L’épargnant lambda se plaint qu’il n’a jamais d’argent pour cotiser dans son REER. L’argent mis de côté pendant la pandémie de COVID-19 offre une occasion en or de rattraper le temps perdu, estiment trois planificateurs financiers avec qui La Presse a discuté.

Malgré la progression de la quatrième vague, il y a encore bon espoir que la vie puisse garder une certaine normalité cet automne, notamment grâce au passeport vaccinal. Reviendront bien assez vite les dépenses discrétionnaires d’avant la COVID-19 et l’appel du voyage.

Les gens ont en effet mis de l’argent de côté pendant la pandémie, mais ne l’ont pas investi à long terme, selon les résultats d’une enquête du Healthcare of Ontario Pension Plan (HOPP) et d’Abacus Data, citée par le magazine Conseiller à la fin juin.

« Le danger, c’est que si les gens ne l’investissent pas pour la retraite, probablement, quand ils vont retrouver leurs habitudes, que l’épargne va s’envoler », craint Sandy Lachapelle, planificatrice financière indépendante chez Lachapelle Finances intelligentes, de Saint-Jérôme.

Évidemment, la situation financière de chaque ménage est unique. La priorité devrait aller à rembourser les dettes à intérêt élevé comme un solde sur la carte de crédit, dit André Lacasse, planificateur financier indépendant chez Services financiers Lacasse, rattaché au Groupe Peak. Il dit avoir de nombreux clients qui ont épargné des milliers de dollars pendant la pandémie.

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André Lacasse, planificateur financier indépendant chez Services financiers Lacasse, rattaché au Groupe Peak

Comme deuxième étape, se constituer un fonds d’urgence équivalant à au moins trois mois de dépenses essentielles est chaudement recommandé. « Si j’avais une autre crise financière à gérer et que le gouvernement n’était pas là pour m’aider, est-ce que je serais prêt ? » C’est la question que l’on doit se poser, selon Mme Lachapelle.

Elle conseille à ses clients de se procurer une bonne assurance salaire ou invalidité. « Le gouvernement a sauvé tout le monde en étant très généreux avec la PCU et tout le reste, souligne la planificatrice financière. Il a assumé la perte de liquidités des ménages. Mais dans la vraie vie, s’il arrive un accident ou qu’on tombe malade, c’est important d’avoir des liquidités. »

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Sandy Lachapelle, planificatrice financière indépendante chez Lachapelle Finances intelligentes

Le REER est plus payant

Pour ceux qui ont payé le solde de leurs cartes de crédit et qui ont un coussin de côté, la prochaine priorité est d’épargner pour la retraite.

« Les gens risquent de vivre 30 ou 35 ans à la retraite, indique M. Lacasse. À 40 ans, avec la famille, les enfants et les dépenses, il y a beaucoup de ménages qui ont du retard pour financer leur plan de retraite. Si c’est votre cas, c’est le temps de prendre votre épargne COVID-19 et de l’ajouter à votre épargne-retraite plutôt que de la dépenser. »

C’est plus que judicieux, c’est absolument nécessaire. La majorité des gens ont un retard frappant pour ce qui est de l’épargne-retraite. Profitez de l’occasion pour vous enrichir.

Sandy Lachapelle, planificatrice financière indépendante chez Lachapelle Finances intelligentes

Or, depuis l’avènement du compte d’épargne libre d’impôt (CELI) dont les retraits sont non imposables, beaucoup d’épargnants snobent le REER, à tort, semble-t-il.

« Je continue de recommander le REER », soutient Philippe Mainguy-Rochette, 30 ans, planificateur financier indépendant du cabinet Ta Planif, de Bromont. « Il y a beaucoup d’idées préconçues avec le REER. Il y a des cas pour qui le REER n’est pas intéressant, mais sur dix clients, je dirai que c’est le cas pour seulement un ou deux d’entre eux. »

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Philippe Mainguy-Rochette, planificateur financier indépendant du cabinet Ta Planif

Le REER permet un enrichissement plus rapide que le CELI quand le taux marginal d’imposition (TMI) est moins élevé à la retraite que durant la vie active. Le TMI est le taux d’imposition qui s’applique sur le dernier dollar gagné. « Pour la majorité des gens, c’est le REER qui est le plus efficace », rappelle Mme Lachapelle.

Prenons deux épargnants qui ont la capacité d’investir 5000 $ avant impôt chaque année pendant 20 ans : un choisit le CELI, l’autre le REER. Le rendement annuel moyen est estimé à 5 %. À un TMI estimé de 40 % durant la vie active, et de 30 % à la retraite, le détenteur du REER disposera de 16 000 $ libres d’impôt de plus que le détenteur du CELI au bout des 20 ans. À un TMI constant avant et pendant la retraite, les deux véhicules donnent des résultats identiques.

Chaque cas est différent, mais remplir le REER avant le CELI s’avère plus payant de façon nette quand on a des enfants ou que le revenu annuel du ménage excède les 100 000 $, soutient Jean-François Robert, planificateur financier chez Finances d’Or, à Sherbrooke. Dans ces deux cas, le TMI en vigueur au moment de la cotisation au REER excède celui qui sera en vigueur au moment du décaissement.