Vous avez 100 000 $ à laisser à vos enfants ou petits-enfants. Vous décidez de faire du 100 000 $ un trésor et de l’enterrer dans le jardin avec l’objectif de le déterrer dans 20 ans. Qu’allez-vous mettre dedans ? Du liquide, des actions de banques canadiennes, un certificat de dépôt, les clés d’un condo, des dollars américains, des bijoux ? On a demandé conseil à quatre personnalités, qui se sont prêtées au jeu.

De l’assurance-vie

PHOTO FOURNIE PAR LUC POIRIER

Amateur de Ferrari, Luc Poirier possède plusieurs modèles du mythique constructeur italien.

Nous avons demandé l’avis du promoteur Luc Poirier, de la Rive-Sud, quelqu’un qui n’a pas de complexes face à l’argent. Nous l’avons joint au moment où il posait ses valises au Manoir Richelieu de Charlevoix.

On s’attendait à ce qu’il nous parle d’immobilier, son dada. « Bien sûr, je pourrais vous dire d’acheter un terrain en banlieue, comme à Brossard, où le prix des terrains a été multiplié par sept en 12 ans, mais je vais vous surprendre. Je vais vous suggérer de prendre une assurance-vie », nous a-t-il proposé.

Le propriétaire de l’ancienne carrière de la briqueterie de La Prairie a précisé qu’il venait justement de s’en procurer une à des fins de diversification de son patrimoine. La police servira aussi à payer les impôts consécutifs à son décès. Ce collectionneur de voitures de luxe ne fait rien comme le commun des mortels. Le montant de sa couverture atteint 100 millions de dollars. La prime annuelle ? Environ 1,5 million.

« Avec une assurance-vie, les enfants n’ont rien à faire et le montant est garanti quoi qu’il advienne », a-t-il dit pour justifier son choix.

Pour un homme non fumeur de 50 ans, il en coûte 4498 $ par an pendant 20 ans pour se munir d’une police vie entière de 100 000 $ avec valeur de rachat minimum de 64 430 $ après 20 ans, selon des chiffres fournis par Sylvain Lapointe, représentant en sécurité financière chez Focus Services financiers.

Si, dans 20 ans, l’assuré est toujours en vie et que le bénéficiaire a un besoin d’argent pressant, il peut emprunter de 75 à 90 % de la valeur de rachat. Les intérêts sont pleinement capitalisés.

Un bord de lac sauvage

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Andrée-Lise Méthot, fondatrice et associée directrice chez Cycle Capital Management

« Dans 20 ans, nous serons en 2040 et nous serons à quelques années à peine du choc appréhendé par le GEIC [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat] en 2050 concernant le réchauffement planétaire. D’après moi, ça va chauffer », nous a dit Andrée-Lise Méthot par une journée caniculaire de juillet.

Mme Méthot est fondatrice et associée directrice chez Cycle Capital Management (CCM), un fonds d’investissement et de développement spécialisé dans les énergies propres.

« Quand je pense à mon fils, Jin Wei William, je voudrais lui laisser un titre de propriété d’un lopin de terre quelque part dans le nord du Québec, sur le bord d’un lac sauvage où il fera frais et où il pourra respirer. »

Des crédits de carbone

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Norma Kozhaya, économiste au CPQ

Norma Kozhaya nous a ébahis par sa suggestion. « Polluer va coûter plus cher à l’avenir, a-t-elle fait remarquer. Avec la Bourse du carbone, il est possible d’acheter aujourd’hui des droits d’émission de tonnes de gaz carbonique, de les placer dans la boîte et les revendre dans 10 ou 20 ans, à un prix beaucoup plus cher. »

L’économiste du CPQ ne croyait pas si bien dire. La vente aux enchères des droits d’émission de CO2 de la Bourse du carbone est soumise par règlement à un prix minimum jusqu’en 2030. Celui-ci croît de 5 % par année plus l’inflation, souligne Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal. Un rendement minimum garanti, en somme.

« Il y a un risque politique », précise l’universitaire. L’Ontario s’est retiré du marché. À mesure que le prix du permis augmente et que les quantités d’émissions permises diminuent de 3 % annuellement, le prix de la tonne de CO2 va forcément grimper. Cette hausse de prix se fera inévitablement ressentir dans l’économie réelle, par exemple à la pompe. « Une fois à cette étape, la pression populaire forcera peut-être le gouvernement à revoir le système », craint le professeur.

M. Pineau a lui-même acheté le droit de produire 1000 tonnes de CO2 en mai 2014 à un prix approximatif de 11,40 $ la tonne. Il détient d’ailleurs toujours les droits. Six ans plus tard, le prix minimum est fixé à 23,17 $, un rendement de 103 % avant les frais.

Pour l’achat des unités d’émission, le gouvernement du Québec permet aux particuliers de participer aux enchères en s’inscrivant en ligne, un processus fastidieux, nous dit-on. L’achat minimum est fixé à 1000 tonnes. Pour la revente, la transaction se fait de gré à gré sur le marché secondaire.

Le Conseil patronal de l’environnement du Québec a mis en place la Plateforme d’échange des marchés environnementaux (PEME) à ce propos. Il est également possible de revendre ses droits à un intermédiaire. L’organisme Coop Carbone en rachète à l’occasion, indique à La Presse son PDG, Jean Nolet. Des frais de transactions de l’ordre de 5 % du volume sont à prévoir.

Comme choix de remplacement, Mme Kozhaya suggère des participations dans un immeuble locatif.

De l’or

PHOTO PASCAL RATTHÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Clément Gignac, vice-président principal et économiste en chef à iA Groupe financier

Nous venions de terminer le visionnement du dernier Spike Lee, Da 5 Bloods, sur Netflix, quand nous nous sommes entretenus avec Clément Gignac.

Après avoir suivi pendant près de deux heures les tribulations de quatre anciens combattants qui retournent au Viêtnam pour rapatrier un coffre rempli d’or, nous avons écouté attentivement l’économiste de renom qui nous a gardés sur le sujet.

« Vous ouvrez votre boîte, vous y placez vos onces d’or et vous la refermez. Vous n’y pensez plus et vous la rouvrez dans 15 ou 20 ans. L’or sera probablement l’une des catégories d’actif qui va bien faire dans les prochaines années, nous a conseillé le vice-président principal et économiste en chef à iA Groupe financier.

« L’or est parfait pour être rangé dans une boîte, a poursuivi l’ancien ministre québécois du Développement économique. Il ne coûte rien, il ne rapporte rien et il ne se dégrade pas au fil du temps. C’est une valeur refuge. »

M. Gignac voit le métal précieux, qui a gagné 30 % de sa valeur depuis le 1er janvier, continuer à s’apprécier jusqu’à 3000 $ US l’once d’ici deux ou trois ans.

Le 4 août, le métal précieux a fracassé les 2000 $ US en cours de journée. En dollars du Nord, ça revient à 2678 $ l’once. À ce prix, ça prend moins de 38 onces Troy pour réunir 100 000 $. Ce poids correspond à 1 kilo et 182 grammes pour les habitués du système métrique. Une toute petite boîte suffira.

Autre possibilité, Clément Gignac propose l’achat d’actions de grandes banques canadiennes versant de généreux dividendes croissants sans interruption depuis pratiquement la création du Canada en 1867.

Et vous, que mettriez-vous dans votre trésor ?

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