400 $ pour l’entretien et 1300 $ en assurance. Nous en sommes à 8700 $ par année.

Nous amortissons l’emprunt de 125 000 $ sur 10 ans à un taux de 2,85 %, pour des paiements de 14 370 $ par année.

Sur une base budgétaire – puisque c’est de cela qu’il s’agit ici –, nos nomades pourraient devoir débourser environ 23 000 $ par année.

Si on ajoute les travaux de réparation du sous-sol de 20 000 $ à la marge de crédit dans les mêmes conditions, les paiements augmentent de 2300 $ par année, pour un total de 25 300 $.

Ce montant s’insère dans un coût de vie de 66 000 $, mais tout juste.

Le couple devra s’informer soigneusement et faire ses propres calculs, en fonction de ses intentions.

Notons qu’en tenant compte d’une dépréciation de 60 % après 10 ans, le coût réel du véhicule récréatif avoisinerait 17 700 $ par année.

Réduire les frais d’intérêts

Après 10 ans, ils auront payé 21 800 $ en intérêts, dont 3940 $ pour la seule première année, la plus coûteuse.

Mais il y a moyen de réduire ce coût, suggère David Truong.

Avec la stratégie de la mise à part de l’argent, « on peut rendre les intérêts de 2,85 % déductibles de leurs revenus », indique-t-il.

Il s’agit de contracter une marge de crédit qui servira exclusivement à payer leur part de l’entretien et de la rénovation du duplex.

« Comme l’argent emprunté est utilisé directement pour payer des dépenses servant à gagner un revenu de location, les intérêts sont déductibles du revenu », explique-t-il.

La part des revenus de location qu’ils consacraient à l’entretien servira plutôt à accélérer le remboursement du prêt pour le véhicule récréatif. De cette manière, ils transformeront graduellement les intérêts non déductibles en intérêts déductibles.

Cet ambitieux projet de véhicule récréatif dépend toutefois d’une épargne vigoureuse et d’une discipline rigoureuse.

Pourront-ils vivre dans leur VR et à l’intérieur de leurs moyens ? s’inquiète Nathalie.

C’est la preuve qu’ils devront faire dans les trois ans qui les séparent de leur retraite.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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