L’histoire de Jacques Bourque illustre éloquemment pourquoi les spécialistes affirment qu’il vaut mieux détenir des métaux précieux pour vrai et se tenir loin des produits financiers qui disent à leur détenteur qu’il possède de l’or ou de l’argent.

En 1980, M. Bourque, alors jeune adulte, a acheté de la Compagnie de fiducie Guardian Trust, aujourd’hui disparue, un certificat de métaux précieux de 20 onces troy d’argent pur pour 1040 $ CAN, soit environ 52 $ l’once.

« En échange du présent certificat, et sans percevoir des frais de livraison, la Compagnie de fiducie Guardian remettra à Jacques Bourque les métaux précieux : Twenty (20) troy ounces silver bullion », y lit-on.

Si le libellé du certificat paraît limpide, le processus pour faire honorer ce dernier ne le sera pas.

Quarante ans après son achat, après bien des recherches et des péripéties, M. Bourque, 59 ans, a finalement trouvé une institution qui allait honorer le certificat en lui offrant 480 $ US, grosso modo le cours acheteur du moment.

Certainement pas une bonne affaire sur le plan financier, mais le résidant de Longueuil s’attendait à bien pire. Au téléphone, la banque lui offrait seulement 80 $ CAN, après déduction des frais d’entreposage pendant quatre décennies.

Le suspense a duré jusqu’à la fin. « À tout bout de champ, je pensais devoir retourner à la maison avec mon bout de papier », a raconté M. Bourque le 19 mars dernier, au lendemain de son rendez-vous à la succursale CIBC de Place Jacques Cartier à Longueuil, où on a finalement consenti à racheter son certificat de la Guardian.

Pourquoi est-ce la CIBC qui a racheté le certificat de la Guardian ? C’est pourtant la Banque Laurentienne qui a acquis la Guardian en 1992.

« Les certificats d’argent de Guardian Trust sont négociables dans les succursales de la Banque CIBC, ils l’étaient en tout cas il y a quelques années encore, nous y avons recommandé des personnes dans le passé », a répondu le 17 décembre 2020 Fabrice Tremblay, conseiller aux communications du bureau de la direction à une demande de La Presse, au moment où M. Bourque cherchait encore comment récupérer son dû.

IMAGE FOURNIE PAR JACQUES BOURQUE

Le certificat valant « twenty troy ounces silver bullion »

Par le passé, M. Bourque s’était heurté à une fin de non-recevoir, à la Laurentienne comme ailleurs. Un jour, il a cogné à la porte de Desjardins, où il a ses comptes. On l’a alors dirigé chez Disnat, le courtier à escompte du groupe financier, qui a pris le certificat en consigne avant de le lui remettre 30 jours plus tard en lui disant qu’il ne pouvait rien pour lui.

Regaillardi par la réponse de M. Tremblay de la Laurentienne, Jacques Bourque s’adresse à l’équipe des métaux précieux de la CIBC à Toronto (22 décembre 2020). La banque demande à voir le certificat pour en valider l’authenticité, laquelle est rapidement confirmée.

Un ancien client de la Guardian, Ken Burrows, n’avait pas eu cette veine, comme l’a rapporté The Gazette le 16 avril 2013. CIBC ne retrouvait pas le numéro du certificat de M. Burrows dans la liste que lui avait transférée la Guardian le 16 décembre 1992.

Lisez l’article de The Gazette (en anglais)

Une fois le certificat authentifié, la banque demande à M. Bourque de fournir une lettre d’instructions par courriel (6 janvier 2021).

« Les informations dans la lettre d’instructions ont été examinées avec succès, lui répond Alexis Donalds, du service à la clientèle du bureau des métaux précieux, le 10 février 2021, les prix seront fournis à la succursale CIBC à la date du rendez-vous. Aussi, des frais de raffinerie sont appliqués lors de la conversion en lingots physiques. »

Si M. Bourque veut prendre livraison de ses 20 onces d’argent, prévient la banque par téléphone en préparation du rendez-vous, il devra payer des frais d’affinage de 600 $ CAN, soit pratiquement le prix de l’once d’argent ce jour-là. « C’est comme si je devais payer les 20 onces une seconde fois », dit-il, dépité.

S’il choisit l’argent, la banque lui annonce qu’elle lui exigera 10 $ de frais d’entreposage par année, soit 400 $, et lui versera le solde, environ 80 $. M. Bourque n’en croit pas ses oreilles.

Les onces n’existent que sur papier. La preuve, on lui demande de payer pour leur affinage. « Pourquoi demander 400 $ pour entreposer quelque chose qui n’existe pas ? », se demande-t-il.

Découragé, M. Bourque se rend néanmoins à son rendez-vous le 18 mars, son certificat sous le bras. Une bonne surprise l’attend.

« À la succursale, ils n’arrêtaient pas de me dire qu’ils n’avaient jamais vu un papier comme ça. Une chance que j’avais été en communication avec Toronto, sinon, je suis loin d’être sûr que la succursale aurait accepté mon certificat. Finalement, Toronto a donné son accord et ils ont accepté d’enlever les frais d’entreposage. »

M. Bourque est retourné à la maison avec un chèque de la Mellon Bank of New York de 480 $ US.

À retenir

Selon les experts, une bonne façon de détenir de l’or est d’acheter des pièces de Feuille d’érable de la Monnaie royale canadienne d’un vendeur autorisé. L’achat de certificats de papier vous disant que vous détenez des métaux précieux serait, quant à lui, à éviter.

À vérifier

Qui honorera le certificat si l’émetteur d’origine n’existe plus ?

L’émetteur exige-t-il des frais annuels d’entreposage ?

Quels sont les frais de livraison ou d’affinage exigés pour prendre possession des onces d’or ou d’argent ?

Combien de temps s’écoulera-t-il pour échanger votre certificat contre des métaux précieux ou encore de l’argent ?