Juliette Ostiguy se souviendra longtemps de la fin de ses études au cégep. En mai dernier, en compagnie de ses parents, la jeune femme de 19 ans prenait possession d’un condo de trois pièces et demie dans une tour du centre-ville de Montréal.

La concrétisation de ce projet a conféré autant de gratitude que de responsabilités à celle qui entre à l’université en biochimie et médecine moléculaire à l’automne. « Chez le notaire, j’étais émue, avoue-t-elle. Tout le travail que mes parents ont dû faire et l’argent qu’ils ont dû mettre de côté pour m’assurer un avenir… C’est un si beau cadeau et ça va tellement m’amener ailleurs dans la vie. J’étais reconnaissante et heureuse. »

Geneviève Côté et Patrick Ostiguy ont pris en charge la mise de fonds de 20 %, puisée à même leurs placements (mais pas leurs REER), et leur fille s’est engagée à payer l’hypothèque et les autres frais récurrents.

Quelques semaines avant la signature en mai, Juliette s’était mise en quête d’une propriété, notamment sur l’internet. Mais l’idée avait germé dans la tête de ses parents deux ans auparavant. Pour deux raisons. « Les prix en immobilier montent sans cesse. C’est de plus en plus difficile pour les jeunes d’entrer dans le marché, qui devient inaccessible, surtout à Montréal, estime Patrick Ostiguy. Et c’est un investissement plus rentable que d’acheter une voiture. On voulait que notre fille parte du bon pied. »

Un mois et demi et trois visites de condos plus tard, elle avait les clés en main… et plusieurs nouvelles responsabilités ! Hypothèque, compte d’électricité, accès internet, charges de copropriété… Juliette a vite calculé que les frais mensuels s’élèveraient à 1800 $ à 2000 $. L'idée de louer son condo sur des sites comme Airbnb lui est venue en tête. « Je gère toutes les dépenses, raconte-t-elle. C’est sûr que j’allais être incapable de payer l’hypothèque avec mon salaire estival. La location était la seule option. »

Cette solution financière exige qu’elle consacre trois à quatre heures par semaine à trouver des locataires et aller faire le ménage.

Ça donne un coup de maturité, car c’est beaucoup d’organisation. Mais je n’ai jamais douté que j’y arriverais. J’ai vraiment appris beaucoup de choses en un mois et demi. Ç’a été un des plus gros apprentissages de ma vie.

Juliette Ostiguy

Pour lui enlever un poids sur les épaules, à l’orée de cette aventure, Juliette s’est déniché des boulots dans une crémerie et un restaurant de déjeuners qui lui rapportent 1400 $ toutes les deux semaines, grâce aux pourboires. Ses premières locations – la première faite moins de deux jours après avoir mis sur des sites les photos (qu’elle a prises elle-même) du condo – lui assurent des revenus jusqu’en novembre. « Je ne savais pas si ça allait fonctionner à cause de la COVID-19 et de l’absence de touristes, admet-elle. Ça m’a causé un petit stress. Mais ça a mieux marché que je pensais. »

« Le stress est justement la chose à surveiller dans de tels projets, note Patrick Ostiguy. Ça ajoute une pression supplémentaire avec les études. On dit toujours que l’angoisse est présente chez les jeunes. C’est à surveiller. »

Un avenir financier assuré

D’autres conseils à donner avant de faire une telle acquisition pour sa progéniture ? « J’en ai un pour les parents, soit de s’assurer que leur enfant est prêt à ça, répond Juliette, qui a un frère de 17 ans. C’est difficile. Ça demande beaucoup d’autonomie et de suivis. »

Il faut être présent, laisser de la corde aux enfants autant qu’il faut les encadrer, selon Geneviève Côté. « Ça ouvre la porte à de belles discussions et des prises de conscience, dit-elle. C’est un apprentissage. C’est concret. Juliette s’est investie dans tout le processus. Elle a contacté les agents, le notaire. C’est impressionnant pour une jeune adulte, ce que ça demande avec la banque, l’ouverture du compte, les délais, la décoration. »

L’idée est que Juliette rachète la part de ses parents dans quelques années, à la fin de ses études. « C’est notre façon de l’appuyer, ajoute Patrick Ostiguy. Le condo est acheté, il se paie seul. Il n’y a pas trop d’incertitudes. On peut presque dire que son avenir financier est assuré pour le minimum. »