Ça se corse encore plus dans l’industrie de la construction. Loin de se stabiliser, le prix des matériaux poursuit sa hausse effrénée dans un contexte de forte demande pour les maisons neuves.

Résultat : l’augmentation du coût de construction des bâtiments résidentiels s’accélère.

Au pays, elle a atteint 5,6 % au cours des trois premiers mois de l’année par rapport au trimestre précédent, calcule Statistique Canada. Il s’agit du bond le plus important depuis que cette donnée existe (début 2017).

Surtout, c’est nettement plus élevé que le précédent record qui était de + 2,9 %… établi à la fin de l’année 2020.

Mince consolation pour les acheteurs et les entrepreneurs de la région de Montréal, l’envolée de + 4,1 % y est inférieure à la moyenne nationale.

En comparaison, les maisons coûtent 7,2 % plus cher à construire à Toronto. À Calgary, c’est encore pire : + 9,4 %. En trois petits mois. Aïe !

Lorsqu’on s’attarde à la variation sur un an, les données sont tout aussi affolantes. La moyenne canadienne est de + 11,7 %. Encore là, c’est un peu mieux à Montréal (+ 9,2 %).

Selon Desjardins, le Québec demeure d’ailleurs l’endroit le plus abordable au pays pour devenir propriétaire. Comme l’écrit ma collègue Isabelle Dubé dans l’écran suivant, cela s’explique par la hausse plus rapide du revenu disponible dans la province combinée à une croissance plus lente du prix des maisons.

Les coûts de construction dépendent certes des matériaux, mais aussi de la main-d’œuvre, du marché et de l’accès au capital, énumère Guillaume Houle, porte-parole de l’Association de la construction du Québec (ACQ). « Le coût des maisons suit le coût de la vie. » C’est ce qui pourrait expliquer, dit-il, le fait que les hausses sont moins fortes à Montréal. Car le prix du bois est assez semblable d’un océan à l’autre.

Fait à noter, l’indice des prix de la construction inclut aussi le bénéfice des entrepreneurs, mais pas le terrain et son aménagement ni les taxes.

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Pour Statistique Canada, la pénurie de matériaux est clairement la source principale de cette inflation. Cette rareté fait exploser le prix du bois d’œuvre.

En mars, il se vendait 118,9 % plus cher qu’un an auparavant. Du jamais vu.

En un seul mois (de février à mars), le prix du bois a augmenté de 11,9 % tandis que les acheteurs de placages et contreplaqués ont subi une hausse de prix de 20,1 %.

La hausse marquée des coûts de la construction a aussi été alimentée par les taux d’intérêt historiquement faibles et le désir des consommateurs d’avoir de plus grands espaces de vie pendant la pandémie. Cela ne changera pas de sitôt.

L’une des bonnes nouvelles, pour les entrepreneurs, c’est justement que la demande demeure au rendez-vous, soutient M. Houle. Puisqu’il y a peu de maisons existantes à vendre, les consommateurs se tournent vers les maisons neuves.

Tout n’est pas rose pour autant.

Les délais provoqués par les pénuries de matériaux compliquent la gestion des chantiers. Et les relations contractuelles « peuvent être problématiques », convient l’ACQ, rappelant que certains contrats ont été signés il y a 6 mois, quand ce n’est pas 12. Le prix des matériaux était alors bien plus bas et personne ne pouvait prévoir l’ampleur de la hausse.

Comme je l’ai déjà écrit, des entrepreneurs réclament à leurs clients des sommes supplémentaires en cours de construction, même si cela n’est pas prévu au contrat. L’extra peut atteindre 100 000 $, déplore l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC), qui reçoit des plaintes à ce sujet.

Le hic, c’est que les acheteurs n’ont pas toujours la capacité financière pour accepter. Des contrats sont alors résiliés « illégalement », juge l’ACQC.

> Lisez « Constructions neuves : Que valent les contrats ? »

Les entrepreneurs, de leur côté, ne veulent pas vendre leurs maisons à perte, c’est bien normal. On ne souhaite pas une vague de faillites, car une réduction de la concurrence ferait bondir les prix.

> Lisez « Le chaos du prix des matériaux »

À l’ACQC, on encourage très fortement les consommateurs et les entrepreneurs à bien planifier leurs affaires. « C’est notre cri du cœur ! », lance Guillaume Houle, qui souhaite une prise de conscience de part et d’autre.

« Il ne faut pas non plus que les entrepreneurs tombent dans le jeu de facturer des prix indus aux consommateurs. Il faut une négociation de bonne foi entre les parties pour s’assurer d’un juste prix. »

Maisons usinées Côté, dans Lanaudière, réussit à absorber les hausses de prix, m’a assuré Dominic Richer, qui a la délicate mission d’analyser les coûts de revient. L’année 2022 est vendue au complet. Les clients qui signent aujourd’hui doivent donc attendre leur maison jusqu’en 2023. « D’habitude, on suit l’inflation, qui est à 2 ou 3 %, mais là c’est 15-20 % plus cher. »