Lorsqu’on n’a pas d’épargnes ni de régime de retraite, recevoir 450 000 $ d’héritage à 53 ans, ça ne change pas le monde, sauf que… les perspectives de retraite sont plus reluisantes. Par contre, ce n’est pas suffisant pour dire bye-bye boss dès lundi matin !

La situation

Nadine*, 53 ans, vient tout juste d’hériter d’une « petite fortune ». Alors qu’elle n’a jamais eu d’argent de côté et qu’elle a fait une faillite personnelle après quelques années à travailler à son compte, il y a cinq ans, cette somme de 450 000 $ est plus que bienvenue.

Elle travaille depuis plus de 25 ans dans le même domaine sans grande stabilité auprès de son employeur. Elle a perdu son emploi en avril et prévoit de recevoir de l’assurance-emploi tout l’été avant de recommencer à travailler à l’automne. Elle envisage de travailler moins, ou peut-être même de changer d’emploi pour aller vers un secteur moins stressant et moins payant. Elle a envie de voyager lorsque ce sera possible et de passer du bon temps avec ses amis. Elle envisage aussi différentes options, comme acheter un condo à Montréal ou investir son héritage pour obtenir des dividendes comme nouvelle source de revenus.

Les chiffres

Héritage net : 450 000 $
Salaire annuel brut : environ 50 000 $
Régime de retraite de l’employeur : 0 $
Épargne : 0 $
Dettes : 0 $
Coût du loyer : 872 $ par mois
Coût de vie mensuel (incluant le loyer) : 2500 $
Assurance vie avec sa fille comme bénéficiaire : 25 000 $

Assurer sa sécurité financière à long terme

Sans épargne ni régime de retraite de son employeur, Nadine voit ses perspectives pour la retraite changer complètement avec l’héritage de 450 000 $ qu’elle a reçu.

« C’est tout à fait correct qu’elle prenne son temps et qu’elle réfléchisse à ce qu’elle voudra faire pour les années à venir, d’autant plus qu’elle vit un deuil, mais elle ne peut pas se dire qu’elle est soudainement riche et qu’elle n’a plus besoin de travailler à 53 ans », indique d’emblée André Lacasse, planificateur financier chez Services financiers Lacasse.

Surtout, elle doit éviter de faire des erreurs qui lui coûteront très cher, comme dépenser des sommes importantes pour des choses non essentielles.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

André Lacasse, planificateur financier chez Services financiers Lacasse

Ce qu’elle doit privilégier, c’est d’assurer sa sécurité financière à long terme parce qu’elle n’a pas de régime de retraite ni de maison qu’elle peut vendre pour subvenir à ses besoins.

André Lacasse, planificateur financier chez Services financiers Lacasse

CELI et placements non enregistrés

André Lacasse a regardé deux grands scénarios pour Nadine.

D’abord, celui sans achat de condo. Comme elle n’a toujours pas cotisé à son CELI, elle peut y placer le maximum cumulatif, soit 75 500 $. Comme elle n’a normalement pas un salaire très élevé et qu’en plus, elle ne travaille pas en ce moment, il prévoit que son taux d’imposition sera plutôt bas cette année, alors il n’opterait pas pour le régime enregistré d’épargne-retraite (REER). Il placerait plutôt le reste de son héritage dans des placements non enregistrés.

Les rentes gouvernementales

Le relevé de 2019 du Régime de rentes du Québec (RRQ) indique que si Nadine arrête de travailler à 60 ans, sa rente sera de 609 $.

« Je conseille toutefois à Nadine de vérifier auprès de la RRQ quelle sera la somme réelle qu’elle recevra, parce qu’elle a eu une fille et le gouvernement en tiendra compte dans son calcul pour les années où elle avait entre 0 et 7 ans si elle recevait les prestations familiales, indique M. Lacasse. Je soupçonne que la rente qu’elle reçoit du RRQ soit plus élevée et, en la demandant seulement à 65 ans, elle a aussi de bonnes chances de la voir bonifiée. C’est à vérifier en appelant. »

Avec une estimation de la somme reçue annuellement par le RRQ d’environ 10 000 $, en plus de la pension de la Sécurité de la vieillesse de 7300 $ à 65 ans, on arrive à 17 300 $. « Ces rentes sont importantes parce qu’elles seront indexées chaque année et elle les aura jusqu’à la fin de ses jours », affirme M. Lacasse.

Par contre, on est loin de la trentaine de milliers de dollars dont Nadine a besoin pour vivre. Elle devrait donc commencer à retirer des sommes de son héritage à partir de 60 ans si elle prend sa retraite à cet âge.

Piger dans ses placements

Pour faire ses projections, André Lacasse a suivi les normes d’hypothèses de l’Institut québécois de planification financière avec un taux d’inflation de 2 %, une augmentation de salaire qui suit l’inflation et un rendement à long terme de 4 % et une espérance de vie de 94 ans.

« S’il s’avère plus avantageux de reporter la rente du RRQ à 65 ans, elle devra vivre seulement de ses placements entre 60 et 65 ans, précise André Lacasse. À moins d’avoir des rendements exceptionnels, elle devra commencer à piger dans son capital. »

Lorsqu’elle recevra ses rentes gouvernementales d’environ 17 300 $, André Lacasse prévoit qu’elle pourra vivre avec son rendement annuel et un peu de son capital pour combler le manque à gagner d’environ 13 000 $, ce qui lui donnera environ 30 300 $ par année comme revenu net (tous ces montants sont en dollars d’aujourd’hui). Avec ces projections, le capital serait épuisé à 94 ans, alors il ne lui resterait que les rentes gouvernementales indexées.

« Elle pourrait donc vivre jusqu’à 94 ans avec sensiblement le même montant qu’elle a actuellement net alors qu’elle travaille, précise M. Lacasse. Ainsi, elle payerait très peu d’impôts jusqu’à la fin de ses jours. »

C’est aussi une stratégie de placements qui ferait en sorte que ce qu’il resterait en succession à sa fille ne serait pas imposable, excepté le rendement annuel et le gain en capital accumulé.

« Mais il demeure très important que Nadine aille s’asseoir avec un planificateur financier pour qu’il analyse sa situation plus détaillée et qu’ils choisissent ensemble des types de placements fiscalement avantageux qui respectent son profil d’investisseur, précise M. Lacasse. Par exemple, alors que les revenus d’intérêts des dépôts à terme sont 100 % imposables, le gain en capital à la vente d’une action est imposable à 50 %. »

Acheter un condo

Au-delà de l’enjeu d’arriver à obtenir un prêt hypothécaire après une faillite personnelle, l’achat d’une propriété serait moins évident d’un point de vue financier, d’après André Lacasse.

« Comme Nadine n’a pas d’épargnes, elle devra piger dans son héritage pour la mise de fonds, puis son hypothèque risque de lui coûter plus que son loyer de 872 $ par mois, explique-t-il. Elle devrait alors continuer de travailler jusqu’à 65 ans, parce qu’elle aurait investi dans sa propriété les montants qu’elle aurait pu prendre pour vivre avant de recevoir ses rentes de 60 à 65 ans. »

Nadine pourrait aussi décider d’acheter une propriété comptant et la vendre une fois qu’elle prendra sa retraite pour avoir accès à son capital.

« Mais il serait surprenant qu’elle veuille acheter un condo pour seulement quelques années pour ensuite retourner en logement, indique M. Lacasse. De plus, si elle retarde son départ à la retraite pour rester plus longtemps dans sa maison, elle s’éloignera de son grand objectif qui est de travailler moins. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.

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