Stéphanie*, 40 ans, est de nature inquiète. Elle l’est davantage depuis son divorce qui l’oblige à ne compter que sur son salaire pour répondre aux besoins de ses deux enfants. À l’aube de l’adolescence, sa fille et son garçon ont besoin de chambres séparées pour respecter chacun leur intimité. Voyant le marché immobilier en banlieue hors de prix, Stéphanie songe à ajouter un étage à son petit bungalow.

La situation

Mais en a-t-elle les moyens ?

« J’estime le coût des rénovations à 150 000 $, raconte-t-elle au téléphone. C’est un investissement majeur et je me demande si c’est une bonne idée, car je ne veux surtout pas faire un mauvais choix qui hypothéquerait ma retraite. Si vous me dites que c’est trop coûteux, je pourrais essayer de faire un projet moins ambitieux. »

« Je me demande aussi quelle sera la valeur ajoutée de cette rénovation au prix de la maison, poursuit-elle. Est-ce que ça vaut la peine ? Dans mon quartier, certains voisins l’ont fait. »

Stéphanie ne compte toutefois pas vendre sa maison à court terme et planifie plutôt d’y vivre à sa retraite dans 20 ans.

« Comment devrais-je financer le projet ?, se questionne-t-elle. Est-ce que c’est mieux d’utiliser mes économies ou de briser mon contrat d’hypothèque ? Ma banque me propose un taux à 1,49 % pour cinq ans et une autre institution, 1,99 % pour sept ans. Il me reste trois ans à faire et la pénalité est de 7897 $ plus 1200 $ pour les frais de notaire et une évaluation de la maison. »

D’ici trois ans, Stéphanie croit qu’elle devra acheter une nouvelle auto, car les transports en commun dans sa banlieue ne sont pas efficaces et elle s’attend à devoir jouer à la chauffeuse de taxi pour ses adolescents. Il y a aussi un projet d’achat d’un chalet familial avec ses frères et sœurs estimé à 42 000 $.

Les chiffres

Salaire: 110 000 $
REER (en incluant le fonds de retraite de son travail actuel): 435 000 $
CELI: 28 700 $
REEE: 14 220 $
Placements non enregistrés: 34 500 $
Compte d’épargne: 96 000 $
Fonds d’urgence: 40 000 $
Hypothèque: 150 000 $
Valeur estimée de la maison: 300 000 $

Un bon investissement ?

Tout d’abord, est-ce que les rénovations envisagées par Stéphanie augmenteront la valeur de sa propriété ? « Ajouter un étage ou agrandir donne assurément de la valeur à une propriété, et ce, peu importe le marché dans lequel on se trouve au moment de la vente, car on ajoute de la superficie habitable », affirme Martin Desfossés, coach en immobilier chez DuProprio. « Dans ce cas-ci, on ajoute aussi une qualité de vie, parce qu’on répond à des besoins spécifiques pour la famille. »

« En ce qui concerne le rendement de l’investissement, poursuit-il, c’est plus nuancé. Ça dépend de la valeur moyenne des propriétés dans le quartier et le gain est plus intéressant dans un quartier homogène. »

Rénos et retraite ?

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Sylvain B. Tremblay, vice-président chez Optimum Gestion de placements

Sylvain B. Tremblay, vice-président chez Optimum Gestion de placements, a fait l’analyse du projet d’agrandissement du bungalow. Premier constat : Stéphanie a un patrimoine enviable pour son âge.

« C’est une personne frugale, elle n’a pas perdu son temps et elle est à son affaire avec ses 400 000 $ de REER. On ne rencontre pas souvent des gens comme ça », affirme-t-il lors d’un entretien virtuel.

« Pour moi, c’est sans équivoque, on rénove, poursuit l’expert. Ses cotisations annuelles au fonds de retraite sont de 17 600 $ par année [5 % employé et 11 % employeur]. Dans 20 ans, elle aura donc accumulé la coquette somme de 1 395 600 $ au taux de 4 % annualisé, en plus de la pension des deux gouvernements qui sera de 2350 $ par mois à vie et indexée. Elle n’a pas à s’inquiéter pour sa retraite. »

Pour le financement des rénovations de sa maison, Stéphanie a déjà prévu le coup, c’est dans sa nature. Elle a économisé 96 000 $, dont 15 000 $ sont réservés pour une auto. Elle a aussi 28 700 $ en CELI. Ce sont donc 109 700 $ qui sont disponibles dès maintenant pour l’ajout d’un étage. Elle pourrait aussi utiliser ses placements non enregistrés de 34 500 $. Or, Stéphanie avait en tête de les garder pour l’achat d’un chalet.

Il manque 40 300 $.

« Étant donné qu’elle est frugale et de nature inquiète, elle a tout avantage à payer ses rénovations en gardant le contrôle sur son financement. C’est une question psychologique, explique le vice-président d’Optimum Gestion de placements. Si on considère seulement l’aspect financier, quelqu’un avec un profil différent pourrait choisir d’hypothéquer sa maison au maximum et de placer son épargne dans les marchés en pariant qu’ils continuent de rester aussi généreux. »

Dans ce dernier scénario, la pénalité pour briser l’hypothèque ne doit pas être élevée. Ce qui n’est pas le cas de Stéphanie, dont le contrat à 3,09 % se termine dans trois ans. Bien que les nouveaux taux qui lui sont proposés soient plus bas, la teneur de la pénalité annule ce qu’elle pourrait épargner.

« La pénalité de 7897 $, c’est vraiment très cher, s’exclame Sylvain B. Tremblay. Elle ferait mieux de prendre une marge de crédit hypothécaire avec son institution financière et de faire fixer le taux pour trois ans. »

Stéphanie pourra alors choisir le montant des paiements mensuels, toutes les deux semaines ou hebdomadaires. Puis, dans trois ans, elle n’aura qu’à inclure le total non remboursé dans son nouveau contrat d’hypothèque.

L’auto et le chalet ?

Selon Sylvain B. Tremblay, l’hypothèque actuelle de 150 000 $ ne coûte pas cher, ce qui fait que Stéphanie peut réussir à mettre de côté des sommes supplémentaires tous les mois. Ses économies témoignent de ses capacités d’épargne. Elle a donc la possibilité d’ajouter les deux autres projets sur sa liste sans sacrifier sa retraite.

Pour le chalet, il lui faut 7500 $ dès cette année, tandis que pour l’achat de l’auto, elle doit accumuler 25 000 $ en trois ans afin d’atteindre les 40 000 $ nécessaires, si ce projet ne peut pas être retardé.

« En conclusion, elle doit continuer de mettre 6000 $ par année en REER pour que son employeur puisse en ajouter 11 000 $, résume Sylvain B. Tremblay. Quant au reste du budget, elle devra ajouter un remboursement de marge hypothécaire d’un minimum de 100 $ par mois, prévoir 7500 $ d’économies cette année pour le chalet et 8000 $ pendant trois ans pour le véhicule. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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